Après le choc de la défaite de 1870, l’une des réactions de la France est d’instauré légalement un régime de réserve afin de disposer de forces supplémentaires en cas de conflit armé. En effet, la déroute de 1870 a notamment mis en exergue la fragilité de l’armée française sans force supplémentaire de réserve [3].
La loi du 27 juillet 1872 souligne le principe d’universalité en énonçant : « Tout Français […] peut être appelé, depuis l’âge de vingt ans jusqu’à celui de quarante ans, à faire partie de l’armée active et des réserves » [4]. Cette loi sera renforcée par la loi du 21 mars 1905 ainsi que par la loi du 7 août 1913. Cette dernière rétablit le service militaire à trois ans et allonge les obligations, jusqu’à onze ans, de service dans l’armée de réserve. Elle reconnaît aux officiers de réserve la possibilité de participer à des périodes annuelles de quinze jours en contrepartie de la perception d’une solde [5]. Outre ces détails, elle va permettre de disposer de 25 divisions de réserve dès le début de la guerre et souligner la prise de conscience du gouvernement français quant à l’utilité de la réserve. D’ailleurs, elle sera défendue par Jean Jaurès en ces termes : « Il faut, en rapprochant les réservistes de leurs centres d’activité, en cessant ce schisme, ce divorce déplorable, au point de vue militaire comme au point de vue social, de l’armée et du pays, rendre plus faciles les convocations fréquentes et à courte durée des réservistes. Il faut, par tous les moyens, fondre ce qu’on appelle la réserve et ce que l’on appelle l’active dans une armée unique, dans la nation armée, dans la nation active » [6]. Le cumul des lois de 1905 et de 1913 permettra d’obtenir un réservoir de plus de 8 millions d’hommes tout au long des combats de la Première guerre mondiale. La mobilisation du 1er août 1914 va réunir les hommes de l’active soit les classes 1911, 1912 et 1913 (nés entre 1891 et 1893, 21 à 23 ans) qui sont rejoints par les hommes de la réserve soit les classes 1900 à 1910 (nés entre 1880 et 1890, 24 à 34 ans), puis par les 700 000 hommes de la territoriale soit les classes 1893 à 1899 (nés entre 1866 et 1879, 35 à 48 ans). La réserve de la territoriale, soit les classes 1887 à 1892, n’est pas immédiatement mobilisée mais elle sera incorporée pour les plus jeunes à partir du 16 août 1914 [7]. Ainsi, plusieurs classes de la pyramide des âges sont mobilisées sous les drapeaux. Cela aura pour triste conséquence de décimer une grande part de la population masculine française. La Grande guerre étant le premier conflit armé national à réunir au combat à la fois les réservistes et les militaires d’active, il est important de rendre également un hommage tout particulier aux réservistes car c’est grâce aux renforts significatifs de la réserve que l’armée française a pu résister plus de quatre années. Le sacrifice de la réserve a souligné la volonté de la nation dans son entier de vouloir se défendre et de résister face à l’ennemi. Aujourd’hui, les fondements législatifs de l’actuelle organisation des réserves reposent principalement sur deux lois :
- la loi du 10 juillet 1971[8] portant code du service national qui a eu pour effet de permettre aux officiers et sous-officiers de la disponibilité ou de la réserve d’accomplir des périodes supplémentaires au-delà de la limite générale ainsi que d’ouvrir aux réservistes la possibilité, pendant leurs périodes, d’occuper une fonction dans les armées ;
- la loi du 22 octobre 1999[9] qui a eu pour conséquence de créer une véritable « réserve opérationnelle » (à laquelle s’ajoute une « réserve citoyenne ») et avec elle, le Conseil supérieur de la réserve militaire, en charge, entre autres, d’assurer son développement. Cette loi est applicable depuis le 5 décembre 2000, par la prise d’un décret particulier [10].
Ces lois font du réserviste un militaire à part entière même s’il reste un militaire à temps partiel. Selon l’article L4211-1, III du code de la défense, « la réserve militaire a pour objet de renforcer les capacités des forces armées dont elle est une des composantes pour la protection du territoire national, comme dans le cadre des opérations extérieures, d’entretenir l’esprit de défense et de contribuer au maintien du lien entre la nation et ses forces armées ». Ainsi, le réserviste, qu’il soit au grade de sous officier ou d’officier, a la possibilité d’effectuer, par un acte d’engagement à servir dans la réserve (ESR), des missions opérationnelles sur de courtes périodes mais également et plus humblement de contribuer au rayonnement de l’armée auprès de la population. Cette mission de rayonnement peut paraître futile aux yeux de certains militaires d’active mais permet d’incarner, par leur présence aux cérémonies, le devoir de mémoire. Ce devoir de mémoire, aujourd’hui encore discuté, est ce qui nous rattache aux événements passés de notre Histoire, ce qui forge notre conscience citoyenne et bâtit nos responsabilités. Au-delà de l’appartenance à l’institution miliaire, être réserviste permet de se situer dans la lignée historique de la République française qui, en 1914, a vu son existence menacée.
En conclusion, que ce soit le réserviste de 1914 ou de 2014, que ce soit le militaire d’active de 1914 ou de 2014, il faut aujourd’hui saluer leur humilité, leur sacrifice et leur action pour la nation : « Car si vous avez choisi l’uniforme, ce n’est pas pour vous flatter d’un grade et de décorations qui vous rendraient en quelque sorte supérieurs aux autres. Sur ce point, vous savez déjà combien l’expérience des officiers mariniers est essentielle aux jeunes officiers que vous êtes : ils vous sont subordonnés, mais ils ne vous sont pas inférieurs. Si vous êtes ici aujourd’hui, c’est bien pour servir et non pas pour vous servir : là se trouve la véritable noblesse, la véritable grandeur du métier des armes. Là se trouve l’honneur du réserviste, qui consacre un pan de sa vie personnelle au service de sa patrie. Le don est toujours premier et c’est parce que vous donnerez que l’on vous donnera [11] ». ________________________________________ [1] dont l’auteur est également officier de réserve dans la Marine [2] Source de l’image : gallica.bnf.fr bibliothèque nationale de France [3] http://www.senat.fr/rap/l98-355/l98-3551.html [4] Article 2 de la loi du 27 juillet 1872 [5] Article 24 complétant l’article 40 de la loi de 1905 [6] Jean Jaurès et la défense nationale : discours sur la loi de 3 ans prononcé à la Chambre des Députés par Jean Jaurès les 17 et 18 juin 1913 (2e édition) [7] http://combattant.14-18.pagesperso-orange.fr/ [8] La loi n° 71-424 du 10 juillet 1971[8] portant code du service national [9] La loi n° 99-894 « portant organisation de la réserve militaire et du service de défense » du 22 octobre 1999 [10] Décret n°2000-1170 du 1 décembre 2000 relatif aux conditions de recrutement, d’exercice d’activités, d’avancement, d’accès à l’honorariat et de radiation du personnel de la réserve militaire [11] Extrait du discours de l’Amiral Lugan lors de la cérémonie de clôture du cycle de la Préparation Militaire Supérieure Marine Etat Major D’Estienne d’Orves le 21 juin 2014
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