Nassim Nicholas Taleb, né en 1960 à Amioun au Liban, est un écrivain et essayiste libano-américain, spécialisé en épistémologie des probabilités et praticien en mathématiques financières. Il est le père de la célèbre théorie du cygne noir qu’il présente dans l’ouvrage « Le cygne noir – la puissance de l’imprévisible » en 2007.

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Cette courte recension présente la notion de « cygne noir » avant de synthétiser la thèse de Taleb mais n’a pas la prétention de présenter tous les arguments déroulés dans l’ouvrage.

1.Qu’est-ce qu’un cygne noir ?

Un événement qualifié de « cygne noir » présente les trois caractéristiques suivantes :

  • tout d’abord, il s’agit d’une aberration, qui se situe donc en dehors du cadre de nos attentes ordinaires et qui présente un caractère rare et inattendu ;

  • dont l’impact est extrêmement fort ;

  • et qui en dépit de son statut d’aberration, devient prévisible rétrospectivement.

En effet, la nature humaine pousse à élaborer après coup des explications concernant la survenue du cygne noir, le rendant ainsi explicable et prévisible.

Taleb justifie le nom de sa théorie par la réelle découverte du premier cygne noir en Australie alors que l’ancien monde était convaincu que tous les cygnes sans exception étaient blancs. Croyance jusqu’alors inattaquable car confirmée par des preuves empiriques qui furent balayées le jour où un cygnus atratus – l’espèce du cygne noir, fut vu.

Toute la théorie du cygne noir repose sur cette apparente contradiction où un événement faiblement prévisible retentit a posteriori avec un impact puissant qui devient explicable.

En fait, elle s’explique tout simplement avec la confrontation entre la structure du hasard avec la réalité empirique. Le cygne noir se traduit par l’étonnement de tout dupe qui ne conserve pas son esprit suffisamment ouvert pour prendre du recul par rapport à ce qu’il voit.

Taleb démontre sa théorie par un fameux exemple en expliquant qu’une dinde nourrie pendant mille jours à la même heure ne lui permet pas d’apprendre qu’à Noël elle ne sera plus nourrie mais bien mangée. Un processus sur une durée n’explique pas le futur de la dinde, il est naïf de croire que l’avenir se base sur le passé qui peut tout expliquer.

Ainsi , la problématique de l’ouvrage est énoncée comme suit : comment pouvons-nous connaître l’avenir en nous fondant sur ce que nous savons du passé ? Comment comprendre les propriétés de l’inconnu (infini) sur la base du connu (fini) ?

2 . Quelle thèse est défendue à travers cette théorie du cygne noir ?

La thèse défendue est la démonstration des limites de l’apprentissage par l’observation ou l’expérience, la cécité de tous face au hasard et spécialement aux événements qui se démarquent particulièrement de nos attentes.

La tendance majoritaire apprend du particulier et non du général, se cantonne donc à apprendre des faits et non des règles, qui peuvent, à l’image des théorèmes mathématiques, ne pas être des plus simples et des plus évidentes.

L’auteur dénonce le fait que l’esprit commun reste sur le connu et manque d’imagination pour aller voir au-delà du visible de proximité au lieu de prendre le contre-pied de la sagesse conventionnelle.

Certes, la catégorisation est nécessaire aux êtres humains mais elle devient pathologique quand les catégories sont considérées comme définitives et empêchent les gens de prendre en compte le caractère flou des frontières et surtout de réviser ces catégories.

Il affirme le postulat selon lequel notre monde est dominé par l’extrême, l’inconnu et le très improbable et que notre connaissance actuelle ne nous permet pas de prédire; il est donc inutile de nous focaliser sur le connu et le répété.

Taleb proclame ainsi haut et fort que l’avenir sera de moins en moins prédictible alors que toutes les sciences militent dans le sens contraire. En effet, le plus grand danger face à un avenir incertain est d’avoir des croyances définitives et fermées, souvent fondées sur un empirisme naïf. Ces croyances, quelles qu’elles soient, sont souvent véhiculées par des experts auto-déclarés dont le seul mérite est d’avoir un talent pour nous « enfumer » avec leurs théories souvent assorties de modèles mathématiques complexes.

Face à cette thèse, il ne s’agit pas d’avoir la phobie du risque et de l’inconnu mais au contraire d’être conscient de l’inconnu, d’accepter l’idée d’imprédictibilité et donc de savoir comment éviter de traverser la rue les yeux bandés, notamment en faisant confiance à notre instinct.

Petit bémol à l’ouvrage, lourd de près de 500 pages, la théorie du cygne noir est expliqué de façon extrêmement exhaustive, tous les méandres de la pensée de Taleb sont exploités  et peuvent parfois perdre le lecteur. En effet, l’ouvrage est une véritable thèse scientifico-philosophique à appréhender, ce qui devrait plaire à tous les passionnés de sciences.

Ovni de la littérature, essai à la fois philosophique et autobiographique, l’auteur manie l’humour et l’ironie pour dépeindre et théoriser avec justesse la science du hasard et la puissance de l’imprévisible. L’impact de ce livre de contre-culture pourrait être comparé à celui de « L’esprit des lois » de Montesquieu car il est à sa façon un véritable traité de la théorie de la pensée.

Refuser ce qui est évident, conserver à tout instant son esprit critique et ouvert… Ce livre éclaire avec une nouvelle lumière toutes nos futures réflexions.

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