EchoRadar, toujours dans cette dynamique du « osons ! », collectionne pour vos cadeaux de Noël des articles inédits, sur des thèmes inédits. Sollicitée, je vous propose ici un article sur le docu-fiction intitulé « The Visit » [1] – véritable provocation et choc de masse (« Mass Contact ») -, qui invitent les Sciences Humaines et Sociales à se prononcer en matière de Défense, sur ce que pourrait être une gestion de crise associée à un état psychologique (voire psychiatrique) collectif anxieux ou « élationnel » [2].
Scénario d’entraînement : notre espèce humaine pourrait découvrir d’autres formes d’intelligence que la nôtre.
Pourquoi ce film est-il une véritable provocation et un choc de masse ? Tout d’abord parce que ce film – d’une esthétique sublime – est celui du jeune réalisateur Michael Madsen, et que nous sommes très attentifs aux échos que la jeune génération envoie à nos radars. Ensuite parce que poser la question d’une existence manifestée et communicante de quelque chose d’extraterrestre est tabou, et qu’il n’en existe aucun pour l’anthropologie. Parce que le dernier congrès international sur le spatial qui s’est tenu en octobre 2015, a présenté l’état de l’art en matière de recherche sur la vie extraterrestre et donne à réfléchir [3]. Aussi, parce que j’ai récemment entendu, dans un séminaire dispensé à Paris, que la recherche prospective était plus que jamais cruciale pour notre compréhension du monde, ainsi que pour la recherche de moyens afin de maîtriser sa stabilité et assurer sa continuité [4]. Parce que la France, qui dispose d’une structure scientifique d’études des Phénomènes Aérospatiales Non identifiés (GEIPAN [5]) est présente dans le film grâce à la présentation de Jacques Arnould [6], auteur de « Icarus’s Second Chance, The basis and perspectives of Space Ethics » [7]. Enfin, parce que sollicitée en 1997 par un Ingénieur Général de l’Armement, afin de livrer une analyse anthropologique préventive en cas de choc collectif lié à un « Mass Contact » dans le cadre du rapport COMETA [8], ce thème m’intéresse tout particulièrement car il est traité depuis la nuit des temps et dans toutes les grandes cultures archaïques, traditionnelles et numériques : en juin 2015 [9], Israël se préparait à un entraînement de gestion de crise en cas d’invasion extraterrestre.
Fou direz vous ? Non si l’on pense à tous les résultats scientifiques actuellement publiés en masse et qui renforcent notre questionnement : nous préparons un voyage vers Mars sur laquelle l’eau est présente, il existe une multitude d’exo-planètes [10], de l’oxygène dans certaines comètes… Donc potentiellement « de la vie » au sens où l’entendent les scientifiques de notre époque.
Et nous y voilà : le scénariste imagine un « mass contact » en s’appuyant sur les réactions de personnalités gouvernementales : les institutions représentées sont l’ONU, le CNES, le SETI, la NASA. Messages diffusés : notre espèce supporte très mal l’incertitude et l’impossibilité de ne pas comprendre. Plutôt que de ne pas contrôler une telle situation, les humains préfèreraient peut-être tout détruire. En cas de rencontre, le niveau d’anxiété planétaire serait maximum pour certains. « Voyager » [11] a été envoyé dans l’espace avec des échantillons de la culture terrestre (musiques, photographies, textes, etc. en excluant tous les témoignages relatifs aux actions de destructions, par les humains, des ressources de la planète et de ses peuples, (bien ou mal ?)).
L’un des scientifiques du SETI [12] pose la question de savoir si des intelligences extraterrestres seraient dotées d’une moralité supérieure à celle des humains. L’accent est mis sur le risque biologique et sur celui de la contamination entre espèces différentes. Un ancien avocat propose la rédaction d’une législation qui listerait les normes à appliquer en cas de rencontre.
L’intelligence analytique des humains est extrêmement inhibée concernant un tel phénomène. L’analyse de la prévention des risques et la gestion de crise, peine à sortir de la peur et des référentiels classiques. Le manque d’imagination est consternant [13]. Nous ne sommes pas prêts à une telle rencontre qui remettrait absolument tout en cause du point de vue anthropologique : nos systèmes cognitifs, nos croyances, nos façons de percevoir l’existence, nos organisations culturelles, nos moyens de gestion de crise massive et de défense de ce que l’espèce humaine a pu construire et édifier sur la Planète Bleue.
Symboliquement, un « Mass Contact » remettrait en cause les notions de pouvoir et de gouvernance. Ce type de choc serait exactement du même ordre que celui provoqué par la visite des Occidentaux – qui a déclenché des génocides – lors de la découverte des Amériques et des Indiens, qui ne connaissaient ni la langue espagnole, ni les chevaux, ni les armures de métal rutilantes des conquérants.
Conclusion
Compte tenu de la masse mondiale d’informations et de communications sur le sujet, l’absence de réponse est très frustrante. Espérons que si des preuves tangibles et avouables nous sont un jour communiquées et si LA rencontre est possible, elle n’aboutira pas aux mêmes phénomènes de destruction. Enfin et que si LA rencontre n’a jamais lieu, ce phantasme ou cette angoisse reste à jamais, si l’on en croit les corpus archéologiques et historiques, l’une des plus belles parts de l’imagination humaine.
Les avants premières étaient pleines de spectateurs, ce qui prouve que des réponses sont recherchées depuis la nuit des temps : s’agit-il, plus profondément et dans notre inconscient collectif, d’une attente ou d’une intuition fortement ancrées dans nos archétypes ? L’exercice de pensée proposé par ce film a le mérite d’inciter chacun à se poser la question sérieusement. Alors à quand l’anthropologie spatiale ?
Dr. Isabelle Tisserand. Anthropologue.
[1] Bande annonce : http://www.allocine.fr/video/player_gen_cmedia=19554808&cfilm=233994.html [2] Ce terme désigne en psychologie, un état social, physique et psychique de béatitude. [3] http://www.iac2015.org/congress/about/[4] Je souligne à ce sujet avoir réagi en demandant si notre culture européenne, toujours aussi résistante à l’intégration des Sciences Humaines et Sociales en matière de défense (anthropologie et sciences cognitives en particulier) et tandis qu’il a été récemment décidé qu’elles devaient disparaître des cursus universitaires Japonais, pouvait permettre de travailler réellement sur la prospective et le prédictif qui figurent parmi leurs sujets de prédilection ?
[5] GEIPAN : Groupe d’Etudes et d’Information sur les Phénomènes Aériens Non Identifiés.[6] http://www.defense.gouv.fr/sante/actualites/l-homme-la-mer-l-espace-colloque-sea-space-human-du-club-decidrh (Organisation : Isabelle Tisserand, avec la complicité de Jean-François Clervoy (ESA), Christophe Leparcq (DéciDRH) et Anne-Cécile Grappy pour le lien avec la Marine Nationale.
[7] Jacques Arnould, Icarus’s Second Chance, préface de Buzz Aldrin, collection Springer Wien New York, European Space Policy Institute, Vol. 6, 2011. [8] http://www.cnes-geipan.fr/index.php?id=181&no_cache=1&tx_ttnews[backPid]=211&tx_ttnews[pointer]=1&tx_ttnews[tt_news]=70 [9] http://www.jpost.com/Israel-News/IDFs-Cyber-Defense-units-simulate-attack-on-alien-threat-406091 [10] Il aura fallu 30 ans pour que cette information soit enfin publiée. [11] Voyager : http://webodysseum.com/art/116-images-of-the-voyager-golden-record/ [12] SETI : Search for Extra-Terrestrial Intelligence. [13] Hormis dans les référentiels de science fiction.Les vues et les opinions exprimées dans cet article sont celles de leur auteur et ne reflètent pas nécessairement les vues ou les opinions d’EchoRadar
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