On aurait pu s’attendre à un traitement classique autour de héros à qui il arrive des aventures. Or, tel n’est pas l’angle retenu par les auteurs (Krzysztof Gawronkiewicz au dessin, Marzena Sowa au scénario) qui choisissent au contraire de s’attacher à quelques personnages adolescents ou tout jeunes adultes qui ont d’abord pour préoccupation les soucis de leur âge, mais aussi du moment : il s’agit des tourments amoureux, des relations avec l’environnement familial ou la famille, du couvre feu et de toutes ces contraintes de la guerre, enfin, plus loin mais se rapprochant peu à peu, la guerre elle-même et la question de l’attitude à tenir envers l’occupant.

C’est du coup très attachant puisqu’on nous partageons la vie d’êtres simples et quotidiens. Trop souvent en effet, les descriptions de héros évoquent rapidement le substrat normal pour très rapidement mettre en relief les vertus héroïques du personnage. Ici, la lenteur du processus est finement rendue jusqu’au terme de ce premier tome qui se conclut, logiquement, par l’annonce de l’insurrection pour le lendemain : l’héroïsme viendra au second tome, sans doute.

Disons un mot du dessin : il est éblouissant. Il s’agit d’abord d’un fond en noir et blanc qui manie parfaitement les aplats, les contrastes, les compositions, dans un expressionnisme très maîtrisé. Des touches régulières de couleur pâles viennent rehausser (mais rehausser seulement) le dessin, suggérant la médiocrité de la vie sous les restrictions de la guerre.

Voici une équipe polonaise que je ne connaissais pas : dois-je l’avouer, je n’aurais jamais pensé à la Pologne comme ayant une école de BD : ce volume me détrompe et m’incite à regarder la chose d’un œil plus favorable.

Bref, une belle réussite, attachante et simple, émouvante sans pathos. Juste et délicate, en fait. Rien que pour cela, elle mérite votre attention.

L’insurrection, Tome 1 Avant l’orage, par Gawron et Sowa

A. Le Chardon