L’impression 3D est déjà un eldorado florissant pour des myriades d’industries, de créateurs et de makers mais ne relève pas encore d’une application grand public avec ses produits & services matures. Ce procédé obtiendra ses lettres de noblesse quand les imprimantes 3D trôneront aux côtés des nos ordinateurs et de nos imprimantes à jet d’encre/laser et seront associées à nos smartphones/tablettes et à d’autres technologies hard ou soft.
Flash Rewind. Tel un adolescent en pleine croissance, le Web fit sa mue avec les systèmes d’exploitation mobiles, s’extirpa de facto de la lourdeur du PC fixe/portable et se connecta plus aisément au monde réel notamment grâce aux applications mobiles (email, géolocalisation, e-commerce, transport, loisirs et création multimédia, applications collaboratives, etc). Ainsi, l’expansion fulgurante des terminaux mobiles fut un cauchemar pour les fabricants d’appareils photo, de caméscopes numériques, de terminaux GPS, de baladeurs audio/vidéo, de chaînes hi-fi, de calculatrices, de montres-bracelets, de radio-réveils, etc etc etc.
La grande distribution de produits culturels a carrément payé le prix fort de ce tourbillon numérique : la FNAC cherche son nouveau modèle économique et Virgin Megastore a mis la clé sous la porte. Ces deux enseignes craignaient ou militaient contre le téléchargement en peer-to-peer (ou téléchargement illégal) mais n’ont pas su anticiper les fracassants succès du iPhone/iPad (Apple) et du Galaxy/Galaxy Tab (Samsung), souvent présentés dans leurs plus beaux espaces de vente.
D’une façon ou d’une autre, tout ce beau monde a été victime de la loi de Moore d’une part, (smartphones et tablettes iOS/Android), et de la maturation plutôt rapide du Web et de l’internet mobile d’autre part (cloud, streaming, médias sociaux, jeux en ligne, apps).
Fast Forward. Plusieurs éléments disparates incitent à penser que l’impression 3D adoptera une évolution analogue ou comparable à celle du Web et/ou de l’Internet mobile, avec des facteurs très spécifiques. Actuellement, l’impression 3D vit un engouement évoquant grandement celui de la bulle Internet durant la fin des années 1990. Ce n’est guère un hasard si quelques champions en la matière subissent d’amères déceptions.
Boom Bulle Krach ? Premières lignes de l’impression 3D, Stratasys et 3D Systems ont enregistré des pertes avoisinant ou dépassant le milliard de dollars et une baisse d’environ 30% de leurs chiffres d’affaires au cours de l’exercice comptable 2015. Consécutivement, les deux firmes se retirent de l’impression 3D grand public et se recentrent sur l’impression 3D de prototypes et de pièces industrielles. Entre l’expiration de brevets ouvrant la porte à une multitude de concurrents low-cost, l’émergence de concurrents asiatiques et européens, la réorientation de HP vers l’impression 3D et celle imminente d’autres géants techno, la ruée vers l’or de l’impression tridimensionnelle mènera tôt ou tard vers une bulle puis un krach… qui assainira le marché, à l’instar du Web après l’éclatement de la bulle Internet en 2001.
Do It Yourself. Durant l’hiver 2016, un étudiant en design à l’Institut de technologie du New Jersey avait fabriqué son propre appareil dentaire avec une imprimante 3D, 60 dollars de matériaux et une bonne dose d’ingéniosité… plutôt que s’offrir d’onéreux traitements en orthodontie qui franchissent vite la barre des 3000 dollars aux Etats-Unis.
Big Bang. Pour l’instant, très peu de makers en herbe sont capables de concevoir un objet aussi précis qu’un appareil dentaire. Mais nul doute que l’impression 3D bénéficiera également d’un effet similaire à la loi de Moore (c-à-d des imprimantes-scanners 3D de plus en plus ergonomiques, polyvalentes et efficaces à des prix de plus en plus compétitifs), du développement de logiciels libres, commerciaux et/ou collaboratifs, et d’une prolifération de modèles 3D et de matériaux open source.
Cette agrégation de facteurs dopera l’innovation combinatoire au sein de l’impression 3D qui deviendra alors une tendance mainstream et donc une réalité de marché grand public… à l’image des logiciels de retouche photo (Photoshop, Picasa, Instagram), des plate-formes CMS (WordPress, Joomla, Blogger, Wix) et des solutions d’hébergement Web qui, pas à pas, ont mis la création de blogs et de sites Internet à la portée de tous.
Autrefois, les industries de la musique, de la cinéma et de la télévision tremblaient de peur face au MP3, au MP4 et au téléchargement en peer-to-peer… et n’eurent guère d’autre choix que négocier avec iTunes, Google Play, Spotify, Youtube, Vimeo, Xbox Live, Playstation Network, Netflix, Amazon et compagnie.
Dans les prochaines décennies, des Steve Jobs, des Mark Zuckerberg, des Jeff Bezos, des Elon Musk et des “Linux Torvalds” de l’impression 3D feront fureur avec leurs applications user-friendly et leurs plate-formes génériques, de surcroît connectées à des univers réels ou virtuels : Web social, Internet des Objets, applications/productions collaboratives, loisirs multimédia, jeux ou activités en réalité augmentée, e-commerce, peer-to-peer, apps, blockchain, etc.
No souci, no respect. Les adolescents et les jeunes adultes, immergés depuis leur enfance dans cet environnement technologique, s’en donneront à coeur joie à la maison, à l’école, à l’université et au travail. Ils copieront et dériveront les architectures, les formes, les couleurs et les fonctions d’objets réels protégés par la propriété intellectuelle, forgeront des concepts (outils, gadgets, jouets) aussi innovants que délirants et, de fait, approfondiront la césure philosophique avec leurs aînés… tentés par une prohibition ou par une réglementation drastique de ces micro-usines domestiques ?
De nombreuses industries hard ou soft établies et leurs métiers disparaîtront, d’autres pataugeront avant de couler ou de se réinventer. À quoi bon établir la liste des perdants, des gagnants et des nouveaux entrants de demain ? En 2006, les meilleurs analystes industriels imaginaient difficilement le paysage technologique après les smartphones et les tablettes, assommés et aveuglés qu’ils étaient par une big bang disruption en accélération constante.
Qu’en sera-t-il au cours de la maturation de l’impression 3D et des activités périphériques et après l’émergence d’une ou de plusieurs killer apps dédiées ?
Charles Bwele, Electrosphere
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