5 février 1971, orbite lunaire.

Alors qu’il vient de se séparer du Module de Commandement qui va rester attendre en orbite le module de remontée, Antares, le Module Lunaire (ML) d’Apollo 14, va pouvoir débuter sa descente en direction du cratère Fra Mauro. Apollo 13, la mission précédente qui faillit se terminer en tragédie, est encore dans l’esprit des milliers d’ingénieurs participant à ce « grand pas pour l’Humanité ». Pourtant, Apollo 14 va connaître une panne et un dysfonctionnement majeur en début puis en cours de descente.
[caption id="" align="aligncenter" width="475"]Image illustrative de l'article Apollo 14 L’équipage d’Apollo 14[/caption]
Pour le dysfonctionnement, un contournement logiciel assimilable à une forme de piratage informatique permettra la réussite de cette mission. Retour sur un événement oublié de la conquête spatiale où l’ingéniosité et cette fameuse part de chance permirent un succès indéniable.
Commençons par le second problème, cette panne qui surgit lors de la descente. Le radar-altimètre du ML échoua à se caler automatiquement par rapport à la surface lunaire, empêchant l’ordinateur de vol de recevoir un paramètre vital : l’altitude et la vitesse de descente ! Les astronautes résolurent néanmoins le problème en réinitialisant l’ordinateur de l’instrument, juste avant d’atteindre l’altitude de sécurité (5500 mètres) durant la descente. Une altitude de sécurité qui signifiait aussi l’annulation de la mission en cas de non résolution de la panne. Alan Shepard réussit à alunir le module in extremis mais une simulation post-vol démontra que, contrairement à ce que pensait son coéquipier Edgar Mitchell, l’utilisation du guidage par système inertiel en pilotage manuel de secours aurait à coup sûr conduit à l’annulation de la mission.
Passons maintenant au premier et principal problème qui intervint durant la phase de préparation à la descente. Détecté au sol par l’un des officiers de guidage, l’ordinateur du ML signala un bouton défectueux. Et pas n’importe lequel puisqu’il s’agissait du bouton ABORT permettant l’interruption d’urgence de la descente ! Le contrôle au sol suspectant un faux contact, peut être lié à l’absence de gravité, demanda à l’un des astronautes de tapoter le panneau. Une action qui fit disparaître le faux signal…qui revint pourtant quelques minutes plus tard !
Les limites de la mission liées en particulier aux réserves du LEM obligèrent à trouver une solution de toute urgence. La NASA et les équipes du développement logiciel (1) mirent donc à profit la somme de brillants cerveaux pour échafauder la solution la moins risquée. Ce fut celle de l’un des ingénieurs du MIT qui fut retenue, consistant à bypasser une routine durant l’enclenchement de la séquence P63 (descente). Plus clairement, il s’agissait pour Edgar Mitchell de saisir au clavier des instructions pour leurrer l’ordinateur du module pour qu’il ignore le signal erroné. Et donc éviter l’enclenchement de la séparation d’urgence et de la remontée du ML ! Les risques étaient cependant réels, en particulier celui d’une race condition avec des conséquences incertaines mais possiblement catastrophiques à la clé. Le tout dans un timing bien précis, sans droit à l’erreur et dans les conditions spartiates et anxiogènes que l’on peut facilement imaginer.
[caption id="" align="aligncenter" width="225"] Lancement d’Apollo 14[/caption]
Cet épisode méconnu de la conquête spatiale nous confirme plusieurs choses : – la preuve, si besoin en était, des fortes capacités d’adaptation (et de l’intrépidité) de l’espèce humaine en environnement hostile, confiné, complexe et technologique ; – l’utilisation de capacités et de moyens informatiques puissants pour l’époque et sans lesquels les différentes missions n’auraient sans doute eu lieu que des années après ; – l’ingéniosité de contourner des processus informatiques déjà complexes comme prémices aux innombrables piratages informatiques à venir ; – enfin, l’excellence du programme américain pour la conquête lunaire des ingénieurs aux astronautes en passant par la filière industrielle et les milliers de sous-traitants.Le programme spatial américain Apollo de la conquête lunaire fut donc un véritable exploit que, paradoxalement, l’on imagine mal être reproduit aujourd’hui, ne laissant aucun doute sur l’actuelle génération transitoire d’exploration spatiale laissée aux seuls engins pilotés et aux sondes. En attendant, d’ici une ou deux décennies  la possible marche en avant vers la planète rouge ?!
* « Houston : on a un problème »…Très bien : piratez !

(1) on lira avec le plus vif intérêt le récit complet et détaillé de cette reprogrammation d’urgence, récit dont s’inspire cet article : http://grut.rominet.net/2011/01/les-hackers-dans-lespaaaaaaaaaaaaace.html

Note : cet article est paru en janvier 2013 sur mon blog.
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