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Affirmation du rang de la France : le GAn dans les océans Indien et Pacifique ? - EchoЯadar

La Marine nationale fournissait, au titre de l’effort de guerre contre le groupe dit « Etat Islamique » et les forces de Bachar El-Assad, le GAn (Groupe Aéronaval), centré sur le porte-avions Charles de Gaulle, comme outil de diplomatie navale afin de tenter d’influencer la décision à terre pour reprendre les cheminements stratégiques de Julian S. Corbett et du général Beaufre.

© Etat-major des Armées/Marine nationale.

Toutefois, eu égard à la modeste activité aérienne française, comparativement à l’intervention russe, nous proposons de nous interroger sur la pertinence de l’emploi du GAn quand des croisières à destination de l’Inde, de l’Australie, de la Chine ou du Japon auraient pu paraître plus efficaces sur le plan politique.

Le GAn contribuait par deux fois à l’opération Chammal. La première fois, du 23 février au 18 avril, il mettait le groupe aérien embarqué à contribution pour plus de huit semaines d’opérations aériennes, permettant à l’Armée de l’air de gagner un peu de souplesse afin de faire durer dans le temps ses propres aéronefs déployés sur l’IMFEAU et en Jordanie sur la base dite H5. « Pendant huit semaines, en parfaite complémentarité avec les avions de l’armée de l’Air française, le groupe aérien embarqué (GAé) a réalisé quotidiennement 10 à 15 sorties de combat depuis le porte-avions Charles de Gaulle, afin de participer à l’appui des forces de sécurité irakiennes engagées au sol contre les terroristes de Daech. Les 12 Rafale , les 9 Super Etendard Modernisé et le Hawkeye du (GAé) ont participé à des missions d’appui aérien, de reconnaissance et de contrôle du trafic aérien au-dessus de la zone de conflit. Dans cette mission de contrôle, la frégate de défense aérienne Chevalier Paul a également tenu une place essentielle. »

La deuxième croisière voyait l’escadre croiser au large des côtes syriennes à partir du 23 novembre 2015. Ce deuxième déploiement (Chammal 2.1) se caractérisait par un groupe aérien embarqué particulièrement lourd : 26 chasseurs embarqués pour un total de 31 aéronefs. « Pendant 14 jours, entre le 23 novembre et le 6 décembre, le GAN a réalisé à partir de la MEDOR 130 sorties aériennes, 22 frappes et 9 missions ISR au-dessus des territoires contrôlés par Daech. Conjuguant sa puissance aérienne avec celle de l’armée de l’air déjà présente dans le GAP et en Jordanie, le GAN a détruit des centres de commandement et de formation, des sites de stockage d’armement et de fabrication d’IED. Il a aussi appuyé les forces irakiennes combattant Daech au sol en Irak. » Dans un deuxième temps (Chammal 2.2), le GAn se positionnait au large des côtes irakiennes le 20 décembre, ayant franchi le canal de Suez (7 décembre) et le détroit de Bab el-Mandeb (aux environs du 15 décembre) entre temps. »En près de deux mois, depuis leur entrée dans le GAP le 19 décembre 2015 jusqu’au franchissement du détroit d’Ormuz le 22 février 2016, les équipages du GAN ont mené près de 400 sorties aériennes opérationnelles. Intégrés dans le dispositif Chammal, ils ont travaillé de concert avec les équipages de l’armée de l’air qui décollent à partir des bases stationnées en Jordanie et dans le GAP. Les aéronefs du GAN ont réalisé 23 missions ISR (missions de renseignement ou « intelligence surveillance and reconnaissance »)  au-dessus des positions tenues par Daech en Irak et en Syrie et conduit 80 frappes  contre Daech. »
Le porte-avions Charles de Gaulle est conçu pour soutenir 100 sorties aériennes par tranche de 24h sur une période de 7 jours avant qu’il ne soit nécessaire de diminuer la cadence des salves afin de faire durer le potentiel ou de le régénérer complètement. Pendant la mission :
  • Chammal 1 : la cadence était de 10 à 15 sorties ;
  • Chammal 2.1 : environ 9 sorties par jour ;
  • Chammal 2.2 : environ 6 sorties aériennes par jour.
Nous ne pouvons qu’observer que les capacités du porte-avions n’étaient exploitées qu’à hauteur de 5 à 10% de ses capacités théoriques maximales. Même en tenant compte de la nécessité à durer à la mer, notons que le nombre de sorties aériennes n’évolue pas selon le volume du groupe aérien embarqué (21 et 26 chasseurs). Nous ne pouvons que supposer que l’activité aérienne était plutôt conditionnée par les demandes du politique, avec une intensité suffisamment faible pour ne pas atteindre ne serait-ce que la moitié des capacités du Groupe Aéronaval.
C’est pourquoi nous pouvons légitimement nous interroger sur la pertinence d’engager le groupe aéronaval dans la mission Chammal. Eu égard à cette très faible activité aérienne, et à l’incapacité de l’Armée de l’air de déployer plus de 20 chasseurs en opérations extérieures, oui, il faut évoquer un desserrement du groupe aérien embarqué à terre. Plutôt, il n’aurait pas été inutile d’évaluer cette solution dès le début de l’année 2015 et non pas une année plus tard.
En prenant le concept de BAP (Base Aérienne Projetée), la Marine nationale aurait eu, une solution parmi d’autres, la possibilité de déployer en avant ses Super Etendard Modernisés, par exemple, en Jordanie au plus près de la frontière syrienne. Le potentiel des vieux chasseurs aurait pu être usé jusqu’à la moelle si bien qu’ils quitteront le service à l’été 2016. Et le porte-avions anticiper la future refonte afin de préparer l’optimisation des installations aéronautiques au retrait du SEM. L’Armée de l’air aurait pu recentrer ses efforts sur la seule base jordanienne ou bien à partir de la seule IMFEAU. Cela lui aurait offert plus tôt la possibilité d’optimiser ses capacités en choisissant dès 2015 de consacrer la filière Rafale à un théâtre (Barkhane ou Chammal) tandis que la filière Mirage 2000 s’occupait de l’autre. 
Il nous paraît difficile d’évaluer l’impact politique et diplomatique du déploiement du GAn. Sur le plan médiatique, chacune de ses croisières à destination du Proche-Orient avait un grand retentissement. L’effet est fort, fort peu coûteux également puisque pour rejoindre l’océan Indien il est nécessaire de passer par Suez. Toutefois, le très faible nombre de sorties aériennes journalières ne pouvait pas tromper sur l’intensité de l’engagement français sur la scène diplomatique régionale et mondiale. 
Pour reprendre la typologie de la diplomatie navale par Hervé Coutau-Bégarie (Le meilleur des ambassadeurs – Théorie et pratique de la diplomatie navale, Economica, 2010, 401 pages), l’emploi du GAn au sein de la mission Chammal nous apparaît comme improductif car le pouvoir politique ne commandait qu’une campagne aérienne à la faible intensité. Comme outil au sein d’une diplomatie de crise – « La diplomatie de crise fait intervenir les forces navales dans un but humanitaire ou politique préalablement défini dans une situation de risque ou d’urgence. Elle se décline en plusieurs volets. » (p. 57) – l’engagement du GAn était donc dispensable. 
C’est pourquoi il ne peut qu’être difficile d’accepter les deux croisières du GAn comme relevant de la catégorie de la diplomatie coercitive (« La diplomative navale est coopérative dans le cas d’un soutien à un pays allié ou ami. Elle est coercitive lorsqu’elle adresse un signal à un perturbateur ou un adversaire potentiel ou déclaré. Le concept de coercition rend particulièrement bien compte de cette mise en oeuvre retenue de la force qui ne va pas jusqu’à un conflit généralisé. Tous les degrés sont envisageables. » (p. 67).
Par contre, la France manque encore l’occasion de soutenir sa stratégie politique par l’emploi d’un moyen capable de modifier les perceptions régionales quand au statut français de puissance du Pacifique et de l’océan Indien. Paris négocie de grands contrats stratégiques avec l’Inde, des transports jusqu’au nucléaire en passant par le contrat Rafale
Les manoeuvres Agapanthe permettent à l’Inde et la France de célébrer ce partenariat stratégique par un exercice aéronaval permettant au partenaire français de montrer à l’indien ce qu’il peut proposer comme capacités. L’absence du porte-avions dans l’Océan Indien est plus que délicate quand l’Inde chercherait un nouveau partenaire étranger pour concevoir l’un de ses deux futurs porte-avions mis en chantier dans les toutes prochaines années. La diplomatie (navale) de routine (« Cet effet existentiel se trouve encore renforcé par des manifestations de routine dont l’objectif premier n’est pas nécessairement d’obtenir un effet diplomatique, mais qui ont tout de même un tel effet induit. » (p. 52) permet de soutenir ce genre de partenariats dans le temps.
Enfin, une croisière du GAn dans le Pacifique aurait pu hisser une diplomatie symbolique (« Une dimension symbolique forte s’attache à l’existence des forces navales : le seul fait de posséder une marine modifie la perception tant de celui qui la possède (ce que les sociologues appellent la self image) que de ses alliés ou adversaires éventuels. Le possesseur est capable d’intervenir au-delà de son territoire terrestre, sans être un spectateur obligé de subir. » (p. 50)
Quand le ministre de la Défense français affirmait que la France est une puissance du Pacifique dans un forum régional, il essuie un silence poli, voire l’indifférence générale. Ce ne sont pas les frégates de surveillance qui impressionneront les principaux responsables de la course l’armement naval de la région. Par contre, des escales du porte-avions Charles de Gaulle à Singapour, au Japon, en Chine et en Australie, sans oublier les collectivités françaises, marquerait l’existence d’un acteur non-déclaré en faveur de la Chine ou de ses rivaux. Une telle croisière ne manquerait pas de rappeler que la France est un acteur, voire partenaire stratégique (pour l’Australie), dont l’outil naval est dessinée autour du paradigme de la projection et qu’il ne manquerait pas d’être engagé au service des intérêts français.
De grands contrats sont également en négociations (dont celui pour 8 à 12 sous-marins de 4000 tonnes en Australie) quand l’évolution du droit de la mer ne peut qu’être influencée par le rapport de force entre Pékin et Washington, ou encore la mise en place de zones de protection écologique. Dans l’ensemble de ces défis, la sûreté des espaces maritimes français en sera fortement impacté.
C’est pour l’ensemble de ces quelques considérations que nous nous propositions de critiquer l’engagement du GAn au sein de l’opération Chammal alors que la position diplomatique française est comparée à un naufrage. Un déploiement des Super Etendard Modernisés à terre aurait pu amplement suffire. Le Groupe Aéronaval, comme vitrine des prétentions françaises à entrer en premier sur un théâtre et obtenir localement et temporairement la maîtrise des mers, déclame le rang de la France. Les intérêts français ne sont pas moins impérieux dans les océans Indien et surtout Pacifique, rien que pour l’avenir de l’intégrité territoriale de l’Archipel France. Si le pouvoir politique souhaite faire entendre la voix de la France qui lui est propre, manifester son indépendance, alors qu’il n’hésite pas à commander une croisière du GAn dans les océans Indien et Pacifique. S’il souhaite afficher sa solidarité euratlantique ou maintenir une position diplomatique contre un adversaire, il n’est pas interdit de mieux dimensionner les outils.
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