La rébellion houthie clame la destruction de l’ancien HSV-2 Swift de l’US Navy, loué à une administration maritime des Émirats Arabes Unis depuis, approximativement, le début de l’année 2015.

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Loin d’être une escarmouche d’apparence isolée, telle la destruction de l’Eilat (21 octobre 1967) ou celle de la corvette Hanit (12 juillet 2006), cette action navale revendiquée témoignerait d’une stratégie d’ensemble afin de dénier l’usage de la Mer à l’adversaire.

Ces quelques dates clefs permettront d’aider à retracer la dynamique de la rébellion houthie, bien que la liste suivante soit loin d’être exhaustive. Son seul intérêt est de replacer le fait d’arme dans son contexte. Les causes politico-religieuses plongent leur racines dans les années 1960, notamment par l’intervention de l’Égypte de Nasser, dans un conflit de huit années (26 septembre 1962 – 1er décembre 1970).

La rébellion houthie éclate pendant l’année 2004. Elle densifie son emprise territoriale et parvient même à l’étendre à l’intérieur des terres. En 2009, l’Arabie Saoudite intervient en faveur du gouvernement légitime face à une rébellion chiite soutenue par l’Iran. Le 20 janvier 2015, le conflit entre dans une nouvelle phase alors que les rebelles prennent le palais présidentiel avec le soutien d’une partie des forces loyalistes. L’intervention saoudienne prend une nouvelle ampleur avec l’assemblage d’une grande coalition « arabe » (Tempête décisive) qui début ses opérations le 25 mars et continue encore ses actions militaires à ce jour.

Sur le plan strictement maritime, la rébellion serait approvisionnée via les ports éryhréens, notamment près de l’aéroport international d’Assab. Quelques navires iraniens sont arraisonnés et surpris à transporter des armes, notamment sur l’année 2015. Les Houthis auraient gagnés un premier accès direct à la mer via la capture du port d’Hodeida le 14 octobre 2014. Le 27 mars 2015, l’accès à la mer se consolide avec la prise du port de Chakra. Cette nouvelle prise est le prélude à une bataille, très symbolique dans l’Histoire, du port d’Aden. La ville était devenue capitale provisoire du Yemen après la prise de Sanaa (20 janvier 2015). La rébellion échoue à plusieurs reprises à prendre le port entre mars et novembre 2015. En septembre 2016, une partie du gouvernement loyaliste rentre à Aden.

Depuis le mois d’août 2015, l’ancien HSV-2 Swift – sans pouvoir affirmer ou infirmer un éventuel nom de baptême dans sa nouvelle marine – serait à la disposition des Émiratis (UAE’s National Marine Dredging Company). Il servirait directement aux projections de forces et à la logistique de l’intervention émiratie au Yemen pour rétablir l’autorité du gouvernement et ses forces loyalistes contre la rébellions houthie.

[caption id="attachment_2702" align="aligncenter" width="490"]cgovfy3xeaaex-y-jpg-large Satellite imagery (right) showing the new military camp and the construction of a new port facility at Assab airport in Eritrea on 4 March. Al Khatem, a dredger operated by the UAE’s National Marine Dredging Company, can be seen operating at the site. The image on the left shows the same area in 2013, before the development began. (2016 CNES/Astrium/GoogleEarth/IHS).[/caption]
Les EAU s’implantaient en Erythrée par la création d’une « base aéronavale » à Assab avec l’utilisation de la piste de l’aéroport international et d’une darse à proximité immédiate de la piste aux environs du mois d’avril 2016. Début septembre, la même zone aurait été employé par l’Arabie Saoudite pour transférer 5000 yéménites dans l’optique de les former.
L’action navale houthie débuterait, justement, par l’attaque d’Assab. La vidéo publiée pour attester du déroulé de son opération comme de sa réussite donne assez peu d’éléments, même en traduisant les quelques paroles échangées. L’écran d’un radar est visible. Le missile employé est présenté comme un C-802 (de 120 à 200 km de portée selon la version) de conception et fabrication chinoise (fourni directement par la Chine ou à travers ses clients régionaux que sont l’Iran et le Soudan ?). Sans que le lanceur soit discernable, l’arme part depuis la gauche de la personne qui film. La vidéo tend à nous montrer que le bateau atteint, présenté comme le HSV-2 Swift, est sur la rive opposée. Un gros plan sur l’épave en flammes invite à croire qu’il y aurait deux équipes, l’une au site de lancement, l’autre à proximité immédiate du bateau qui serait à quai ou au mouillage près du port yéménite de Mocha. Il pourrait s’agir de la quatrième attaque de ce genre. Le groupe Ansar Allah s’est vanté d’en avoir mené trois au préalable avec des C-802 contre des navires de la coalition menée par l’Arabie Saoudite. Le résultat de la quatrième tentative serait plus probant que les trois autres.
Le scénario, celui présenté par la vidéo et par les publications présentant une attaque des Houthis à Assab dans la dernière semaine de septembre, semble reproduire celui du Hezbollah contre la corvette Hanit. L’organisation libanaise avait alors employé les moyens radars de l’aéroport de Beyrouth afin de guider un C-802 (sur deux ou trois tirs).
Le même Hezbollah qui était ravitaillé partiellement, lui aussi, par l’Iran via la Mer d’où la « FINUL maritime ». L’apogée d’actions menées par des acteurs non-étatiques demeure la guérilla maritime des Sea Tigers (1984 – 2006).
La rébellion des Houthis semble profiter d’une absence préalable de la maîtrise des mers par l’Arabie Saoudite (depuis 2009) et la coalition réunie en 2015 (Tempête décisive). Les pays de la coalition brillaient par la timidité de leur participation aux opérations de lutte contre la piraterie ou « anti-terroriste » depuis 2011.
Faute d’avoir mené un blocus aux détroits de Bab El-Mandeb et d’Hormuz, le soutien suspecté de l’Iran, et peut-être d’autres acteurs infra-nationaux et transnationaux, au profit de la rébellion n’a pas diminué. Au contraire, si celle-ci échoue devant Aden, elle se targue de contrôler deux ports (Hodeida et Chakra). Rien confirme ou n’infirme l’utilisation de ports érythréens. Aussi, l’arraisonnement de navires iraniens accusés de transporter des armes peut être considéré autant comme un progrès que comme la révélation d’un échec plus vaste. Le bombardement des moyens navals houthis le 2 octobre 2016 en réaction à l’attaque de la veille sonne comme un réveil très tardif.
La rébellion monte d’un cran, après avoir développé son accès à la mer avec une poussière navale non-significative, elle tente désormais de dénier l’accès à la mer à ses adversaires non-limitrophes pour se renforcer ou se maintenir au Yemen. L’action terrestre émiratie est souvent présentée comme bien plus efficace que celle des Saoudiens où les Leclerc, notamment, encaissent et rendent coup sur coup.
A ce titre, il sera à surveiller si de nouveaux tirs de missiles balistiques sont tentés, non plus à destination de villes, mais bien d’infrastructures militaires sur les deux rives de la Mer rouge.
Dans le même registre, la destruction affichée du HSV-2 Swift est celle, certes, d’un catamaran rapide de transport à coque d’aluminium. Mais dans les débats allant de la technoguérilla jusqu’à la guerre hybride (« la guerre est un caméléon » dixit Clausewitz), il n’est plus envisageable de procéder à une logistique navale intra-théâtre ou inter-théâtres sans des capacités anti-aérienne à très courte portée et courte portée rien que pour l’auto-défense depuis le navire de transport ou par son escorteur. Et, précisons : avec un système fonctionnant 24 heures sur 24, sept jours sur sept sans problèmes d’interférence et d’alimentation électrique (1982, 2006). Les BPC égyptiens sont prévenus.
Les demandes de l’Amiral Rogel devant la représentation nationale française en octobre 2015 sont consacrées : des capacités anti-aériennes sont indispensables (SATCP et TCP ou SADRAL et Crotale/VL-Mica ou Aster 15) sans oublier des moyens de guerre électronique. Demandes qui n’intéressent plus seulement la Marine nationale. Il est également temps, autant pour la France que l’Arabie Saoudite, de reconsidérer les opérations Saphir (1972 – 1977), Prométhée (1987 – 1988), Artimon (1990 – 1994) ou Atalante (2008 – …). La présence navale française dans l’Océan Indien prouve une nouvelle fois sa pertinence tout comme l’intérêt de disposer d’une base dans le détroit de Bab El-Mandeb… mais également à proximité du détroit d’Hormuz (IMFEAU).
Sur le plan stratégique, nous serions dans une approche corbettienne (usage de la mer pour le transport d’un corps (aéro)terrestre sur les points faibles du dispositif ennemi et maîtrise des flux maritimes) avec une intégration de la dimension navale à la stratégie de la rébellion houthie. La direction saoudienne ne l’intègre pas suffisamment. Le missile anti-navire, depuis la destruction de l’Eilat (21 octobre 1967), confirme une fois encore son rôle de « diffusion de la puissance maritime » ou The Diffusion of Maritime Power (titre d’un des articles publiés dans le recueil Diplomacy at Sea de James Cable, citée dans Hervé Coutau-Bégarie, Le problème du porte-avions, Paris, Économica, 1990, p. 69) et, partant, il est possible d’ajouter de « pouvoir égalisateur ».

Enfin, ces derniers développements tendent à montrer une dynamique favorable aux Houthis et une prétention limitée à utiliser le détroit de Bab El-Mandeb qui ne pourrait que se renforcer en cas de victoire dans la guerre civile. L’Iran aurait alors une influence directe (Hormuz) et indirecte (Bab El-Mandeb) sur deux des plus grands détroits internationaux commandant au passage entre la Méditerranée et l’océan Indien, le coeur du système maritime mondial.

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Le marquis de Seignelay

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