Les affrontements asymétriques se déroulent, un peu comme naguère dans les montagnes d’Afghanistan. Une grande différence toutefois : la surpuissance des drones de combat. Les trois principaux (Wotan, Hadès et Vulcain) surgissent en quasi piqué pour défourailler tout ce qui bouge, peu importent les dégâts.

Ils sont pilotés à distance, depuis le Danemark, par deux femmes et un homme. L’une des femmes, une blonde mère de famille, n’a aucun état d’âme aussi bien pour la justesse de son combat que pour les moyens utilisés à cette fin. Passant un des contrôles psychologiques semestriels, la psychologue ne constate ainsi aucun trauma.

Face à elle, la chef des insurgés est aussi une femme, pieuse et farouchement déterminée, conduisant elle aussi sans cesse des assauts contre les troupes d’occupation. Louise à partir de son drone, Yun Shao sur le terrain, s’engagent toutes deux dans une lutte qui devient personnelle.

Vous l’aurez compris à ce résumé, le scénario est bien ficelé, troussant une situation géopolitique à la fois improbable et crédible, pour peu qu’on fasse trois efforts de transposition. Justement, les inversions suscitent d’emblée certains troubles : ces terroristes catholiques qui récitent le Notre père après chaque combat, ces Européens brutaux et dominateurs, voici des cas de figure qui surprennent. Cela mène logiquement à interroger la question du sens et des moyens. Ce n’est pas un hasard si la série s’intitule « drones ».

Car voici au fond son enjeu, derrière les aventures racontées (qui n’ennuient pas : il ne s’agit pas d’une BD à thèse, on peut la lire au premier degré sans déplaisir, mais elle permet aussi de réfléchir un peu). Nous ne sommes pas en présence de robots tueurs mais bien de drones de combat pilotés. Or, le pilote de drone est un combattant. Dans le cas présent, il n’a pas de trouble éthique ni psychologique et il trouve le sens de son combat dans l’obéissance aux ordres. Quand à la rebelle, elle non plus n’a pas de trouble car elle trouve naturellement du sens à son combat, remettant tous les excès entre les mains de Dieu.

Deux variations d’humanité. Deux femmes, dures et pourtant féminines, là encore pour casser les codes. Une interrogation qui demeure.

Vous l’aurez compris, la BD est fort intéressante, au moins pour son scénario. Le dessin est bien moins subtil. Les couleurs sont largement traitées par ordinateurs, les traits manquent de réalisme, seuls les situations paraissent bien rendues. Cela n’est toutefois pas handicapant au point de faire tomber l’album des mains. Disons que le graphisme n’est pas à la hauteur de l’inventivité de l’histoire.

A. Le Chardon