La lutte contre le terrorisme djihadiste ne date pas de cette semaine. Le 11 septembre 2001 a entrainé une nouvelle guerre en Afghanistan qui s’achève pour les forces françaises fin 2014. De ces années d’engagement controversées, qu’en reste-t-il ? Une première réponse qui dépasse ce simple cadre nous vient du colonel Gilles Haberey.
L’ouvrage Combats asymétriques en Afghanistan est préfacé par le général d’armée Bosser, chef d’état major de l’armée de Terre qui relève que chacun des enseignements contenus dans l’ouvrage « trouve en réalité un nouvel écho dans les fondamentaux des engagements opérationnels que l’armée de Terre conduit aujourd’hui dans d’autres régions du monde ».
Le livre est construit comme une mission avec trois grandes parties, la préparation (Le temps d’avant), l’exécution de la mission (Le temps de l’action) puis la remise en condition et l’évaluation (le temps d’après). La phase de préparation est détaillée ce qui constitue une mine d’informations pour qui ne connait pas les méthodes de préparation opérationnelle d’une unité. Le rôle de la préparation morale et intellectuelle apparaît comme fondamentale, ce que l’on enseigne depuis longtemps dans les écoles militaires mais qu’il est toujours bon de rappeler. Ceci est d’autant plus significatif que le bataillon est confronté à une insurrection et aux difficultés inhérentes à la guerre au sein des populations. Le souci d’associer les proches et les élus par des actions concrètes a fait parti intégrante de la préparation du bataillon «Wild Gease » (cérémonie de création à Clermont-Ferrand le 26 novembre 2011 dont l’ordre du jour est annexé). La préparation technique et tactique est évoquée. Elle fut longue, de plusieurs mois, et menée avec une rigueur sans rigorisme. La partie sur la préparation morale au combat est fondamentale, que ce soit le fait de devoir donner la mort, de la recevoir, …
Le temps de l’action est celui du combat. Et cette action fut particulière car il s’agissait de se retirer en bon ordre de Surobi, c’est-à-dire en étant relevé par des forces afghanes. « Un désengagement n’est pas un rien d’un banal déménagement ». Ce n’est pas une suite de récit d’escarmouches ou de combats plus conséquents mais bien le récit d’une mission dans toutes ses composantes. Le rôle des unités élémentaires y est décrit sur certaines actions choisies – montrant leur sang-froid et leur professionnalisme – par l’auteur mais celui des appuis et du soutien y est mis en valeur. La description ou plus exactement l’éloge du rôle de l’unité d’appui électronique, plus largement du renseignement, illustre parfaitement ce que cette fonction peut fournir au sein d’un groupement tactique interarmes au combat. Ce qui est particulièrement intéressant est la prise en compte de la planification par l’état-major et de la place des chefs par le commandement, dans des actions qui nécessite de maitriser l’emploi judicieux de la force. On peut résumer cette partie par l’assertion suivante : connaitre son terrain, son ennemi et soi-même puis s’engager avec des objectifs clairs et des actions maitrisées.
Le retour en France est le temps du questionnement après celui de l’action. Comment se réintégrer dans la vie personnelle et rependre la vie de garnison, comment se préparer à repartir en mission, comment honorer les hommes, comment capitaliser sur les efforts entrepris pour et dans cette mission ? On voit bien que les solutions ne sont pas simples et mécaniques. Encore une fois, le rôle de chacun est présenté sans faire un catalogue ou présenter un mode d’emploi. Finalement l’auteur se demande si la guerre en Afghanistan fut ou non un succès, ce que vous saurez en lisant le livre.
Qu’en penser ? Ce livre est plaisant à lire car il se caractérise par sa clarté et sa pédagogie. Il vous emmène progressivement dans toutes les phases de la mission. Des références régulières à des missions en Côte d’Ivoire ou au Liban permettent de donner une autre dimension aux réflexions, le plus souvent tactiques. D’emblée, la citation à l’ordre de l’armée du 92ème régiment d’Infanterie incite à découvrir l’histoire des Gaulois du bataillon d’Auvergne et de tous ceux qui les ont accompagnés. Ayant croisé le bataillon lors d’une partie de sa préparation et connaissant quelques militaires ayant servi au sein des Oies sauvages, je ne suis pas étonné que l’humilité, la rigueur et le professionnalisme décrits aient été un gage de réussite. Quel sera leur rôle dans l’Histoire ? Quel sera l’avenir de la Surobi après leur passage ? Au-delà de tout cela, je crois que s’il ne faut retenir qu’une chose, c’est le courage de ces hommes.
S.D. Lignes stratégiques
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Présentation de l’éditeur
A la suite de la mission qu’il a accomplie entre septembre 2011 et novembre 2012 en Afghanistan, Gilles Haberey décrit dans ce livre le long cheminement professionnel et humain qui lui a permis de transformer son régiment en unité d’élite plongée au coeur du combat. Au-delà de cette expérience, ce livre met aussi en lumière de précieux enseignements relatifs à la préparation et à la mise en oeuvre d’engagements effectués dans le cadre de combats asymétriques où une armée régulière se trouve confrontée à des opérations de guérilla. Qu’il conforte des certitudes, ouvre des pistes de réflexion ou suscite la contradiction, l’ouvrage de Gilles Haberey éclairera tous ceux qui ont à conduire des opérations militaires où la situation exige d’envoyer sur le terrain des hommes de coeur, de réflexion et d’action.
Biographie de l’auteur
Saint-Cyrien, breveté de l’Ecole de Guerre et titulaire d un troisième cycle universitaire de droit public international, Gilles Haberey a alterné au cours de ses vingt-huit années de carrière des affectations en unités de combat, en états-majors opérationnels et en écoles de formation. Il est actuellement en poste à l’Etat-major de l’Armée de Terre.
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