Le survol des drones au dessus des centrales nucléaires [1] ainsi que d’autres sites sensibles et parisiens [2] représente une menace face à laquelle les réponses, notamment réglementaires, semblent encore insuffisantes.
En effet, la détection par radar militaire mais également l’interception de ces engins volants se révèlent difficiles de par la furtivité des drones et l’incapacité actuelle des autorités à les tracer et à les écarter.
Au niveau réglementaire, l’utilisation des drones ou plus exactement d’ « aéronefs qui circulent sans monde à bord » civils, à distinguer des drones militaires, est encadrée par deux arrêtés d’avril 2012 [3], un arrêté relatif aux conditions de navigabilité et de télépilotage et un autre relatif aux exigences liées à l’espace aérien.
Le principe est le suivant, sauf autorisation particulière, les drones doivent survoler un espace bien précis délimité en volume et en temps, en dehors de toute zone peuplée. De plus, en fonction de deux catégories de critères (finalité d’utilisation et poids du drone), des règles particulières s’appliquent. Ainsi, les drones civils professionnels utilisés par exemple par les agriculteurs ou les photographes doivent notamment se faire connaître auprès des autorités.
Concernant l’utilisation de drone de loisirs qui est en vente libre, il faut également respecter des règles spécifiques qui sont rappelées dans une notice rédigée par la Direction Générale de l’Aviation Civile (DGAC) en décembre 2014 [4] et qui interdisent notamment le vol de nuit, le survol des sites sensibles ainsi que de l’espace public en agglomération.
Au final, la violation des conditions d’utilisation des drones est passible d’un an d’emprisonnement et de 75000 euros d’amende en vertu de l’article L.6232-4 du code des transports.
Autre point d’importance à souligner, même si la prise de vue aérienne est réglementée par l’article D. 133-10 du code de l’aviation civile, il n’en demeure pas moins que la captation et l’enregistrement d’images relatives aux personnes relèvent également de la loi « Informatique et Libertés » [5].
En effet, il est important de souligner également le risque de collecte de données à caractère personnel par les drones. Un facile parallèle peut être établi entre le survol des drones et le passage dans nos rues des « Google cars ». La CNIL avait constaté lors de contrôles effectués fin 2009 et début 2010 que la société Google, via le déploiement de véhicules enregistrant des vues panoramiques des lieux parcourus, récoltait, en plus de photographies, des données transitant par les réseaux sans fil Wi-Fi de particuliers, et ce à l’insu des personnes concernées. Cette collecte déloyale de très nombreux points d’accès Wi-Fi constitue un réel manquement à la loi « Informatique et Libertés ».
Concernant les drones, il faudra donc s’attacher à vérifier qu’ils ne récupèrent pas également des données à caractère personnelle de façon illégale. En effet, les drones sont des machines qui peuvent embarquer une quantité importante de capteurs divers et variés tels un appareil photo, une caméra ou un dispositif de géolocalisation permettant de collecter et diffuser des données à caractère personnel avec pour conséquence l’atteinte manifeste à la vie privée des individus.
Consciente de ces enjeux depuis 2012, la CNIL, en liaison avec le Groupe des 29 CNIL européennes (G29) réfléchit activement à l’amélioration de la réglementation à ce sujet.
Au final, la réglementation relative aux drones qui, d’une part, a le mérite d’exister et, d’autre part, est relativement souple et adaptable en prévoyant plusieurs scénarii spécifiques, apparaît même novatrice au niveau international. Les Etats Unis par l’intermédiaire de la Federal Aviation Association (FAA) n’ont dévoilé que le 15 février 2015 et pour la première fois des recommandations pour encadrer l’utilisation des drones civils commerciaux sur le sol américain [6].
Toutefois, la DGAC a prévu quand même de réviser prochainement la réglementation des drones afin de mieux prendre en compte la massification de l’utilisation de drones civils. Cette révision devra si possible prendre en compte une future réglementation européenne à ce sujet.
Plus largement, ce focus juridique sur les drones peut élargir son horizon en s’intéressant à la problématique du droit des robots qui, au regard de la vitesse de création des inventions technologiques, constitue indéniablement un des enjeux majeurs juridiques mais également éthiques des années à venir.
Certes pour les objets connectés, les enjeux juridiques ont déjà été identifiés mais il semble qu’il faille pousser le cadre juridique plus loin pour les futures générations de robot doté d’une certaine forme d’intelligence artificielle.
La vente du robot, comme tout bien, entraine pour le vendeur une obligation de garantie et engage sa responsabilité délictuelle du fait d’un défaut de sécurité de l’un de ses produits ou services entraînant un dommage à une personne. Cependant, il est probable que l’autonomie des robots grandissante, il faille réfléchir à la responsabilité propre du robot. De prime abord, la responsabilité juridique repose sur la notion de discernement, actuellement les machines restent sous la responsabilité de son gardien soit de l’usager ou encore de son fabricant par le biais de la responsabilité des produits défectueux.
Il est possible que, dans un futur plus ou moins proche, le législateur décide de mettre en place une personnalité juridique spécifique du robot. Cette dernière, se distinguant du régime juridique lié aux animaux et des biens, devra être encadrée afin de prévoir la sécurité des utilisateurs mais également la sécurité du robot lui-même. Pour commencer, il pourrait même s’agir de la reprise des trois règles de la robotique édictée par Isaac Asimov [7] !
Toutefois, selon Mme Mendoza-Caminade [8] , « il n’apparaît pas souhaitable de conférer un statut propre aux robots mais il est préférable de les maintenir dans la catégorie des choses. Quel que soit son degré de sophistication, l’intelligence artificielle ne permettra jamais de conférer à l’androïde une conscience, une volonté qui lui soit propre. Ce ne sont pas des personnes dotées d’une conscience et d’une dignité et elles ne constituent pas des sujets de droit […] Actuellement, l’intérêt de créer un statut autonome des robots n’est pas suffisamment avéré. L’homme doit encore assumer les conséquences de ses choix même s’il ne maîtrise pas l’intégralité des résultats qu’il a engendrés ». Skynet n’a donc pas encore pris le contrôle de tous les juristes…
- Dix-sept centrales nucléaires sur les dix-neuf que compte le parc français ont été survolées par des drones depuis début octobre. Six l’ont été simultanément dans la nuit du 31 octobre.
- http://www.liberation.fr/societe/2015/02/24/paris-survole-par-des-ovnis_1209273
- Les arrêtés du 11 avril 2012 relatifs d’une part à l’utilisation de l’espace aérien par les aéronefs qui circulent sans personne à bord et d’autre part à la conception des aéronefs civils qui circulent sans aucune personne à bord, aux conditions de leur emploi et sur les capacités requises des personnes qui les utilisent constituent le socle réglementaire d’utilisation des drones civils.
- Règles d’usage d’un drone de loisir : http://www.developpement-durable.gouv.fr/IMG/pdf/Drone-_Notice_securite-2.pdf
- Loi n° 78-17 du 6 janvier 1978 relative à l’informatique, aux fichiers et aux libertés modifiée.
- « Drones civils – les Etats-Unis avancent sur leur législation : les différences avec le modèle français » par Emmanuel de Maistre, président de Redbird : http://www.infodsi.com/articles/154099/drones-civils-etats-unis-avancent-legislation-differences-modele-francais-emmanuel-maistre-president-redbird.html?key=a0a42d0bc78aa63d
- http://nte.mines-albi.fr/SystemiqueSudoku/co/v_regle_vie_Azimov.html
- La santé et la robotique RLDI n°108- octobre 2014 supplément « Actes du colloque : santé et nouvelles technologies en Europe – Université Toulouse I – Capitole du 18 avril 2014.