Quittons un peu la mer et les embruns pour découvrir une histoire qui semble, manifestement, assez méconnue. La Marine nationale s’est illustrée à de nombreuses reprises pour ses combats à terre : au moins pendant les trois guerres face à l’Allemagne de 1870 à 1945.
Aujourd’hui, découvrons grâce à l’article du colonel A. POLI paru dans la Revue Historique des Armées (Guerre de 1914-1918, numéro 3 – 1988) l’origine et les combats des Groupes mixtes d’automitrailleuses et d’autocanons de la Marine pendant la guerre de 1914 (pp. 91-100).
© GBM n°90. Photo parue dans GBM N°90 l’une des quatre automitrailleuses affectées à l’unique groupe d’autocanons de 47m/m datée du 25/02/1915.Photographie prise à l’intérieur du Grand-Palais (via la publication de Mihansoldtimer 1 sur le forum Les Renault d’Avant Guerre).
Dans un premier temps, le colonel Poli nous relate les premières expérimentations d’embarquement de mitrailleuses à bord d’automobiles. Par exemple, en 1902 il y a l’apparition de l’automitrailleuse Charron-Girardot & Voigt (sigle CGV). Il s’agit d’une voiture de tourisme dotée d’un moteur de 30 cv, roulant à environ 40 km/h, armée d’une mitrailleuse Hotchkiss de 8 mm avec une plaque de blindage de 6 mm pour protéger le servant. Expérimentée la même année au camp de Satory, aucune suite n’a été donnée.
L’affaire devient plus consistante dans les années suivantes. Un certain capitaine Genty reprend les expérimentations avec cette fois-ci des véhicules Panhard et Levassor. Ces automobiles sont expérimentées au cours des manoeuvres de la 1ière division de Cavalerie en 1905. Essais poursuivis jusqu’en 1906. Le rapport est plus que favorable puisqu’il énonce que « ce matériel constitue bien une bouche à feu légère, excessivement mobile et toujours prête à ouvrir le feu« . Beau rapport resté sans suite.
Finalement, c’est sous l’impulsion du général Lyautey que le capitaine Genty et ses véhicules prennent le bateau pour l’Afrique du Nord. Les essais furent difficiles mais ces véhicules participèrent à l’entrée des troupes françaises dans Fez.
A la déclaration de guerre en 1914, et malgré toutes ces expérimentations, il n’y a ni automitrailleuses, ni autocanons en métropole. Seulement des véhicules de liaison.
L’impulsion vient cette fois-ci du général Gallieni qui vient de vivre l’expérience de la bataille de la Marne (5-12 septembre 1914). « Pour lui, les actions rapides avaient tout leur sens ; il chargea donc dès le mois de septembre, deux officiers de son état-major [le lieutenant de vaisseau Hergault et le lieutenant Lesieur-Desbrière] de la mission impérative suivant : réaliser dans les meilleurs délais l’aménagement de voitures automobiles de tourisme réquisitionnées en autocanons et automitrailleuses, organiser et constituer des unités en état de combattre, et les engager aussitôt au front. » (p. 93)
Les premières plateformes équipées étaient des Peugeot. L’armement se porta sur le canon semi-automatique de 37mm dont la Royale possédait un stock suffisant pour en offrir au gouverneur militaire de Paris afin d’armer ces voitures. Les essais de ces premières automobiles furent suivi de près par le général Gallieni. La première formation à peine constituée, alors en route pour des exercices à Satory, est interceptée par un officier d’état-major pour être envoyée au front. Le 27 septembre le 1er Groupe-Mixte d’autocanons et d’automitrailleuses, la moitié du 2e Groupe et quatre véhicules n’ayant pas accompli d’essais sont envoyés au front.
Ces unités sont majoritairement armées par des marins : officiers, maîtres et spécialistes, canonniers, mécaniciens, conducteurs et mitrailleurs. Le reste des effectifs est apporté par les Armes de l’Armée (Cavalerie, Génie, etc…).
La composition initiale d’un groupe était la suivante :
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10 voitures : 6 sont armées de canons de 37mm, 4 sont armées de la mitrailleuse Hotchkiss 8 mm ;
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3 voitures de service : 1 voiture légère, 2 fourgons à munitions.
Un équipage comprend : 1 officier ou sous-officier chef de voiture, 1 conducteur-mécanicien, 1 conducteur-mécanicien suppléant, 1 tireur, 1 chargeur.
Le colonel précise, en plus de ce qui précède, qu’à la fin de l’année 1915 vingt groupes sont constitués. Ils servent les grandes unités du front. Et une nouveauté apparaît : des châssis de camion équipés de canon de 47 long.
Les combat menées par ces unités commencent à dessiner les contours de la future Arme de l’Armée (de Terre). Les Groupe-Mixtes furent sollicités pour leur apport en feu mobile, se battre entre les lignes ou dans les ruines d’une localité, leur mise en batterie, la destruction des pièces ennemies (mitrailleuse et pièces d’artillerie trop avancées), la poursuite d’éléments adverses, etc… « Déjà on se risque à foncer et c’est tout à l’honneur des marins qui opèrent en cavaliers… sinon à l’abordage. » (p. 97)
« De jour en jour, on pouvait réfléchir et concevoir le cadre des missions que l’on pouvait attendre de ces unités. Ce sera le canevas du futur règlement de la cavalerie légère blindée:
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le harcèlement de l’ennemi ;
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l’action retardatrice ;
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les raids en profondeur ;
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la reconnaissance d’un point ou d’un itinéraire ;
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s’emparer par surprise d’une localité ;
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nettoyer les bois et les bocages ;
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tenir une tête de pont (intenable par d’autres).
On s’acheminait donc vers la création d’une arme nouvelle, légère, mobile, blindée, bien armée et d’un emploi souple et efficace. Mais il faudra attendre la fin de la guerre pour la voir s’épanouir dans le cadre des grandes unités de cavalerie. » (p. 97)
Finalement, le personnel de la Marine est rappelé pour servir à la mer en 1916. Ces marins seront nécessaire pour soutenir la montée en puissance de la lutte anti-sous-marine. Les groupes de la Marine sont dissous et la Cavalerie prend le relais. Déjà, en 1915 le bataillon de fusiliers-marins de l’amiral Ronarch’ avait été dissous en 1915.
Peut-être que l’auteur de ce blog a mal lu mais est-ce bien la Marine nationale qui participe à un épisode fondateur dans la création de l’Arme Blindée Cavalerie ? « Les marins et avec eux tous leurs camarades de combat des autres armes servirent conjointement les Groupes-Mixtes de la Marine dans les premières heures qui virent naître la cavalerie légère blindée dont le nom n’était alors pas encore prononcée. Les principes d’emploi qu’ils ont découverts et appliqués et les traditions qu’ils ont ainsi créées, furent largement reprises et suivies entre les deux guerres sur tous les théâtres d’opérations en Afrique du Nord, au Moyen-Orient ou bien outre-mer et lors des manoeuvres expérimentales en métropole. » (p. 98)
Le marquis de Seignelay / Le Fauteuil de Colbert
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