C’est une époque de guerre civile planétaire. A bord de quelques sites d’une entreprise privée connue sous le nom de Safran, les Rebelles ont emporté leur première victoire sur la maléfique déroute technologique.
Au cours des essais, des commerciaux « safranien » ont réussi à arracher la volonté de la DGA de la Mort. Une administration blindée dotée de prérogatives gaulliennes suffisantes pour annihiler une planète tout entière. Poursuivie par des sbires déclinistes de l’Hécatombe Dronique, le prince Le Drian possède dorénavant les marges de manœuvres pour sauver son peuple et restaurer les ambitions militaires françaises dans la troisième dimension…
La DGA devrait notifier à Safran (entreprise issue de la fusion de SAGEM et de la SNECMA) un contrat d’acquisition pour 14 drones, soit deux systèmes à cinq vecteurs, une unité école à quatre machines, et, logiquement, les stations de contrôle tout comme les pièces détachées nécessaires. Semble-t-il, le montant et la durée du contrat de MCO n’est pas communiqué. Le volume financier du contrat entier atteint les 300 millions d’euros.
Sagem, avant de devenir Safran, remportait tous les contrats de drone « tactique » émis par l’Armée de Terre depuis 1992.
Le Patroller revient d’une galaxie lointaine, très lointaine. Sa première campagne d’essais en vol se déroulait 10 au 30 Juin 2009 à Kemijarvi (site d’essais de Robonic, filiale de Sagem) en Finlande. Depuis sept longues années, l’entreprise s’est engagé, malgré nombre de décisions étatiques, sur cet engin. Il est issu de la dronisation d’un motoplaneur allemand. De la gamme des 1 tonne, il peut-être optionnellement piloté.
Brisons un tabou : c’est un drone MALE. L’Armée de Terre a pu vérifier ses capacités à tenir l’air pendant 10 à 14 heures. Son fabricant affirmait depuis 2010 – au moins ! – qu’il pouvait persister dans la troisième dimension de 20 à 30 heures. C’est la deuxième fois que Sagem propose la « bonne » solution industrielle aux forces armées françaises : le Harfang proposait par Airbus était préféré au drone Predator présenté par… Sagem en 2001. Le choix accoucha d’un scandale financier et d’un système tellement opérationnel que le successeur du Predator, le Reaper, sera commandé en urgence. Sans passer par la case des essais en vol.
Alors que les citoyens intéressés aux affaires de la Défense nationale s’attendait, avec un brin de rationalité, à ce que ce soit l’Armée de l’Air qui catalyse les énergies et les moyens en faveur d’une solution nationale pour un drone MALE, c’est l’Armée de Terre qui réalise cet exploit après 7 ou 15 ans d’errance totale. Merci !
Qui faut-il conspuer ? La DGA ? Le Ministère ? L’EMA ? Les industriels ? L’Armée de l’Air ? Qui encore ?
Premièrement, il y a une crise institutionnelle manifeste en matière de soutien à la recherche dans les technologies d’avenir (R&T), le développement de démonstrateurs et de prototypes (R&D) tout comme la satisfaction des besoins opérationnels. La DGA est sur le banc des accusés : à quoi sert-elle dans ce dossier ? Elle a tout raté, c’est une entreprise privée qui rassemble et organise les compétences autour de l’objectif défini par le politique. C’est un peu l’histoire de Dassault Aviation…
La DGA est actuellement dans l’incapacité de développer la base industrielle et technologique de défense en matière de drone aérien de surveillance et de combat. Si nous ajoutons au segment du jour la question des drones « tactiques » mais aussi stratégiques, de 2001 à 2025, rien ne semble avancer.
Deuxièmement, que font les services des essais et d’évaluation du ministère et des forces armées ? Le choix en faveur du Patroller intervient après 18 mois d’essais d’avec son rival, le Watchkeeper. Il y a un certain malaise car c’est d’une longueur condamnable. Le rival malheureux du drone de Safran n’a-t-il pas connu le feu en Afghanistan ? Le MQ-9 Reaper de General Atomics, un des avatars de la Global War on Terror, connaissait-il une telle situation ubuesque en France ? Non. Combien d’années fallait-il attendre pour qu’un des services officiels s’intéressent aux sept longues années du Patroller ?
Est-ce un échec ? Nous serions tenté de l’affirmer. Les forces armées françaises attendaient – pour rien – 7 à 15 longues années. Gaspillant les rares moyens financiers de budgets « de désarmement ».
Troisièmement, que font l’Armée, la Marine et l’Armée de l’Air ? Les Patroller seront installés sur l’ancienne base américaine à proximité de Chaumont, servant de garnison… au 61e Régiment d’Artillerie. Ce n’est pas une munition mais un aéronef… (ALAT ?!). Le seul drone tactique en expérimentation (dans la Marine nationale), le S-100 de Schiebel est installé à Hyères, dans le Var. Les Harfang et Reaper sont employés par l’escadron de drone 1/33 Belfort de l’Armée de l’Air (cf. remarque ALAT). Où sont les DRAC ? Volent-ils ?
Les forces armées et les services de l’Intérieur, de la Sécurité civile mutualisent les formations des pilotes d’aéronefs, voire l’entretien, etc. Il y a une école franco-allemande pour le Tigre. En matière de drone, c’est la grande nostalgie d’avant la DGA, voire d’avant la deuxième guerre mondiale.
Quatrièmement, que font les industriels français ? L’exercice Harfang permet-il de croire qu’Israël pratique les transferts de technologies en matière de drone ? À moins que ce soit les entreprises américaines qui soient réputées coutumière du fait ? Ou les coopérations bilatérales, trilatérales ou multilatérales européennes « de dans 10 ou 20 ans » ? Non, sans tambours ni trompettes, la DGA, le 21 janvier lance après 7 à 15 années de perdues les bases d’une filière franco-germano-française. La position d’infériorité stratégique du char Napoléon (80% allemand, 20% français) est inversé. La France peut, grâce à l’acquis de Safran, prendre le leadership en Europe face aux anglais. Difficile d’imaginer que les allemands, après l’abandon du HALE Eurohawk et une nouvelle expérience autour du Heron TP, puisse prétendre à quoi que ce soit. Tout comme les Italiens.
Enfin, vous pourriez trouver cette plume excessive, injuste, etc. N’oubliez pas le numéro 5 : que font les commissions concernées au Sénat et à l’Assemblée nationale ? Le contrôle parlementaire ?! Il y aurait matière à monter une commission d’enquête et questionner l’organisation, les responsabilités de chacun.
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« La DGA est sur le banc des accusés : à quoi sert-elle dans ce dossier ? Elle a tout raté, c’est une entreprise privée qui rassemble et organise les compétences autour de l’objectif défini par le politique. C’est un peu l’histoire de Dassault Aviation…
La DGA est actuellement dans l’incapacité de développer la base industrielle et technologique de défense en matière de drone aérien de surveillance et de combat. Si nous ajoutons au segment du jour la question des drones « tactiques » mais aussi stratégiques, de 2001 à 2025, rien ne semble avancer. »
En même temps, il faudrait aussi que nos industriels nationaux bien-aimés acceptent de se mettre d’accord, ni la DGA ni qui que ce soit d’autres ne pourra organiser les compétences d’une filière si personne ne le veut. Sagem l’a pu après avoir investi sur fonds propres pendant longtemps, ce que ni Dassault, ni Airbus, ni Thales n’ont fait, entre autre parce qu’ils n’arrivaient pas à se mettre d’accord sur qui fait quoi, et quelle part du gâteau….