Arthur V. Guri est un spécialiste des relations internationales qui a souhaité nous faire part de sa vision de la Corée du Nord au travers d’un mini-dossier. Après avoir redonné de grands éléments au sujet de l’histoire [1], de la politique et de la gouvernance [2] de la Corée du Nord, ce dossier se termine par la partie qui en est sans doute la plus consistante, et dans laquelle nous chercherons à mieux comprendre la situation géopolitique actuelle de la RPDC. Pour cela, nous aborderons les questions suivantes :
- Pourquoi le régime ne s’est-il pas encore effondré ?
- Pourquoi la perspective de la réunification semble-t-elle peu réaliste ?
- Pourquoi le régime multiplie-t-il les provocations violentes envers ses voisins ?
- Pourquoi le régime mène-t-il un programme d’armement nucléaire ?
(Source)
Nous conclurons cette partie, et ce dossier, par une réflexion sur la légitimité du dirigeant nord-coréen actuel, Kim Jong-un.
On notera que cette troisième partie, est inspirée, entre autres, par l’ouvrage de 2012 d’Andrew Logie, « The Answers – North Korea », duquel nous avons repris, complété et mis à jour beaucoup d’éléments intéressants.
Pourquoi le régime ne s’est-il pas encore effondré ?
D’un point de vue interne, 4 facteurs essentiels sont à considérer : la politique de songun, la propagande et l’isolation, la forte répression, et l’absence d’espace privé.
Songun – La politique de « l’Armée d’abord » canalise de fait les aides humanitaires en priorité vers les cadres dirigeants de l’Armée populaire de Corée. Dans un contexte où la famine est omniprésente, nourrir correctement les élites militaires, qui ont un pouvoir de constriction, et conserver l’état de famine au sein du peuple pauvre, qui pourrait avoir envie de se soulever, permet au régime de s’assurer la loyauté de la seule force interne capable de provoquer un changement depuis l’intérieur.
Propagande et isolement – Les Coréens du Nord sont maintenus dans un état d’isolation maximal, que ce soit vis-à-vis du reste du monde – la très grosse majorité d’entre eux n’ont pas le droit de voyager librement – mais également au sein même du pays – un « visa » est nécessaire pour voyager d’une province à l’autre. Cette isolation physique est couplée à une propagande omniprésente, qui assure notamment à la population que, malgré les famines terribles qu’elle subit, elle vit dans le pays le plus prospère du monde, et que la vie est pire partout ailleurs. C’est cette même propagande qui est responsable de la biographie – parfois très romancée – des dirigeants du pays et du dénigrement des adversaires de la RPDC : « l’impérialiste américain », et le régime « fantoche » du Sud. Les politiques hostiles des USA seraient d’ailleurs, selon cette même propagande, responsables de toutes les difficultés économiques de la RPDC, qui a été contrainte d’utiliser ses ressources pour renforcer son armée plutôt que pour nourrir son peuple. Plus de 60 ans après la guerre de Corée, et avec une espérance de vie en 2011 estimée à un peu moins de 69 ans, une très large majorité de la population de la RPDC n’a connu que ce régime et cette situation. On notera d’ailleurs que cette dernière caractéristique ne pourra que continuer à s’exacerber au fil des années…
Répression – Dans la pure tradition stalinienne, toute expression de ressentiment vis-à-vis du pouvoir en place n’est pas autorisée en RPDC. Jusqu’à l’éclatement du phénomène de famine, la propagande et l’endoctrinement suffisaient à maintenir la loyauté d’une très vaste majorité. Depuis que de fortes famines ont commencé à frapper le pays, le régime a dû mettre en place une politique de répression extrême, pour dissuader les affamés qui commenceraient à douter et à ne plus être convaincus par la propagande de se soulever. Les deux leviers majeurs de cette politique de répression sont d’une part les camps de travail, où les prisonniers politiques sont enfermés, souvent avec leur famille, et souvent sans réellement savoir pourquoi, et exposés à des conditions de travail et de température extrêmes, avec des rations alimentaires dérisoires ; et d’autre part les exécutions publiques, dont on pense comprendre qu’elles sont en nette hausse depuis 2005, conduites comme des spectacles auxquels la population locale est forcée d’assister, et menées sans distinction de genre ou de rang social, sans procédure judiciaire, et pour tout un panel de raisons, économiques ou idéologiques.
Pas d’espace privé – Pour organiser un soulèvement populaire, il faut un minimum d’organisation. Or, il est par construction très difficile voire impossible d’échanger des idées dissidentes ou de s’organiser politiquement en RPDC. La délation est fortement encouragée, voire obligatoire, la pratique religieuse est réprimandée, la pratique d’une activité commerciale privée, qui favoriserait l’émergence de nouveaux espaces sociaux permettant l’échange, entre individus privés, de devises, de biens et d’informations (notamment de rumeurs), est fortement contrainte. Par ailleurs, le rôle majeur joué par le cyberespace lors des révoltes dites des « printemps arabes » n’est pas imaginable en RPDC, à cause du très faible taux de pénétration du numérique dans le pays et aux contraintes très fortes exercées par les pouvoirs publics sur les accès à l’Internet « libre ».
Du point de vue externe, la compréhension de la situation en RPDC passe par une bonne compréhension de la situation géopolitique de la région, et notamment de 5 acteurs majeurs du « problème nord-coréen » : la Corée du Sud, les USA, le Japon, la Chine et la Russie. En faisant le tour des « agendas » de chacun, on constatera finalement que les intérêts de tous ou presque se retrouvent dans le statu quo.
Corée du Sud – Pour le Sud, beaucoup plus riche que le Nord, la réunification aurait de nombreux coûts, économiques, politiques et psychologiques. La Sunshine Policy a notamment permis un afflux de réfugiés depuis le Nord, amenant avec eux de nombreux détails concrets sur les violations des droits de l’Homme par le régime de Pyongyang. De façon générale, le Sud, fier de son self-establishement, a besoin de stabilité, au niveau national et dans la région, pour continuer le fort développement économique dont elle a fait preuve durant ces dernières décennies. Dans cette perspective, le spectre de la réunification par absorption de l’Allemagne hante le peuple sud-coréen, qui ne se sent pas prêt à endurer cette expérience. Du point de vue de l’opinion publique, la famine du Nord ne fait plus la une des journaux au Sud, dont les citoyens se désensibilisent peu à peu de cette problématique, par phénomène de fatigue. Par ailleurs, plusieurs éléments ont contribué à convaincre les Sud-coréens qu’il était inutile voire contreproductif de chercher à engager le Nord : pas de remerciements pour l’aide humanitaire, échec relatif du complexe de Kaesong, assassinat d’un touriste du Sud au Mont Kumgang en 2008, etc.
USA – Avec un peu moins de 30000 personnels basés aux frontières de la RPDC, les États-Unis jouent un rôle majeur dans le jeu géopolitique pour maintenir le rapport de forces dans la péninsule. Cela étant, force est de constater que la « DMZ » est en fait une région particulièrement stable. Les USA sont du coup moins inquiets par l’immédiate vulnérabilité du Sud que par la prolifération des armes nucléaires et balistiques au Nord, et la contrefaçon des devises US. Aux yeux des USA, c’est le programme nucléaire nord-coréen qui maintient l’existence de la RPDC pour Washington. Bien que la politique US vis-à-vis du Sud ait été plutôt irrégulière durant les 20 dernières années (administrations Clinton, Bush puis Obama), il reste que la guerre terrestre avec la RPDC entrainerait très rapidement une guerre terrestre avec la Chine, ce que les USA cherchent à éviter à tout prix.
Japon – Le Japon n’a rien de particulier à gagner dans le statu quo, mais aurait à perdre si la péninsule venait à se réunifier. Vue du Japon, la Corée du Sud est à la fois un modèle, un point de comparaison et un concurrent. Alors que la population japonaise est vieillissante, et sa main-d’œuvre de plus en plus chère, la réunification permettrait au Sud d’accéder à de nouvelles ressources au Nord, et surtout à de la nouvelle main-d’œuvre extrêmement bon marché. Au-delà du développement économique futur, c’est dans le passé, et notamment la guerre de Corée, qu’il faut aller chercher un élément très structurant de jeu géopolitique. En 1965, suite à la normalisation des relations entre le Japon et la Corée du Sud, les Japonais ont dû s’acquitter de $800 millions de réparations de guerre. Rien n’a été versé au Nord, et rien ne le sera tant que les relations diplomatiques avec le régime de Pyongyang ne seront pas normalisées également. Si la réunification de la péninsule avait lieu, le Japon pourrait certainement éviter d’avoir à payer des réparations de guerre substantielles, plus de 60 ans après la fin du conflit, mais ne pourrait clairement pas éviter de participer significativement à l’effort de reconstruction du pays.
Chine – L’empire du milieu est également un acteur majeur du jeu géopolitique de la région. La chute du régime de Kim aurait des impacts significatifs tant sur le plan politique que sur le plan économique. Politiquement, la RPDC devant sa survie à la participation chinoise à la guerre de Corée, son effondrement entrainerait l’allié chinois dans le camp des perdants face à la coalition menée par les Américains. Par ailleurs, la RPDC constitue un tampon physique entre la Chine et la Corée du Sud, et donc le capitalisme américain. Économiquement, dans la continuité de l’annonce par Hu Jintao que le maintien d’une « société harmonieuse » était une priorité nationale, la Chine a besoin d’une stabilité régionale forte pour maintenir sa croissance. Qui plus est, une réunification de la péninsule ferait perdre à la Chine son accès privilégié à la RPDC. Les investissements chinois en RPDC ont contribué à stabiliser le régime de Pyongyang, en amenant un flux de devises constant à Kim Jong-il pour acheter la loyauté de ses élites. Néanmoins, tous les investissements faits en RPDC prenant la forme de joint ventures avec le gouvernement nord-coréen, l’effondrement du régime entrainerait également de nombreuses pertes économiques directes…
Russie – L’implication russe en RPDC s’est arrêtée brutalement après la chute de l’URSS. Pour des raisons économiques, les Soviétiques ont laissé tomber la RPDC, perdant ainsi toute influence politique au pays de Kim. La Russie contemporaine n’a pas spécialement d’intérêt à ce que la péninsule soit divisée, mais jouit du prestige de pouvoir participer aux « pourparlers à six » (Six-party Talks), desquels elle a peu à gagner ou à perdre.
Pourquoi la perspective de la réunification semble-t-elle peu réaliste ?
Les paragraphes précédents ont déjà explicité plusieurs éléments de réponse à cette question : fossé entre le Nord et le Sud à cause de la famine notamment, coûts potentiels très importants de la réunification pour le Sud, jeu géopolitique compliqué, avec cinq autres acteurs majeurs, dont quatre pour lesquels le statu quo est l’option préférable.
D’un point de vue très pragmatique, on rappellera que Séoul est située à moins de 50km de la frontière, que la ville compte plus de 10 millions d’habitants, et que son agglomération concentre plus de 20 des 49 millions d’habitants sud-coréens (soit autant que dans l’ensemble de la Corée du Nord). La ville, avec ses 17211,29 habitants/km², est la 7e plus densément peuplée au monde ; l’agglomération, avec ses 4048 habitants/km², est la 9e plus densément peuplée. Près de la moitié de la population de Corée du Sud, ainsi que l’appareil gouvernemental sud-coréen, et les sièges de grosses entreprises sud-coréennes sont à portée de tir des 600000 soldats du Nord et de ses milliers de pièces d’artilleries placées le long de la frontière. En outre, un grand nombre de ces pièces d’artillerie sont situées dans des cavernes et des positions difficilement accessibles, rendant très compliquée toute neutralisation rapide et massive qui chercherait à limiter la durée du conflit.
La forte densité de population, les grands immeubles, et les millions de véhicules de la ville de Séoul exacerberaient les impacts d’une attaque militaire. En se limitant au bilan humain, on estime qu’une dizaine de jours de conflit ferait plusieurs dizaines de milliers de victimes dans la région de Séoul. Même si la victoire totale sur la RPDC était rapide, et que la Chine n’intervenait pas, on estime que l’ensemble du conflit ferait au moins 1 million de victimes, dont une centaine de milliers d’Américains.
En dehors du coût matériel en vies humaines perdues et en infrastructures détruites, toute attaque sur la région de Séoul aurait de très fortes répercussions sur l’économie nationale, en effrayant notamment tous les investisseurs étrangers et les marchés financiers.
(Source)
Enfin, outre les effectifs nord-coréens déjà postés à la frontière et le renfort chinois qui ne tarderait pas à venir épauler le régime de Pyongyang, il faut noter que la RPDC compte près de 8 millions de réservistes, qui seraient mobilisés et menés par des officiers n’ayant pas oublié l’utilisation massive du napalm par les USA durant la guerre de Corée, possédant l’arme nucléaire et de nombreuses armes bactériologiques (on parle de 5000 tonnes d’agents chimiques, d’anthrax, de choléra, de variole, etc.) et sachant pertinemment qu’ils n’auraient aucun futur au Sud [3]…
Pourquoi le régime multiplie-t-il les provocations violentes envers ses voisins ?
La RPDC a plus que jamais besoin de l’aide humanitaire provenant de l’extérieur, et ne peut pas se permettre de se faire oublier. Les multiples provocations violentes de la RPDC envers ses voisins (tir d’essai d’un missile Taepodong-1 en 1998, attaque du navire sud-coréen Cheonan et de l’île de Yeonpyeong en 2010, essais nucléaires en 2006, 2009 et 2013) sont les premières étapes d’un schéma classique consistant à faire monter la tension, avant de négocier pour obtenir de l’aide humanitaire. En s’appuyant sur la ferme croyance que le Sud fera tout pour éviter un conflit armé, le Nord peut se permettre de provoquer son voisin sans pour autant s’exposer à une réelle entrée en guerre.
Il est cependant intéressant de constater que cette stratégie est n’est pas sans rappeler l’héritage historique coréen et asiatique.
La guérilla – Alors que la propagande étatique a grandement participé à l’embellissement de la biographie de Kim Il-sung, il reste que l’expérience de vie du « Grand Leader » en tant que guérillero est réelle et a significativement forgé sa vision du monde. Initialement à la tête d’une armée de 300 guérilleros combattant l’occupant japonais à la fin des années 1930, lui et ses hommes furent incorporés à une brigade de l’Armée Rouge soviétique fin 1940 qui stationnera le long de la frontière, côté russe. La doctrine nord-coréenne a par la suite énormément joué sur ces éléments de biographie, jusqu’à forger une véritable légende autour du passé de guérillero de Kim Il-sung et à incorporer l’idéal de la guérilla à la mentalité nationale.
La tradition de « l’armée vertueuse » – Les « armées vertueuses » coréennes étaient composées de paysans, de yangbans (sous la dynastie Joseon, classe sociale noble d’hommes éduqués sous l’idéal confucéen), de moines bouddhistes, obligés de s’organiser pour résister contre les invasions japonaises des années 1590. Ces « armées vertueuses » ne sont pas sans rappeler les « voleurs vertueux » qui, sous la dynastie Joseon, se battaient pour les pauvres contre les dirigeants corrompus.
Plus tard, au XIXe siècle, les yangbans, exempts de taxes, qui n’avaient aucune activité agricole ou commerciale, sont devenus un fléau pour la société, drainant une quantité massive de fonds au détriment des paysans.
La consolidation du pouvoir de Kim Il-sung, et le culte de la personnalité qui lui était voué, a pleinement participé à projeter le régime dans une vision de guérilla. Ses provocations contre le Sud, jugé incapable de se libérer du joug de son oppresseur américain, et le Japon ont été menées en suivant une approche « Robin des Bois », dans la continuité de la lutte contre la tyrannie féodale : les yangbans de la dynastie Joseon, les colonialistes japonais, les impérialistes US.
Le « voleur vertueux » nord-coréen se donne donc toute légitimité pour se procurer de la nourriture et du pétrole auprès du monde extérieur, en échange de rien, ou peu.
L’héritage des nomades mongols – Comme les empires nomades de Mongolie qui s’opposaient aux dynasties sédentaires chinoises, la RPDC n’a pas assez de ressources « en propre » pour s’assurer la loyauté de ses élites sur le long terme et assurer sa survie, et est voisine d’États riches qui, malgré leur supériorité, ne veulent pas ou ne peuvent pas l’anéantir complètement. Comme les nomades mongols, la RPDC pratique volontiers la technique de la « retraite infinie », par laquelle les agiles cavaliers mongols harcelaient les armées chinoises lourdement armées, avant de battre immédiatement en retraite.
Cette technique a également été utilisée par les guérilleros communistes chinois et coréens contre l’armée impériale japonaise pendant l’occupation, contre les nationalistes chinois de Chiang Kai-shek pendant la guerre civile chinoise (1946-1950), et contre les alliés des Américains pendant la guerre de Corée.
Pourquoi le régime mène-t-il un programme d’armement nucléaire ?
Nous avons déjà évoqué l’idéologie du Juche, de l’auto-suffisance. Être auto-suffisant, pour un pays qui donne la priorité à « l’armée d’abord », passe sans surprise par la maitrise de la dissuasion (provocation) nucléaire. S’est alors mis en place un cercle vicieux au sein duquel la RPDC a commencé à financer un programme nucléaire grâce, notamment, aux fonds qui auraient dû servir à nourrir les hommes de l’armée. Pour nourrir les élites militaires, dont le régime cherche à sécuriser la loyauté, les canaux humanitaires seront rapidement détournés. Enfin, c’est l’arme nucléaire qui servira de levier de négociation afin de mobiliser ces aides alimentaires…
Nous choisissons de ne pas aller plus loin ici dans l’analyse de la relation entre la RPDC et la maitrise du feu nucléaire, qui mériterait à elle seule un article dédié, peut-être à venir…
Conclusion : Kim Jong-un, quelle légitimité ?
Il est intéressant de constater que la position de leader de Kim Jong-un est nettement moins évidente que celles de son père et de son grand-père. En effet, dans cet environnement fortement influencé par la tradition confucianiste, il dénote : il est jeune, inexpérimenté de la chose militaire, et second fils d’une seconde épouse (ce qui, chez les Joseon, lui aurait valu l’interdiction de passer le concours de la fonction publique et de participer aux rites ancestraux).
Dans la culture traditionnelle coréenne, la piété filiale et la vénération des ancêtres sont des valeurs essentielles, toujours d’actualité en Corée du Sud avec les parents et grands-parents, mais redirigées vers Kim Il-sung en RPDC.
Par ailleurs, la mort de Kim Il-sung a donné lieu à 100 jours de deuil, comme c’était le cas dans la dynastie Goryeo, ainsi qu’à 3 ans d’attente avant que son fils, Kim Jong-il ne choisisse de se confirmer dans son rôle de leader, comme dans la dynastie Joseon.
Son héritier, son fils Kim Jong-il, avait été désigné 20 ans avant son décès, lui permettant de construire progressivement sa légitimité et une large base (informelle) d’alliés loyaux parmi les élites, difficile à transmettre à son propre fils par la suite.
Ainsi, à la mort de Kim Jong-il, c’est un réel challenge qui attendait le jeune Kim Jong-un, à travers la nécessité d’affirmer rapidement de réelles qualités politiques et une personnalité marquante. Immédiatement après la disparation de Kim Jong-il, les regards de nombreux commentaires se sont tournés vers deux personnes que beaucoup jugeaient comme étant les plus influentes de RPDC : Kim Kyong-hui, la plus jeune sœur de Kim Jong-il et tante de Kim Jong-un), et Jang Sung-taek, son mari. Acteurs clés du régime depuis les années 1980, leurs cinq ans de moins que Kim Jong-il faisaient d’eux les plus jeunes de son cercle de proches, pour la plupart octogénaires. Kim Jong-un s’est rapidement « appuyé » sur sa tante et son oncle pour découvrir son nouveau rôle de leader. Certains ont très vite employé le terme de triumvirat, dans lequel Kim Jong-un avait d’une part besoin de la légitimité, de la protection et des réseaux et Kim Kyong-hui et de Jang Sung-taek, tout en sachant qu’il ne pourrait pas jouir de sa pleine autorité tant qu’ils seraient présents.
La nécessité de s’émanciper rapidement était d’autant plus importante que les ambitions de pouvoir de Jang Sung-taek faisaient déjà l’objet de suspicions chez Kim Il-sung et Kim Jong-il. Le couple aurait également entretenu des liens avec le frère ainé de Kim Jong-un, Kim Jong-nam, qui a vécu à Macau, et qui expliquait en 2012 que « sans réforme, la RPDC et son régime allaient s’effondrer ».
En 2012, Andrew Logie écrivait, un peu prémonitoire : « […] the only potential event that could unequivocally signal Kim Jong-un’s immediate attempts to take personal initiative as dictator would be the purging of Jang Sung-taek or the assassination of Kim Jong-nam […] ».
Plus tard :
- en novembre 2012, le site shanghaiist.com rapportait que les autorités sud-coréennes avaient capturé un agent nord-coréen qui aurait confessé avoir été missionné par le régime du Nord pour assassiner Kim Jong-nam [4];
- en décembre 2013, KCNA annonçait que « le traitre » Jang Sung-taek avait été exécuté [5] (le communiqué de presse vaut le coup d’œil…).
Bien vu Andrew…
(Source)
Quelques sources intéressantesLivres :
- [FR] « Pyongyang», Guy Delisle [6]
- Il s’agit d’une bande dessinée dans laquelle l’auteur raconte son expérience (réelle) de vie dans la capitale nord-coréenne. Envoyé en RPDC dans le cadre d’une mission professionnelle, Guy Delisle nous raconte sa vie quotidienne sur place avec humour et légèreté. Ça se lit – et se relit – vite et bien.
- [EN] « The Answers – North Korea», Andrew Logie [7]
- Un peu comme un “Que sais-je ?”, Andrew Logie, expert du sujet nord-coréen, donne quelques éléments de réponse à de grandes questions concernant la RPDC. Tout intérêt suscité par la lecture de la dernière partie du dossier, très inspirée de cette ouvrage, trouvera une suite dans ce livre.
- [FR] « Rescapé du camp 14», Blaine Harden [8]
- Un livre dont il semblerait qu’il soit devenu assez célèbre, dans la mesure où son personnage principal, Shin Dong-hyuk, serait le premier (seul ?) être humain né dans un camp de travail nord-coréen et à s’être échappé du pays. L’éclairage sur la vision du monde et les valeurs morales qui peuvent trouver naissance dans certains esprits nord-coréens est particulièrement intéressant.
- [FR] « Les aquariums de Pyongyang», Kang Chol-hwan [9]
- Cet ouvrage, et le suivant, évoquent des passages de vie en RPDC, à la fois dans les camps et en dehors (à Pyongyang pour celui-là, en campagne pour le suivant), mais traitent également le sujet de la « réinsertion » dans la société occidentale, en l’occurrence en Corée du Sud.
- [FR] « Ici, c’est le paradis : une enfance en Corée du Nord», Hyok Kang [10]
Sites web :
- https://www.flickr.com/photos/mytripsmypics/sets/: le compte flickr du photographe français Eric Lafforgue, qui a effectué plusieurs voyages en RPDC, et en a ramené de magnifiques clichés
- [EN] http://www.nkeconwatch.com/: le blog très fourni d’un chercheur passionné, Curtis Melvin, notamment à l’origine d’un projet de cartographie de la RPDC sur Google Earth [11], et contributeur du DPRK Digital Atlas (voir plus bas).
- [EN] http://www.theguardian.com/world/series/north-korea-network : une section dédiée sur le site du Guardian, avec régulièrement des contributions de rescapés.
- [EN] http://38north.org/: un site anglophone de référence sur le sujet.
- [EN] http://www.38northdigitalatlas.org/: projet conjoint de 38north.org et de Curtis Melvin, pour cartographier la RPDC.
- [EN] http://nkleadershipwatch.wordpress.com/
- [EN] http://www.northkoreatech.org/
- [EN] http://blogs.piie.com/nk
- [EN] http://www.dailynk.com/english/index.php
Les vues et les opinions exprimées dans cet article sont celles de leur auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues ou les opinions d’EchoRadar
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