Assertion lapidaire tout comme violente mais qui puise dans une expérience personnelle et transfrontalière. Le contraste entre l’Allemagne et la France est tout autant saisissant que sévère. Ainsi, s’il est possible en Allemagne de parcourir des centaines de kilomètres de façon relaxante et en toute quiétude, la France se révèle être quant à elle un véritable espace acharné où chaque kilomètre du ruban d’asphalte doit donner lieu à un vainqueur et à un vaincu.

Polizei Porsche Carrera

C’est là un état d’esprit français peu recommandable, et qui dénote une conception particulière du partage où certains se sentent plus égaux que d’autres.

L’on sent chez les allemands un respect pour l’automobile d’autrui, nulle jalousie ou mépris, juste de la considération. J’ai ainsi vu des véhicules d’ancienne génération ne pas être « poussées » par une grosse cylindrée leur signifiant de dégager de la voie, ces derniers attendant que le premier se déporte vers la droite une fois son dépassement effectué. Une situation où, en revanche, le français n’hésiterait pas à raccourcir les distances entre lui et celui qui le précède pour marquer le territoire, au risque mal calculé de subir un accident pour non respect de la distance réglementaire. Mention spéciale aux conducteurs et conductrices de Scenic qui semblent faire porter sur ce modèle une présomption de voiture fétiche pour automobilistes frustrés au regard de l’agressivité et du dédain envers les autres usagers dont ils font preuve au volant.

Là où l’allemand fait montre d’une intelligence collective, le français s’enferme dans un individualisme comminatoire.

Il serait facile d’arguer que les allemands se comportent mal en France. Mais peut-on leur en vouloir de leur donner raison en prouvant à chaque occasion que ce soit possible que la France est un pays où la Loi, et a fortiori le Code de la Route, est appliqué et sanctionné de façon très aléatoire, lorsque ce n’est pas de manière incongrue?

Si je défends une certaine idée de l’automobile, il est manifeste que celle-ci inclut la responsabilité devant autrui, c’est à dire passagers et usagers de la route.

Lorsqu’un ministre de l’intérieur appelle en désespoir de cause les français à se montrer exemplaires et responsables sur la route, il y a une manière assez singulière d’éviter de remettre en question des années de politique ayant abouti à déresponsabiliser justement ces mêmes automobilistes. L’appel serait somme toute louable si la répression aveugle et les réglementations défiant toute logique n’avaient pas entamé le crédit dont pouvait disposer un ministère à même de manier la carotte et le bâton. Or, en alourdissant les peines, en multipliant les contrôles automatisés (y compris dans les zones ne posant aucun souci de dangerosité) et en muant les forces de police et de gendarmerie en supplétifs du trésor public, il y a clairement eu une stratégie malheureuse qui aboutit désormais à un effet plancher en matière du nombre de morts sur les routes. Car jamais la répression n’a été aussi dure et jamais les comportements des incriminés n’ont été aussi affolants d’inconscience coupable.

Il est grand temps de sortir de la chasse à la vitesse qui confine à l’aveuglement idéologique, d’autant que le diptyque vitesse-pollution ne sera bientôt plus tenable avec l’essor croissant des véhicules électriques dont l’autonomie et la vélocité se développent concomitamment (voir les modèles Tesla Motors ou les défuntes Venturi mais aussi d’autres marques généralistes tels Volkswagen avec sa e-Golf ou Chevrolet avec sa Volt).

Il n’y a rien de magique dans le différentiel de comportement entre les automobilistes allemands et français. Les uns ont été responsabilisés, les autres déresponsabilisés avec le résultat que l’on constate chaque jour. Ainsi, les allemands ont aussi un permis à points mais n’en perdent aucun si le dépassement est inférieur à 10 km/h, au contraire de leurs homologues français qui subissent la double peine (point retiré et amende de 68/135 € selon l’endroit où a eu lieu l’infraction). Comment s’étonner que ces derniers repartent sans faire aucunement amende honorable puisque ayant eu l’impression de s’être faits prendre par surprise ou de ne pas avoir été suffisamment malins pour éviter la contravention.

Un récent rapport de l’Inspection Générale de l’Administration consacré à l’évaluation de la politique de sécurité routière est à ce titre édifiant : l’on y apprend que l’instauration de nouvelles limitations de vitesse sont susceptibles d’effriter la crédibilité de la politique de sécurité routière en raison du rejet actuel de la politique menée. C’est exprimé avec doigté mais le fond du propos laisse songeur… D’autant que le rapport reprend un sondage BVA où seuls 12% des sondés prenant la route avouent faire attention au volant par peur de la sanction.

Ainsi, qui sait par exemple que le refus de laisser traverser un piéton sur le passage protégé ou le défaut de clignotant avant de changer de direction équivalent respectivement à la perte de 4 et 3 points sur le permis de conduire ? Réponse : très peu de personnes. Pourtant le Code la Route est clair et emprunt de bon sens sur ces questions. La raison en est fort simple : l’absence de verbalisation encourage nettement l’impunité.

Autre élément remarquable sur les routes allemandes : là où les limitations de vitesse sont inexistantes, la majorité des véhicules se stabilise aux alentours de 120-130 km/h. Et les véhicules les plus lents se rabattent d’office sur la voie la plus à droite afin de laisser file au loin ceux qui veulent/peuvent aller vite. Le tout sans stress aucun.

Ajoutons en complément que l’État américain du Texas a depuis 2006 expérimenté l’augmentation de la vitesse sur ses axes routiers ainsi que l’absence de contrôle avec un résultat édifiant : le nombre de décès continue de décroître!

 

Comme le billet ne saurait être uniquement à charge, il se veut aussi force de propositions comme il est coutume d’énoncer.

Ainsi plusieurs solutions peuvent être envisagées :

  • augmenter progressivement les limitations de vitesse pour fluidifier le trafic,
  • renforcer les contrôles en zones urbaines (là où les usagers sont les plus vulnérables),
  • viser prioritairement les comportements accidentogènes en lieu et place des excès de vitesse,
  • obliger chaque automobiliste à effectuer un stage de pilotage abouti avec son propre véhicule,
  • effectuer davantage de contrôles routiers axés sur l’alcoolémie et la prise de stupéfiants,
  • opérer un toilettage en profondeur des variations de limitations de vitesse où les exceptions aux vitesses standards doivent le rester,
  • améliorer les infrastructures existantes,
  • répertorier avec l’appoint des initiatives citoyennes la localisation des zones les plus accidentogènes et adopter une signalisation en ce sens.

Il n’y a pas de fatalité martèle-t-on à l’envi. C’est juste. Il y a en revanche des mentalités à faire évoluer et une politique à modifier substantiellement pour enfin aboutir à des trajets sereins sur les routes françaises.

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By admin

4 thoughts on “Oui, les Français roulent comme des cons”
  1. Le manque d’attention et de considération envers les autres me parait en effet avoir été largement encouragé par a répression qui sévit depuis presque 15 ans. En réalité, cette politique visant quasiment exclusivement la vitesse a réduit dans la tête de beaucoup de monde le code de la route a ce seul critère ou presque. Pourtant, les exemples sont nombreux d’endroits ou respecter ce qui est écrit sur les panneaux pourrait vous envoyer dans le décor, ce qui est d’autant plus traître (pour qui ne sait pas lire son environnement) que les limites pêchent le plus souvent par excès de prudence! Tout ceci dans un système de sanction sans cohérence: Le téléphone au volant reste peu verbalisé et pas du tout au niveau de son danger estimé: Une alcoolémie délictuelle. Les psychotropes médicamenteux restant eux totalement impunis quand ils peuvent mettre dans le même état que leur cousin alcool.
    Le respect des règles, il passe aussi par leur cohérence. Citons aussi le fait de doubler à droite: Cette infraction, le cas du gymkhana relevant de la conduite dangereuse mis à part, ne devrait pas pouvoir exister si tout le monde se rabattait. Ces problèmes d’occupation des voies de gauche, qui commencent a poser des problèmes de bonne utilisation de l’infrastructure aux compagnies d’autoroute, ils résultent aussi de gens roulant tous quasiment à la même vitesse (la limite, aux variations de précision des compteurs près) et n’osant plus dépasser franchement de peur de se faire avoir pour quelques km/h de trop. En résulte un trafic qui s’établit en suite de bouchons roulants ou les distances sont peu respectées entre des gens traînant à gauche, a dépasser en mode camion au limiteur, et ceux qui derrière s’agacent…
    Pas étonnant en effet que la chasse a facteur aggravant fasse atteindre un plancher. Ajoutons aussi que si la morosité économique finit par se calmer, la modération des déplacements qu’elle entraîne ne pourra plus non plus donner l’illusion que la politique menée fonctionne.
    Il va donc falloir songer a apprendre aux gens à conduire… et à se conduire.

  2. Intéressant article qui souligne effectivement la limite des politiques de sécurité routière menées depuis des années. Ce qui n’est pas étonnant lorsqu’on nomme délégué interministériel à la sécurité routière des personnes qui n’ont pour légitimité que le fait de détenir leur permis de conduire…
    Depuis plusieurs années les contrôles de vitesse sont en partie automatisés. Le problème est qu’il est impossible de modifier la vitesse à partir de laquelle la machine va flasher. Il pourrait ainsi être intéressant de ne flasher que les grands excès de vitesse, mais comme ce serait sûrement faire preuve de discrimination, notre administration, dans sa grandissime sagesse, l’a exclu.
    Il n’est pas étonnant que le refus de laisser traverser un piéton sur un passage protégé soit peu réprimé : comment les forces de l’ordre pourraient le prouver ? Même si leur parole est réputée vraie jusqu’à inscription de faux (si je ne m’abuse), cela entraînerait de telles arguties au tribunal que le travail effectué serait improductif. Conclusion : ils ne vont pas passer des heures pour un résultat aléatoire. [Que l’on me permette une incidente : notre pays est champion des lois inapplicables, telle celle sur le « voile islamique ». Il est interdit de se promener dans un lieu public le visage intégralement masqué, mais l’ex président du CG de la Corrèze le faisait (ou le fait) régulièrement quand il allait voir Julie, et de plus il n’est pas permis de faire cesser l’infraction. Conclusion : laisse tomber, fais autre chose.]
    Évoquons l’augmentation de la vitesse. Quand il était DISR, R Heitz avait évoqué le sujet, précisant qu’avec l’apparition des radars et le CSA, il serait judicieux d’adapter les vitesses limites à la réalité. Le principe de précaution (ou plutôt de pétoche) étant passé par là, aucun élu ne se hasardera à relever les vitesses limites dans sa commune, car si un accident mortel a lieu après, notre justice pourrait bien le condamner pour manquement à une obligation de sécurité/prudence ou autre. Pas facile donc, et en attendant que le cochon de payant paye !
    Il n’y a pas si longtemps, les contrôles de stupéfiants au volant avaient deux caractéristiques : ils étaient longs et chers. En plus, ils devaient être confirmés par une prise de sang. L’arrivée du test salivaire… fait saliver ceux qui contrôlent, car la tâche serait bien plus aisée. Mais c’est sans compter sur les défenseurs du « joint festif » (tel un ancien candidat à la présidence, défenseur des fleurs et des insectes)…
    Enfin, pour achever mon pensum, je ne peux m’empêcher d’évoquer l’arrivée prochaine (paraît-il) du véhicule intelligent. Alleluia ! Il s’occupera de tout ! Mais quid de l’arrivée des routes intelligentes ? Si je n’ai rien contre la limitation de vitesse à 30 km/h aux abords des écoles en période scolaire, cette limitation se justifie moins la nuit, les week-ends et les vacances scolaires. Mais c’est tellement plus simple de prendre l’automobiliste pour un imbécile…

    1. Au sujet de votre allusion à Mr Heitz, qui a donc pu dire quelque chose de justifié car cela n’a pas toujours été le cas, je voudrais vous dire que bien des zones urbaines se sont dans le passé retrouvées « zone 30 » car, quand la mairie demandait aux FDO de venir verbaliser les excès récurrents, ceux-ci répondaient qu’ils n’arrêtaient alors pas en dessous de 20km/h d’excès car cela leur aurait fait arrêter quasiment tout le monde!

      La condition pour qu’ils verbalisent à 50 était donc de faire une zone 30… Ce qui fut souvent fait!

      Sauf que maintenant on verbalise au 1er km/h (retenu) de « trop » et que ces zones sont elles restées alors que la seule volonté de faire respecter le 50 avait justifié leur création!
      Le raisonnement s’applique également a bien des zones sans réel danger à 90, mais pas forcément au delà et qui furent selon les mêmes critères limitées à 70.

      Dès lors, le choix logique aurait dû être de:
      -Revoir au cas pas cas toutes les limites en vigueur. Travail titanesque mais sans doute désormais réalisable à l’aide, pour les hausses, de l’utilisation des remontées GPS des véhicules/smartphones devenues très nombreuses et précises (cf les cartes de traffic via google maps, c’est assez impressionnant de finesse): Quand les vitesses moyennes pratiquées sont bien supérieures aux limites affichées, on peut faire un pré-tri des zones ou la limite est très probablement inadaptée qu’il devient alors facile de cibler/vérifier.
      -Ne plus punir les excès de moins de 20km/h, au moins hors agglomération à l’exclusion des zones limitées en dessous de 50km/h, afin d’éviter le biais historique précédent, qui se sont de toutes manières depuis hérissées de ralentisseurs de plus en plus rarement conformes aux pentes normalisées (interdisant bien souvent de les passer au delà de 20km/h sauf à rouler en 4×4/SUV, expliquant certainement une part de leur succès commercial).

      Par rapport à la remarque de l’auteur sur la fluidité, il n’y a pas que les vitesses limites et surtout leurs variations souvent injustifiées qui peuvent être en cause. L’infrastructure et son évolution aussi! Quand on voit que l’organisation du tour de France est de plus en plus embêtée pour faire des étapes ou l’omniprésence des ronds-points ne soit pas un gros problème… a des vitesses de cyclistes (même dopés!) et malgré le fait qu’ils les passent généralement en mode « sens unique » (utilisant la totalité de la chaussée). Sans parler de leur danger, étant en général chargés de giclées d’hydrocarbures du fait de PL/Bus aux réservoirs trop remplis. Et comme la maréchaussée ne semble pas juger utile de verbaliser doublement le danger et la pollution créés, en ciblant particulièrement les zones autour des dépôts de TC et transporteurs, voire des stations services PL, cela continue. Le carburant n’est sans doute pas assez cher…

      1. « Au sujet de votre allusion à Mr Heitz, qui a donc pu dire quelque chose de justifié car cela n’a pas toujours été le cas, je voudrais vous dire que bien des zones urbaines se sont dans le passé retrouvées « zone 30 » car, quand la mairie demandait aux FDO de venir verbaliser les excès récurrents, ceux-ci répondaient qu’ils n’arrêtaient alors pas en dessous de 20km/h d’excès car cela leur aurait fait arrêter quasiment tout le monde!
        La condition pour qu’ils verbalisent à 50 était donc de faire une zone 30… Ce qui fut souvent fait! »

        Vraisemblablement, mais c’était avant l’introduction du CSA. Car depuis, on constate ce qui est déploré ici :

        « Sauf que maintenant on verbalise au 1er km/h (retenu) de « trop » et que ces zones sont elles restées alors que la seule volonté de faire respecter le 50 avait justifié leur création!
        Le raisonnement s’applique également a bien des zones sans réel danger à 90, mais pas forcément au delà et qui furent selon les mêmes critères limitées à 70. »

        C’est un effet de notre pays gaulois. On se rend compte que les limites de vitesse édictées il y a un certain temps étaient dépassables dans danger de 20 km/h. Logique, nous avons affaire à des gaulois et non des teutons.

        « Dès lors, le choix logique aurait dû être de:
        -Revoir au cas pas cas toutes les limites en vigueur. Travail titanesque mais sans doute désormais réalisable à l’aide, pour les hausses, de l’utilisation des remontées GPS des véhicules/smartphones devenues très nombreuses et précises (cf les cartes de traffic via google maps, c’est assez impressionnant de finesse): Quand les vitesses moyennes pratiquées sont bien supérieures aux limites affichées, on peut faire un pré-tri des zones ou la limite est très probablement inadaptée qu’il devient alors facile de cibler/vérifier. »

        Le travail n’était pas si titanesque que ça, car il aurait pu s’appuyer à la fois sur les élus locaux et les forces de l’ordre.

        « -Ne plus punir les excès de moins de 20km/h, au moins hors agglomération à l’exclusion des zones limitées en dessous de 50km/h, afin d’éviter le biais historique précédent, qui se sont de toutes manières depuis hérissées de ralentisseurs de plus en plus rarement conformes aux pentes normalisées (interdisant bien souvent de les passer au delà de 20km/h sauf à rouler en 4×4/SUV, expliquant certainement une part de leur succès commercial). »

        Les ralentisseurs sont parfois aberrants, mais dans la mesure où on veut réduire la vitesse et qu’on a affaire à des gaulois, il faut passer par la contrainte. Tout compte fait, mieux vaut, en ville, des ralentisseurs en ville que des radars à leur place.

        « Par rapport à la remarque de l’auteur sur la fluidité, il n’y a pas que les vitesses limites et surtout leurs variations souvent injustifiées qui peuvent être en cause. L’infrastructure et son évolution aussi! Quand on voit que l’organisation du tour de France est de plus en plus embêtée pour faire des étapes ou l’omniprésence des ronds-points ne soit pas un gros problème… a des vitesses de cyclistes (même dopés!) et malgré le fait qu’ils les passent généralement en mode « sens unique » (utilisant la totalité de la chaussée). Sans parler de leur danger, étant en général chargés de giclées d’hydrocarbures du fait de PL/Bus aux réservoirs trop remplis. Et comme la maréchaussée ne semble pas juger utile de verbaliser doublement le danger et la pollution créés, en ciblant particulièrement les zones autour des dépôts de TC et transporteurs, voire des stations services PL, cela continue. Le carburant n’est sans doute pas assez cher… »

        Nulla poena sine lege. Il n’est pas interdit de rouler avec un réservoir plein. Et cela reviendrait à verbaliser le « bruit » infractionnel, ce qui est un travail de Sisyphe et non de gendarme.

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