Nous supputons un quelconque règlement du conflit Paris et Moscou sur l’exécution du contrat de vente (24 janvier 2011), en transferts de technologie, des deux Bâtiments de Projection et de Commandement (BPC) de classe Mistral (les Sebastopol et Vladivostok). Il n’y aurait pas eu de revente à une tierce marine. Selon Bernard Prézelin, l’auteur de Flottes de combat, seules les marines du Canada, Brésil, de l’Afrique du Sud et de l’Inde auraient pu absorber ces quelques 40 000 tonnes. [caption id="attachment_1286" align="aligncenter" width="490"] © Marine nationale. Un Chinook japonais sur le Dixmude lors d’un exercice trilatéral (France, Japon et Etats-Unis) les 16-17 mai 2015.[/caption]
Les Mistral déplacent 16 500 tonnes à vide pour 21 500 tonnes à pleine charge. Avec 199 mètres de longueur, pour 32 de large, ils disposent d’un pont d’envol de 6400 m². Ils sont assez comparables aux 24 000 tonnes à vide des porte-avions Clemenceau et Foch (pont d’envol de 8800 m²) mais inférieurs au Charles de Gaulle (42 500 tonnes pour un pont d’envol de 12 000 m²)…
Les aéronefs, stockés dans un hangar de 1800 m², sont compris entre seize environ une trentaine (opération Harmattan). Le second hangar (2650 m²) peut accueillir 59 blindés (dont un escadron de 13 Leclerc). En plus de l’équipage (177 marins), le navire peut embarquer un SGTIA de 450 personnes dans la durée. Enfin, son radier est apte à mettre en œuvre deux engins de débarquement rapide (EDA-R), ou deux LCAC de l’US Navy, ou encore quatre chalands classiques.
Loin de la querelle des chiffres du différent franco-russe, nous reprenons le coût de construction du Dixmude (2010) : 450 millions d’euros (les études sont amorties sur les Mistral et Tonnerre). Fois deux, cette somme de 900 millions peut correspondre, alternativement, à : la coque du deuxième porte-avions ; 1 SNA, 1,8 FLOTLOG (futurs pétroliers-ravitailleurs) ; 1,2 FREMM ; 1 FREDA (FREMM de Défense Aérienne) ; 30 B2M ou 18 BATSIMAR. L’intégration de ces bateaux ne pourrait que rendre caduc le plan naval français : Horizon Marine 2025.
Que faire de ces navires ? La composante amphibie ne connaissait aucun déficit dans un contexte où l’Armée de Terre et l’Aviation navale peinent à soutenir les dépassements du contrat opérationnel du livre blanc 2013. Nous vous proposons néanmoins un déclinaison des utilisations possibles qui ne peuvent s’imaginer sans un minimum d’efforts financiers pour adapter les navires, les armer et les faire naviguer.
Renforcer le Groupe Aéronaval (GAn) ?
Cette escadre repose sur sa pièce maîtresse : le porte-avions Charles de Gaulle. Faute d’une deuxième unité (dont la commande est attendue depuis 1990), la diplomatie navale française souffre d’un manque de continuité. La capacité à durer dans les crises est proportionnelle, non pas aux enjeux stratégiques, mais en fonction du calendrier du porte-avions.
Les deux nouveaux BPC apporteraient de nouvelles options comme :
- porte-aéronefs : avec un groupe aérien embarqué doté de NH90 Caïman Marine (kit ASM), d’hélicoptères d’attaque Tigre et d’hélicoptères légers, le navire prétendrait à une maîtrise locale du milieu aéromaritime face à un littoral ou à une guérilla navale (dépourvus de soutien aérien),
- configuration possible en navires ateliers pour soutenir navires et aéronefs.
Les deux options alternent selon la disponibilité du porte-avions. En son absence, la première option considère son remplacement par un ersatz qu’est le BPC dans la configuration décrite ci-dessus. La seconde option voit une configuration temporaire où un Mistral décharge totalement les navires du GAn de l’entretien des aéronefs. Ils n’emportent alors que des machines volantes disponibles, et donc plus d’aéronefs par bateau ! Ce serait plutôt deux hélicoptères par frégate qu’un seul ou zéro. Le groupe aérien embarqué du porte-avions pourrait dépasser les 24 Rafale. Cela faciliterait sur le plan logistique les rotations entre terre et mer et la disponibilité optimale des systèmes des navires pour durer à la mer.
Un groupe amphibie permanent dans les océans Indien et Pacifique ?
Une seconde voie d’utilisation possible pourrait être de purement et simplement baser deux des cinq BPC soit à la Réunion, soit en Nouvelle-Calédonie, ce qui renforcerait considérablement la visibilité de l’action de la France.
La seule manifestation aéronavale tricolore dans ces deux océans est la mission Agapanthe, trop courte et trop localisée dans l’océan Indien. L’actuelle mission Jeanne d’Arc en Asie du Sud-Est est une plus-value incontestable, mais si rare. Cette dernière permet pourtant d’effectuer des exercices aéroamphibies, notamment avec les forces américaines et japonaises.
Dans cette optique, le BPC embarque un SGTIA de l’Armée de Terre (généré via les forces de souveraineté basées à la Réunion ou en Nouvelle-Calédonie) appuyés par un groupe aéromobile panaché entre voilures tournantes dédiés à la lutte anti-sous-marine et l’appui des forces terrestres. Accompagné par une frégate, ce groupe amphibie permanent peut soutenir une diplomatie de défense plus qu’honorable avec les pays amis de la France.
Entre exercices ASM et amphibie, l’action aéronavale de la France devient extrêmement visible. Et les forces françaises se familiarisent continuellement avec l’environnement stratégique local.
Diplomatie active au service de partenariats stratégiques qui se transformeront plus facilement en liens économiques puisque la France ferait alors le choix d’être aussi une nation du Pacifique. Représentation que bien des puissances locales ne lui reconnaissent pas actuellement.
La nouvelle Jeanne d’Arc : soutenir la diplomatie française ?
Un navire, baptisé Jeanne d’Arc, servirait la diplomatie. Armé par la Marine nationale, il serait affrêté par la Royale et le Quai d’Orsay. La première trouvant là à nouveau un navire dédié à la campagne d’application à la mer des élèves officiers. Le Quai d’Orsay adoptant une ambassade flottante pour soutenir partout dans le monde les évènements où la France souhaite être représentée ou contribuer.
La diplomatie humanitaire en France atteindrait une dimension permanente grâce à des outils développés à bord de la Jeanne d’Arc et applicables sur n’importe quel BPC, où qu’ils se trouvent par le jeu de la projection.
La nouvelle Boussole : un outil supplémentaire au service de la science
Il est aussi possible d’aménager de manière permanente une de ces unités amphibie en navire scientifique, dédié à des missions de longue durée dans tous les océans, des pôles à l’équateur. La Marine nationale fournirait alors une partie de l’équipage, d’autres administrations (IPEV, IFREMER, SHOM, etc) transformeraient le navire en laboratoire flottant. Ses dimensions exceptionnelles ainsi que ses capacités aéronautiques en ferait un pivot des missions scientifiques flottantes, capable de durer sur zone, de ravitailler bases et navires, tout comme de transformer les prélèvements en résultats et articles sans même retourner au port.
Ce ne sont là que quelques exemples d’utilisations.
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A ce qui semblerait, plusieurs études seraient en cours à la DGA pour navaliser le LRU afin de lui permettre de tirer depuis le pont du BPC. De navire mal armé, le voilà capable de faire de l’appui naval de précision à plus de 75km, en sécurité loin du trait de côte. Interarmées et économique. Pas mal non?. En tout cas mieux que la munition Vulcano ER en terme d’effet et probablement de coût.
Le mieux est que cet emploi pour l’appui feu, qui nécessite sans doute de petits aménagements, n’empêche rien son utilisation classique à d’autres moments de la mission.
Dans les autres emplois non-mentionnés, le BPC pourrait mettre en oeuvre des voilures fixes STOL en plus des hélicos: drones tactiques endurants, PC6, Twin Otter et peut-être plus.
Bonsoir monsieur,
Quelle joli pseudonyme : n’hésitez pas à nous proposer un article sur le sujet !
Pour le reste de votre propos, c’était une idée que j’envisageais modestement en 2012 par une adaptation du principe de modularité du MLRS à bord des frégates de la Marine nationale :
Installer des lances-roquettes sur un navire de combat, cela a été fait maintes fois par les russes. Les allemands ont été très tentés d’en mettre sur les Frégates F125 il y a une dizaine d’années, avant d’abandonner l’idée (manque de polyvalence). En revanche, les contraintes d’intégration et d’emploi sont complètement différentes. Un BPC me paraît plus stable qu’une frégate pour un état de mer donné. Du coup le transfert direct d’un système terrestre qui n’a pas été d’emblée conçu pour un usage à la mer paraît moins difficile. Après j’imagine que le diable est dans les détails et que c’est pour cela que la DGA réalise plusieurs études en parallèle sur le sujet.
Quand à la polyvalence du LRM: je pense que les européens manquent d’imagination. Les russes lancent par LRM des drones, les chinois des torpilles…
Et pourquoi pas une transformation en 2 portes avions (dimensions proches des portes avions colossus). Alors oui avec une capacité moindre par rapport au CDG mais 2 fois plus présent.