Ce 25 janvier se déroulait à l’initiative de la DGRIS la première conférence réunissant, sous la présidence du ministre de la Défense Jean-Yves Le Drian, l’ensemble de la communauté nationale de recherche stratégique de défense. Objectif: la structuration de la filière française de recherche stratégique.
La France va-t-elle enfin pouvoir disposer de sa propre filière de « War Studies » ? Cette question, de nombreux chercheurs qui travaillent sur les questions de défense au sein de l’administration, des think tanks, ou du monde universitaire se la posent depuis des années. Et des voix de plus en plus fortes se font entendre !
Non pas que la ressource n’existe pas, au contraire (!), c’est plutôt qu’elle souffre d’un manque de soutien et de structuration. Et donc de visibilité ! En France… et surtout à l’international (même si on a parfois de belles surprises comme aujourd’hui ! voir le Tweet ci-dessous). Il est vrai que les anglo-saxons ont sur ce point une avance considérable… une avance qui se traduit en terme de soft power.
Face à un environnement stratégique complexe, la nécessité d’exploiter une recherche stratégique de haut niveau apparaît indispensable aux travaux d’analyse du ministère de la Défense. Le chapitre « Connaissance et anticipation » était d’ailleurs une des clés du Livre Blanc de 2013.
Organisée par la DGRIS (Direction générale des relations internationales et de la stratégie), la conférence du 25 janvier réunissait l’ensemble des acteurs de la communauté nationale de recherche stratégique, qu’elle soit publique ou privée. Il s’agissait plus particulièrement d’identifier les attentes réciproques entre chercheurs et décideurs et de valoriser le caractère opérationnel de cette recherche. Un des moments forts en était les deux tables rondes animées par le journaliste de défense Jean-Dominique Merchet, puis le Directeur de l’IRSEM (Institut de recherche stratégique de l’Ecole Militaire), Jean-Baptiste Jeangène Vilmer.
L’autre moment fort, ce fut la signature d’une convention tripartite entre le Ministère de la Défense, les Universités de France, et le CNRS dans le cadre du Pacte Enseignement Supérieur. Il en résulte désormais de l’avis général, comme le déclarait Philippe Errera, Directeur de la DGRIS, en introduction: « Les universités ont un rôle clé à jouer, un rôle bien plus important que celui qu’elles jouent aujourd’hui.(…)Ce partenariat nous apparaît aujourd’hui comme une évidence. Les laboratoires de recherche français regroupent une expertise de qualité directement utile à une meilleure compréhension de notre environnement stratégique. Cette expertise doit cependant être confortée et maintenue dans la durée. C’est pourquoi le Plan Enseignement Supérieur accorde une place de choix au soutien à notre ressource la plus précieuse : les femmes et les hommes qui conduisent et qui conduiront la recherche stratégique. »
Les 4 axes principaux du Pacte Enseignement Supérieur (extrait de la plaquette de présentation disponible ICI):
AXE 1 – Contribuer à la constitution d’une lière « Études Stratégiques » en France : institutionnaliser nos liens avec le monde de la recherche universitaire sur les études stratégiques, et plus spécifiquement participer à la mise en place d’une filière « Études Stratégiques », inspirée des War Studies anglo-saxonnes, afin d’attirer les meilleurs talents vers ce domaine de recherche.
AXE 2 – Aider prioritairement les jeunes chercheurs et favoriser leur employabilité : accompagner les jeunes générations au départ de leur carrière universitaire (doctorat, postdoctorat, premier poste de chercheur à responsabilité académique) afin de contribuer à accroître de façon pérenne ce vivier.
AXE 3 – Développer une logique d’excellence : créer un label d’excellence attractif au profit des universités (reconnaissance de leur excellence dans ce domaine), des étudiants (insertion professionnelle accrue), des entreprises (identification d’un vivier qualifié) et du ministère de la Défense (liens privilégiés avec une expertise scientifique pointue dans ses domaines d’intérêt stratégique).
AXE 4 – Rayonner : contribuer au rayonnement de la pensée stratégique française sur la scène européenne et internationale.
En chiffres, le plan prévoit 2,5 millions d’euros de budget annuel; 40 chercheurs financés par an; 3 centres labellisés « Centre d’excellence »; 1 Groupement d’Intérêt Scientifique « défense et stratégie »; 1 club de partenaires privés; 1 convention tripartite MINDEF/DGRIS – CNRS – CPU (signée ce 25 janvier sous les yeux du Ministre de la Défense).
Le pacte devrait bien sûr intéresser de nombreux acteurs – à Bordeaux par exemple où la filière connaît un développement sans précédent sur plusieurs fronts – et tout l’enjeu sera désormais de générer, renouveler, les forces vives de la réflexion stratégique nationale.A noter que le ministre, Jean-Yves Le Drian, a semblé lors de son riche discours de clôture, particulièrement sensible à cette question: « La surprise est inévitable […] mais on peut s’y préparer ; et c’est en l’anticipant le plus possible qu’on peut y répondre, qu’on en limite le risque d’occurrence et, si elle survient malgré tout, qu’on en en limite les effets et la portée. […] Ce constat suffit à expliquer l’importance cruciale de la recherche stratégique. En période de bouleversement, rien n’est plus important que de se préparer aux surprises. »