L’Echo du mois permet d’échanger, au travers d’une interview, avec des personnalités dont l’action s’inscrit dans les thèmes relatifs à la stratégie, à ses diverses variantes, à ses évolutions technologiques et à leur influence sur celle-ci.
Partenaire média de Défense & Stratégie dans le cadre des « 2èmes Rencontres Parlementaires de la cybersécurité » qui auront lieu demain, jeudi 23 octobre 2014, EchoRadar a l’honneur de vous proposer un entretien avec Gwendal Rouillard [1], député de la 5ème circonscription du Morbihan et conseiller municipal de Lorient.
Sensible aux questions de Défense et notamment aux enjeux liés à la cyberdéfense et à la cybersécurité, Gwendal Rouillard animera la troisième table ronde qui s’intéresse à la déclinaison du plan Défense Cyber annoncé en janvier 2014 par le ministre de la Défense. L’occasion était donc toute trouvée de poser nos questions.
Les 2èmes rencontres parlementaires de la cybersécurité s’ouvrent demain. Pensez-vous que les enjeux de sécurité et de défense en lien avec le cyberespace sont-ils maintenant bien appréhendés par les parlementaires ? Inversement, quels seraient les réserves voire les freins que vous pourriez avoir identifiés ?
Aujourd’hui, ces enjeux de sécurité et de défense en lien avec le cyberespace sont de mieux en mieux appréhendés par les parlementaires. Plusieurs rapports publiés ces dernières années en témoignent. Malgré cette prise de conscience, le sujet est « récent » pour beaucoup et il n’a été abordé que peu de fois dans l’hémicycle, notamment lors de l’examen de la Loi de programmation militaire l’année dernière et lors de la Loi anti-terrorisme cette année.
L’enjeu pour notre sécurité est majeur et il nécessite une mobilisation nationale des élus, des entreprises, des administrations et de l’ensemble du pays pour une meilleure protection collective. C’est pourquoi le travail d’information et de sensibilisation doit être constant.
L’enjeu des questions de cybercriminalité et de cybersécurité est-il à même de faire évoluer le rapport des collectivités territoriales vis à vis des structures responsables de la défense et de la sécurité nationale ?
Oui, parce que les collectivités ont besoin des compétences et du savoir-faire de ces structures et, plus globalement, des services de l’État. Les enjeux sont bien identifiés : choisir les outils efficaces de protection, former les personnels, établir les procédures, sensibiliser les citoyens et les acteurs dans les territoires…
En réalité, chaque acteur est détenteur d’une part de la souveraineté nationale et les collectivités sont en première ligne pour protéger nos intérêts.
Pacte Défense Cyber, réserve cyber citoyenne, exercice DefNET 2014, la cyberdéfense ne court-elle pas le risque de sembler “confisquée” par les militaires aux yeux des citoyens ? Ce risque ne pourrait-il pas, au cours du temps, devenir réalité, l’essentiel des crédits étant absorbés par le ministère de la Défense alors que la cyberdéfense concerne tout autant les autres ministères, l’administration, les collectivités territoriales et locales, etc.
Les crédits attribués à la Défense répondent au Livre Blanc de 2013 et aux priorités fixées par la Loi de programmation militaire. Il s’agit de protéger la France, ses intérêts vitaux et ses citoyens. C’est le sens du Pôle Cyber Bretagne qui se met en œuvre depuis plusieurs mois à l’initiative de notre Ministre de la Défense.
Pour le reste, le budget de l’État consacre des crédits pour la protection des ministères, services et opérateurs. Il permet de financer en particulier l’ANSSI, l’Agence Nationale pour la Sécurité des Systèmes d’Information, dont je salue le travail de qualité.
Comment entretenir le lien nation-armées dans le domaine de la cyberdéfense ?
Le Pacte Défense Cyber prévoit notamment le recrutement de réservistes comme on le pratique au sein de notre armée. Ces personnes seront des sentinelles de la cyberdéfense pour la France. Plus généralement, je le redis, nos concitoyens sont invités à la vigilance. Je pense, par exemple, à la protection de leurs données personnelles.
Livres blancs de 2008 puis de 2013, loi de programmation militaire 2014/2019 et son chapitre IV “cyber” votée en décembre 2013, plan 33 “cyber” de la Nouvelle France Industrielle : si le chemin parcouru en quelques années semble important, la fréquence et l’efficacité des cyberattaques n’ont fait que croître dans la même période. Le dispositif de cyberdéfense actuel est-il alors vraiment adapté ? Ne nécessiterait-il pas une analyse indépendante et critique pour s’en assurer et au besoin le rendre plus agile, plus réactif voire moins centralisé ?
La mise en œuvre du dispositif cyberdéfense est en phase d’accélération. Nous renforçons d’ailleurs ses moyens d’actions, en créant notamment des centaines de postes d’ingénieurs. Quant à une analyse indépendante et critique, je ne suis pas certain qu’elle nous apporterait un plus. Les services de l’État font déjà un très bon travail.
Jean-Yves Le Drian, le ministre de la Défense, a récemment évoqué son sentiment que le cyber pourrait constituer à l’avenir une armée à part entière au même titre que celle de terre, de mer et de l’air [2]. Partagez-vous son assertion et estimez-vous que la France, dans un contexte budgétaire très contraint, met suffisamment de moyens financiers pour assumer ses ambitions dans le domaine de la cyberdéfense et de la cybersécurité ?
Le Livre Blanc de la Défense nationale a érigé la cyberdéfense au rang de «priorité». La Loi de programmation militaire a inscrit un effort financier important en faveur de son développement. Je pense à la fois aux capacités « défensives » et aux capacités « offensives ».
En tant que député, quelles sont vos actions concrètes et/ou vos projets en matière de cyber dans votre circonscription et à l’Assemblée nationale ?
Sur ces questions, je participe à l’information et à la sensibilisation auprès de nos concitoyens.
D’autre part, je me mobilise concrètement pour soutenir et promouvoir le Pôle Cyber Bretagne. Par exemple, une formation est dispensée à l’École nationale d’ingénieurs de l’Université de Bretagne-sud et forme chaque année 26 étudiants en alternance. Il s’agit d’un véritable atout pour la France et pour l’avenir de ses compétences dans le domaine de la cyberdéfense.Que vous inspire EchoRadar et que nous souhaitez-vous ?
EchoRadar, c’est un peu comme le Pôle d’excellence en Bretagne : il fédère des acteurs. EchoRadar joue un rôle de relais, tout en accompagnant les acteurs et en jouant les garde-fous. Une plateforme d’information, d’analyse et d’apprentissage nécessaire à une prise de conscience aujourd’hui. Je vous souhaite une pleine réussite. Le pays en a besoin !
[1] http://www.gwendal-rouillard.fr/ https://twitter.com/G_ROUILLARD
[2] http://echoradar.eu/2014/10/13/terre-air-mer-cyber-4eme-armee-coup-com-realites/
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M. le député à raison de rappeler que les crédits du cyber militaire proviennent de la LPM donc de choix fait par rapport à d’autres dépenses militaires et non civiles. Par ailleurs, il n’est pas inopportun que, dans un domaine de confrontation stratégique, le ministère de la Defense contribue à la défense du pays. Finalement, M. Rouillard a raison de rappeler que les citoyens participent à la défense du pays, au premier rang desquels les militaires qui sont aussi des citoyens !