L’été 2014 voit l’intensification de la commémoration du centenaire de 1914. Lorsque l’on connait peu cette période, elle paraît très éloignée. Quel est ce monde ? Les Européens ont colonisé la planète. Les Anglais, les Français principalement mais aussi les Allemands, les Espagnols, les Portugais, les Néerlandais se sont appropriés des territoires – ou les ont conservés depuis la colonisation des Temps modernes – ou des comptoirs. La mondialisation bat son plein à la suite d’un développement majeur de la technologie dans les domaines de la physique (optique moderne, électromagnétisme, thermodynamique), de la biologie (vaccin, théorie de l’évolution), des télécommunications (télégraphe électrique, téléphone, radio, phonographe, cinéma), de la navigation (vapeur, cuirassé), du déplacement terrestre (train, voiture) et aérien (avion, dirigeable)…
[caption id="" align="aligncenter" width="475"] echoradar.eu[/caption]Les grandes inventions du XIXème siècle ont forgé un monde dans lequel la Chine a été mise à genou par les traités inégaux, les Indes ont été dominées par les Britanniques, la Russie a étendu son empire et sa sphère d’influence sur les steppes d’Asie centrale et le Japon est revenu sur la scène internationale après la guerre russo-japonaise (1904-05). Les Américains, après s’être massacrés entre nordistes et sudistes (plus d’un million d’hommes comme pertes) et avoir massacré les Indiens, ont entrepris de s’étendre dans le Pacifique et les Caraïbes. Les empires autrichiens et ottomans, tiennent tant bien que mal leurs territoires mais ne semblent pas devoir disparaitre à court terme.
Si l’on en croit les indices de développement, l’humanité n’aurait jamais été aussi riche en 1914 que dans les périodes précédentes, le commerce international n’avait jamais été aussi florissant, les populations aussi éduquées… Les guerres napoléoniennes, d’indépendance et révolutions qui ont ravagé l’Europe ne seraient qu’un lointain passé. Pour certains, le spectre de la guerre à grande échelle serait jugulé par le développement du commerce mondial. L’ordre européen affirmé à Vienne en 1815, complété à Berlin en 1885 pour les possessions africaines, était à peine entamé par les nationalismes, au moins en surface. La sécurité collective restait un rêve à portée de main : Ce n’est que par la libre fédération des nations autonomes, répudiant les entreprises de force et se soumettant à des règles de droit, que peut être réalisée l’unité humaine. (Jaurès, L’armée nouvelle). Chacun sait que la guerre reste possible mais chacun l’espère courte, limitée et victorieuse. La paix européenne est celle du monde !
Le monde du début de l’été 1914 est pourtant au bord de la guerre mondiale. Il est déjà en guerre. La guerre bat son plein : révoltes au Dahomey, intervention américaine en Haïti, Mexique en pleine déliquescence… Mais cela parait loin, exotique et finalement ne pas concerner l’Europe, malgré
- une France voulant, un jour, sa revanche sur l’Allemagne – une France qui a passé le service à 3 ans l’année précédente et envisageant de recourir à la Force noire « du » général Mangin-,
- une Autriche matant pour un temps les velléités indépendantistes dans les Balkans,
- des confrontations commerciales importantes dans les colonies, en Amérique du sud, mais aussi au Proche-Orient (chemin de fer) entre puissances européennes et parfois la nouvelle puissance mondiale, les Etats-Unis,
- un espionnage à grande échelle de la part des grandes puissances,
- la question de la conservation de la neutralité de la Belgique en cas de conflit…
Le terrorisme – notamment anarchiste et nihiliste – s’est développé depuis quelques décennies, l’attentat de Sarajevo n’étant qu’un acte terroriste parmi tant d’autres mais un de trop. La criminalité n’est plus seulement locale, clanique mais aussi nationale voire internationale. Pendant ce temps là, les peuples d’Europe encore à dominante rurale, préparent les moissons. Ils récolteront une guerre qui traumatisera l’Europe et marquera le début de son déclin relatif.
Bref, ce monde de 1914 –décrit succinctement par cet état des lieux non exhaustif – parait à la fois si lointain et si proche de notre actualité : mondialisation, mutation technologique, terrorisme, espionnage, criminalité, instabilité en Afrique, etc. Il est naturellement apparu comme un sujet d’intérêt pour les blogueurs d’EchoRadar. Des billets – sans autre prétention que de partager avec vous – vous seront proposés jusqu’à la rentrée, couvrant des aspects plus ou moins connus de cette époque dans les domaines des télécommunications et du chiffre, de la guerre navale, de la préparation militaire de certains pays, en ouvrant sur la participation à la Grande guerre. Ils ne constituent pas les éléments d’un dossier exhaustif mais bien quelques briques dans l’immense « mur de la mémoire » qui se construit à l’été 2014, en France et dans le monde.
S. D. Lignes stratégiques
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