L’Armée de Mer est la grande absente de la Grande guerre dans l’imaginaire collectif. Par exemple, dans l’ouvrage de Guy Le Moign (Les 600 plus grandes batailles navales de l’Histoire aux éditions l’Harmattan), la Royale est citée dans un engagement face à des navires de la marine austro-hongroise alors qu’Anglais et Allemands sont cités dans de nombreux affrontements.
© Bibliothèque nationale de France ― Département Estampes et photographie – Photographie de presse de l’Agence Meurisse ― Réf. 69.497. Mis en ligne par Rutilius sur le forum « Pages14-18 ».
Si les U-boat allemands tiennent le haut du pavé comme menace navale de premier plan, nous ne trouvons pas facilement des informations sur ce que la France avait comme sous-marins et submersibles. Et encore moins sur ce qu’ils ont fait (ce qui ne sera malheureusement pas l’objet de ce billet) !
Grâce à l’ouvrage écrit à quatre mains entre le vice-amiral Henri Darrieus et le contre-amiral Bernard Estival –Gabriel Darrieus et la Guerre sur Mer édité par le Service Historque de la Marine-, nous avons quelques indications sur l’historique des sous-marins submersibles français, au croisement des XIXe et XXe siècle, à l’aube du premier conflit mondial.
Avant toute chose, commençons par les débuts français. L’auteur canadien Spencer Dunmore (Sous-marins – La fascinante aventure des guerriers du silence (1776-2002) nous remet en mémoire les premeirs qu’ont été Goubet (premier sous-marin de poche), Gustave Zédé (concepteur du Gymnote – 1888) et, surtout, Maxime Laubeuf : « le père du Narval (1898), ancêtre du sous-marin moderne, dont il possédait toutes les qualités essentielles : double coque et double appareil de propulsion (machine à vapeur en surface et moteur électrique en plongée). (p. 40) »
N’oublions pas le Plongeur (1863-1872), une expérimentation bien pionnière en France !
« Le Gymnote et le Gustave-Zédé, qui avaient été les premiers sous-marins du monde [d’où l’intérêt du livre de Spencer Dunmore pour observer la difficulté à déterminer qui a conçu le premier sous-marin], étaient toujours en service en 1900, mais, navires expérimentaux, ils n’avaient plus aucune valeur militaire. (p. 25 du livre de Darrieus et Estival) » C’est donc à partir de cette année « zéro » que va se construire et se déployer la flotte sous-marine française.
Justement, comme le rappelle les deux amiraux, le Narval de Laubeuf débutait à peine de brillants essais qui démontraient la supériorité à cette époque du submersible sur le sous-marin pur. La Marine était encore engonçait dans les débats provoqués par la Jeune école. Une partie de l’opinion était obsédée par la défense des côtes contre les insultes anglaises et surtout leur capacité à mettre la France sous blocus. C’est pourquoi le sous-marin pur est préféré, dans le cadre d’une stratégie défensive.
Maxime Laubeuf propose un concept d’emploi du submersible, qui a sa préférence, très offensif comme en témoigne ce passage cité dans Darrieus et la Guerre sur Mer : « … Partir de Cherbourg ou de Brest, à la nuit tombante, arriver avant le jour devant les ports anglais, se mettre en plongée et torpiller les navires entrant et sortant des rades de Portsmouth, Plymouth ou l’entrée de la Tamise. »
Les amiraux Darrieus et Estival citent le début du redressement naval de la France (période allant de 1900 à 1906) quelques années après la crise de Fachoda.
En premier lieu, il y a le le ministère Lanessan (1900-1902) qui produit un programme naval prévoyant la construction de six cuirassés de 15 000 tonnes (les six Patrie), la poursuite de la construction des croiseurs-cuirassés et la mise sur cale d’une vingtaine de destroyers de 310 tonnes supplémentaires. Le ministère de la Marine lance la construction de quatre séries de sous-marins purs : « les Sirène [quatre unités] entreront en service en 1901-1902, les Farfadet [quatre unités] (1903-1905), les Morse [deux unités] en 1901 et les Naïade [vingt unités] entre 1905 et 1907. (p. 25) »
Sur toutes ces constructions, seuls les quatre sous-marins de classe Sirène seront retirés du service après la Grande guerre (en 1919) et non pas avant 1914 (pour les 26 autres unités construites).
L’avance technologique du Narval n’est pas exploitée. Cependant, la construction de treize submersibles du type Aigrette est lancée à la fin du ministère Lanessan. Cette classe est une amélioration des Sirène. Leur propulsion est assurée en surface non plus par une machine à vapeur mais par une propulsion diesel. Ce qui réduit significativement leur temps de prise de plongée qui était de 10 minutes pour les Sirène !
Arrive le ministère Pelletan pendant lequel la Marine perd trois années de tranches navales (mai 1902-janvier 1905).
La commande des treize submersibles de classe Aigrette est annulée : la classe ne comptera que deux unités au final.
En revanche, les constructions de six sous-marins purs type Emeraude et de deux submersibles de type Circé sont entreprises. Il y aura auss cette classe de de dix sous-marins de type Guêpe (45 tonnes !) qui sera lancée. Au départ de Camille Pelletan, elle est arrêtée après la construction des deux premières unités.
Les Aigrette, Emeraude, Guêpe et les Circé participeront à la guerre. Ajoutons la construction de l’Argonaute.A partir de 1905, la construction de sous-marins purs est abandonnée,décision justifée en partie par les deux accidents des Farfadet (1905) et Lutin (1906) qui avaient coulé accidentellement dans la région de Bizerte. La Marine ne mettra plus en chantier que des submersibles -en dehors de deux sous-marins expérimentaux : le Mariotte et le Charles Brun.
Une grande série de submersibles est alors construite à travers les classes Pluviôse (18 unités propulsées en surface par vapeur sont commandées 1905), Brumaire (16 unités dotés de machines diesel commandées en 1906).
Les Pluviôse et Brumaire participeront eux aussi à la Grande guerre. Il faut leur ajouter les classes Clorinde (deux unités) et Gustave Zédé (deux unités). D’autres classes de sous-marins et submersibles suivront. Elles seront mise sur cale en 1914 et après, ce qui dépasse le cadre de notre billet.
L’industrie française peine à fournir les submersibles en moteurs diesel de qualité. Les Circé seront équipés de moteus MAN achetés en Allemagne quand les Brumaire seront dotés des mêmes moteurs construit sous licence.
Nos submersibles, aux dires deux amiraux, pêchaient, comme d’autres réalisations navales françaises, par la médiocre définition des appareils. Ils citent le cas du sous-marin Curie (p. 30) : coulé devant Pola, renfloué et remis en état par les Autrichiens. Rebaptisé U-14, son nouveau commandant, le lieutenant de vaisseau Von Trapp, nous en donne une appréciation : « Tout est génial, mais rien n’est fini, précis… Les Français ont sorti une façon d chef-d’oeuvre. Mais il a fallu le soin et la précision de nos travailleurs pour en faire un navire de guerre capable d’autre chose que de naviguer en plongée« .
Le nouveau programme naval de 1906 prévoit 34 cuirassés, 36 croiseurs-cuirassés, 6 éclaireurs, 109 contre-torpilleurs, 131 submersibles et sous-marins et 179 torpilleurs.
En 1910, le vice-amiral Augustin Boué de Lapeyrère, devenu ministre de la Marine, proposait un plan naval à la chambre basse du Parlement qui prévoyait pour 1920 : « 28 cuirassés, 10 éclaireurs, 52 destroyers, 94 sous-marins, 10 bâtiments coloniaux et toute la gamme des flottilles spécialisées (pp. 610-611 de Une Education Géostratégique – La pensée navale française de la Jeune école à 1914). » Plan non-accepté, les parlementaires s’en tenant au principe des annualités navales.
Notons que de 1906 à 1910 nous passons d’une ambition de 131 submersibles et sous-marins à 94. Aussi, l’auteur de ces lignes n’a pas trouvé de trace des ambitions initiales de 1900, une des années charnières où l’expérimentation ne cédait en rien à l’ambition.
Avec la prudence d’avertir le lecteur qu’il s’agit de calculs trop peu documentés, l’auteur du billet observe que la France entre dans la première guerre mondiale avec : 55 sous-marins et submersibles.
Mais quelles sont les missions réalisées par eux au service de la France pendant la Grande guerre ?Le marquis de Seignelay / Le Fauteuil de Colbert
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[…] Il était rebaptisé le Roland Morillot en l’honneur du commandant du Monge, un sous-marin de classe Pluviôse coulé en […]