Après avoir été diplômé de l’ENSEA, Mickaël a été employé au Grand-Duché du Luxembourg pour développer des algorithmes intelligents basés sur une approche neuro-mimétique à destination de l’industrie financière. Ensuite, il a travaillé principalement pour le Ministère des Finances en Belgique sur la transformation de leur parc d’application métier. Depuis plus d’un an, il développe une solution unifiée autour des nouvelles réglementations qui vont impacter les banques et les gestionnaires d’actifs tout en observant un basculement vif du marché vers les technologies basées sur la Blockchain.

Produire soi-même sa nourriture lorsque l’on n’est pas agriculteur, est-ce un progrès ou une version post-industrielle de la production collectivisée ?
La troisième révolution industrielle est en cours et a déjà balayé de nombreux domaines. La décentralisation des moyens de production offre aux salariés de nouveaux horizons de réalisation. Investir dans un outil de production et en jouir, produire et entrer sur un marché (presque) sans intermédiaire, cela est tout à fait révolutionnaire. Il y a de nombreux parallèles à faire entre la production de sa propre énergie et la production de son alimentation. C’est un progrès technique et humain qui se repose sur un esprit d’échange et de partage que l’on retrouve à travers le Libre (ou l’Open-Source, rien à voir avec Open Society, cependant). Ce changement de paradigme vient bousculer les industries conventionnelles qui ont bien du mal à s’adapter face aux défis actuels. Fin du salariat, croissance molle, perte de confiance des consommateurs, impact environnemental et social de la production de masse. Les nouveaux moteurs de l’innovation sont au service des entrepreneurs. Il n’a jamais été aussi simple de proposer une gamme de produits pertinents et de qualité sur un marché global. La demande en produit sains et respectueux est largement supérieure à l’offre. D’un autre côté, les grands équipementiers n’ont que la surenchère technologique pour continuer à faire rêver à coup de drones et de robots « gratte-la-terre » hors de prix. Les agriculteurs sont fortement malmenés par les distributeurs et les vendeurs de semences. Pour autant, la remise en question de la culture conventionnelle passera sans doute uniquement par les consommateurs.
Qu’en est-il de la sécurisation à la fois des transactions comme celle du portefeuille relatif au BitCoin?
Sans rentrer trop dans la technique, à chaque adresse publique Bitcoin créée correspond une clé privée qui sert à signer ses transactions. Ainsi on peut voir une adresse publique comme un compte bancaire, créé au besoin par un utilisateur. Par ce processus de signature utilisant une clé privée, on certifie que c’est bien le propriétaire des Bitcoin liés à une adresse publique qui envoie des fonds vers une autre adresse.
Un portefeuille, ou wallet, c’est l’ensemble de ces pairs clés privés/adresse publique qui a besoin d’être sécurisé. En effet, n’importe qui récupérant une clé privée peut transférer les fonds disponibles où il le souhaite. Le wallet ne laisse donc pas apparaitre les clés privées en clair sur un disque dur ou un smartphone. On utilise alors un mot de passe très long ou « passphrase » pour encrypter le contenu du portefeuille la plupart du temps et le décrypter lors de la signature d’une transaction.
Cela signifie que la gestion de ses clés privées est un enjeu majeur dans le cyber-espace qui se dessine devant nous. En perdant la passphrase qui permet d’utiliser son portefeuille Bitcoin, on perd à tout jamais la possibilité d’utiliser ses fonds. Il y a donc des précautions à prendre.
Certaine plateforme en ligne propose de s’occuper de la gestion de vos clés privées. En cas de corruption massive, aucun retour en arrière n’est possible. Ces services récents et qui cherchent à gagner encore en maturité font l’objet de nombreuses attaques.
A l’heure actuelle, il existe des solutions matérielles open-source qui limitent un bon nombre de scénario de piratage de passphrase (ordinateur infecté par tout type de Keylogger, attaque « Man-in-the-middle» etc.). Il s’agit d’utiliser un appareil sécurisé externe à un ordinateur qui contient les portefeuilles de crypto-monnaie. Ainsi, les clés privées décryptées ne sont jamais accessibles en dehors de ce dispositif (par exemple Trezor).
Vous avez travaillé dans le secteur public et le privé, quels sont les compétences qui vous ont été le plus utiles dans les deux secteurs ?
J’ai bien peur de répondre de manière un peu trop convenue à celle-ci. Sur le ton d’un entretien d’embauche.
Quel est l’avenir des monnaies virtuelles selon vous ?
Ce qu’il se passe avec les monnaies virtuelles est tout simplement incroyable. Le Bitcoin s’est fait attaquer de toutes parts ces dernières années. L’appareil médiatique, étatique, législatif lui sont passés dessus. Semaine par semaine, article après article, décret après décret, la cryptographie et les mathématiques ont tenu bon, n’ont quasiment pas bronché. Quelle leçon ! Quel symbole ! Plus les libertés disparaissent, plus la défiance vis-à-vis des banques augmentent, plus ces technologies de rupture se renforcent, se transforment, se banalisent. L’usage auprès du grand public reste toutefois marginal. On a par ailleurs vu dans certains pays, des contribuables potentiellement ruinés, se servir du Bitcoin comme relai pour passer une frontière. L’avenir des crypto-monnaies est lié par effet de vases communicants à la confiance dans le système financier et étatique actuel.
Que vous inspirent les Panama Papers ?
Je suis très peu renseigné sur le sujet.
La Blockchain : phénomène de mode ou appelé à s’amplifier selon vous ?
La Blockchain vu comme un phénomène de mode parmi d’autres possède plusieurs fonctions.
La première est d’occuper grossièrement l’espace mondain des « think/do-tanks » qui ont besoin d’exhiber une maitrise de surface sur le maximum de sujet possible. La seconde fonction, c’est d’attirer les jeunes diplômés talentueux des grandes écoles vers des structures qui ne cherchent absolument pas la rupture mais qui aiment bien en parler. Il est important de faire croire que c’est l’entreprise établie qui va permettre aux salariés de se réaliser en changeant le monde.
Pour autant, la Blockchain peut amener de la transparence dans de nombreux domaines, dont celui de la production alimentaire. Dans le cadre de la Troisième Révolution Industrielle, je travaille actuellement avec Jean Stoll, l’équipe de Jeremy Rifkin et Jessi Baker de Provenance.org pour implémenter cette technologie dans des filaires clés au Grand-Duché. Les agriculteurs sont prêts à communiquer sur leur marge vis-à-vis des consommateurs. Les consommateurs veulent connaitre précisément l’impact de leur acte d’achat (éthique des acteurs de la chaine logistique, utilisation de pesticides, des énergies renouvelables, gestion des déchets, circuit court etc.). Ainsi, cette approche décentralisée permettra de mettre en avant des acteurs partageant cette même vision et aussi contrebalancer un prix de marché faussé par de nombreux biais. On cherche de cette manière une croissance en valeur plus qu’en volume. Il y a ici de très belles cartes à jouer dans les prochaines années.
Selon-vous Les blockchains peuvent-ils “tuer” les accords de Bâle ?
En 2008, nous sommes passés assez près du chaos économique, de la ruine intégrale. Paradoxalement, au lieu d’empêcher une nouvelle crise, l’application des nouvelles règlementations vont sans doute en créer une autre. La mise en œuvre parfois maladroite et couteuse des règles prudentielles actuelles prennent les derniers points de marge aux gestionnaires d’actifs. Il y a une énorme tension de ce côté-là et une tentation de transformer une partie du shadow-banking à la hussarde vers les technologies décentralisées qui resteront en dehors du contrôle des auditeurs et régulateurs. Plusieurs marchés en parallèle pourraient alors émerger. Les investissements dans les Fintech font tourner les têtes et participent manifestement à une fuite en avant alors que de vrais sujets sont sur la table. L’avenir du domaine bancaire tel qu’il est aujourd’hui reste tout de même très (très) incertain. Il y a déjà eu par le passé de nombreux reculs et des retournements vraiment surprenant.
Google X a travaillé sur un grand projet de verticalisation de la culture de légumes mais aussi vient de le stopper. car jugé non rentable à court terme. Quelle est votre sentiment sur la question des cultures verticales ?
Les cultures verticales englobent de très nombreuses techniques. Hydroponique, aquaponique, d’intérieur, d’extérieur, en bac, en tours. En fonction de ces choix, l’approche et les objectifs sont complétement différents. La rentabilité va dépendre du marché local, du coût des énergies utiles pour faire fonctionner les fermes, du type de culture attendu. Certaine culture dites extensives, comme le blé, le riz se prêtent assez mal aux méthodes verticales d’exploitation. Même si la vitesse de production est impressionnante, le prix de vente n’équilibre pas toujours l’équation. Par ailleurs, en extérieur et pour une cible familiale cherchant une alimentation de qualité, l’investissement initial d’une serre aquaponique est accessible pour une production toute l’année. Il y existe aujourd’hui beaucoup de levier possible pour limiter les coûts de ce type d’installation. En devenant plus populaire, dans tous les sens du terme, ces nouveaux outils verront leur prix diminuer.
Comment envisagez-vous l’évolution du trading haute fréquence ? Allons-nous vers une règlementation plus forte du HFT ?
Les réglementation MiFid II, si elles sont un jour appliquées, visent clairement le trading haute fréquence. Des calculs de valorisation sont imposés avant et après échange. Dans le cadre du HFT, ceci pose des questions très techniques. Comment se synchroniser sur un même temps pour tous les acteurs avec des transactions à la milliseconde ? Comment gérer les délais de propagation de l’information avec de telle fréquence ? Comment gérer le volume de rapport généré, le conserver et vérifier leur consistance ? La plupart de ces questions restent ouvertes à l’heure actuelle. Je n’irai pas jusqu’à imaginer que face à ces contraintes technologiques, les vitesses des échanges vont sagement diminuer. L’avenir nous le dira.
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Vous disposez d’un outil d’avant-garde et de qualité qui se distingue par sa sobriété, son élégance et son sérieux. J’espère que vous tiendrez le cap dans la durée. De nombreux « pure-player » ont cessé depuis longtemps de proposer du grain à moudre aux lecteurs. Contenu publicitaire masqué et fallacieux. Bras armé de l’idéologie monomaniaque des actionnaires. Longue vie au discernement. Longue vie à l’intelligence. Longue vie à vous EchoRadar !
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