En Marche va pouvoir adopter le pas cadencé ! Emmanuel Macron, 39 ans, devient avec 66% des suffrages le 8ème Président de la Vème République. Et donc le nouveau « Chef des armées » françaises, comme le décrit l’Article 15 de la Constitution de 1958. Tableau des travaux qui attendent le nouveau Président de la République.
Photo ci-dessus: visite d’Emmanuel Macron, alors Ministre de l’Economie, chez Thales Avionics à Bordeaux le 9 mai 2016 – © AFP NICOLAS TUCAT
Nous avions sur le blog fait l’état des programmes des candidats à la veille du premier tour des élections présidentielles, essayons ici de ne pas trop nous répéter. Vous pouvez retrouvez ces articles ici:
8 mai 2017 – AFP
Un déplacement auprès des troupes pour lancer le quinquennat: le jour de la passation de pouvoir, Emmanuel Macron recevra de François Hollande les codes nucléaires au sein du PC Jupiter, situé sous le palais de l’Elysée. C’est l’un des symboles forts de la prise de fonction de chef des armées. Cependant, tout cela se déroule à huis-clos ! En ce qui concerne la sphère publique, le nouveau Président l’a déjà annoncé avant le premier tour de l’élection, son premier déplacement à l’étranger se fera auprès des troupes françaises en opérations extérieures. Alors Irak, Jordanie, Mali… Niger, Tchad ? Un déplacement sur Barkhane au Sahel ferait sûrement honneur à la politique africaine de la France, là où une visite (plus tendue tout de même) au Levant mettrait l’accent sur la priorité Daesh. La destination donnera donc un signal. [MAJ 09/05: ce sera bien au Sahel]
Avec quelle équipe ? La grande question à cette heure, c’est bien entendu « retrouvera t-on Jean-Yves Le Drian dans le gouvernement Macron ? » Le Ministre de la Défense qui aura tenu tout le quinquennat de François Hollande (grosse popularité nationale, très grosse côte chez les industriels), soutien officiel, fut fortement soupçonné durant la campagne de fournir des notes au candidat Macron. Il est pressenti à Matignon. Qui ensuite au Ministère de la Défense, à l’Intérieur ? En plus du Chef d’Etat-Major particulier du Président (Amiral Rogel), il faudra également un nouveau Chef d’Etat-Major des Armées, ainsi qu’un nouveau Directeur à la DGSE. De tout cela découlera le ton adopté par l’Elysée sur les affaires militaires. Attention également, le Quai d’Orsay pourrait bien lancer une opération reconquête !
Faites place au… Livre Blanc de la Défense et de la Sécurité Nationale 2018 ! Après 2008 et 2013, un nouveau Livre Blanc ?! Cette annonce n’est pas franchement accueillie avec enthousiasme dans le milieu de la défense. La raison la plus souvent invoquée est qu’il s’agit d’une perte de temps et de moyens. Cependant, selon le nouveau Président de la République et ses équipes, en premier lieu son conseiller défense Jean-Jacques Bridey, le format opérationnel actuel des armées, issu du Livre Blanc de 2013, a montré toutes ses limites. Ce document est ainsi annoncé pour la fin de cette année 2017. Oui, c’est rapide. C’est pourquoi il ne prendra probablement pas la forme habituelle (pavé !) et pourrait plutôt ressembler à une revue stratégique, une mise à jour où le facteur clé sera l’analyse prospective. Car on le sait maintenant, la décennie 2020 sera marquée par des ruptures que l’on voit déjà poindre…
Ce document devrait enfin nous révéler si la France se dote à l’avenir d’un, ou de deux nouveaux portes-avions. Suivra dès 2018 une nouvelle Loi de Programmation Militaire.
Continuité dans la remontée en puissance budgétaire: il faut s’attendre à retrouver une certaine continuité, c’est à dire des effectifs qui remontent légèrement, et des budgets drastiquement, puisque Emmanuel Macron veut planifier la mise en place progressive d’un budget de la défense à 2% du PIB, soit 50 milliards d’euros en 2025, pensions comprises. 2022 en fait (environ 42 milliards €) si l’on retire les pensions. Ce budget musclé en accord avec le nouveau/futur contrat opérationnel des armées est censé profiter tant aux forces (MCO, HIL, 5ème tranche Rafale…) qu’à nos capacités industriels (R&D). Ne pas oublier enfin que les deux composantes nucléaires seront modernisées, ce qui représente un coût conséquent.
OPEX: réduire la voilure ? Eviter le surrégime, la casse matérielle et humaine, et le point de non retour. Voilà le grand défi qui attend la nouvelle administration. Même l’augmentation conséquente des budgets ne peut à court terme empêcher ce risque, cette épée de Damoclès qui plane au dessus des forces. Emmanuel Macron a régulièrement regretté durant la campagne que la France ait parfois succombé aux pratiques néoconservatrices avec des interventions évitables, citant la Libye. Il a beaucoup évoqué les stratégies de sortie de crise et ambitionne de revenir vers une politique plus traditionnelle, « gaullo-mittérandienne ». Alors réduire la voilure oui, mais comment ? Pour cela il faudrait une évolution conséquente sur les théâtres, autrement dit une défaite militaire de l’état islamique, et une pacification tangible de la BSS. Si l’on peut compter sur un dénouement à moyen terme au Levant (nous parlons là de la reconquête des territoires irakiens et syriens, pas de la destruction de Daesh), au Sahel toutefois, il faudra pouvoir convaincre nos alliés, européens notamment, d’apporter leur support.
Relancer l’Europe de la Défense: la victoire d’Emmanuel Macron, c’est aussi une victoire pour l’Europe. En effet, si notre rôle dans l’OTAN n’est pas amené à changer drastiquement, c’est bien du côté de l’Europe de la Défense que les regards vont désormais se tourner. Création d’un Etat-Major européen (plus facile sans les britanniques, mais la coopération bilatérale avec ces derniers devrait rester un point fort), mise en oeuvre des groupes tactiques déjà existants, lancement d’un fonds d’investissement européen pour la défense… Pour enfin mettre tout cela en marche, la France, dans un rôle de leader, arrive avec des ambitions très affirmées. L’Union Européenne « à plusieurs vitesses » (à l’ouest surtout) qui semble se présenter à nous pourrait bien faciliter ces avancées. Cette position est d’autant plus jouable que sur la plan diplomatique, entre les USA de Donald Trump et la Russie de Vladimir Poutine, le champ semble libre pour une voie européenne.
 
L’épineuse question du service militaire: le retour du service militaire, c’est un peu le marronnier des sujets défense. La proposition d’Emmanuel Macron nous promet un service obligatoire d’un mois pour tous les jeunes entre 18 et 21 ans. Si ce projet est relativement encouragé sur le plan des valeurs, il l’est beaucoup moins en ce qui concerne les moyens financiers, matériels et surtout humains qu’il faudra mettre en oeuvre. De nombreux paramètres (notamment l’évolution du climat sécuritaire et budgétaire) font penser que le projet devrait connaître moults remous. Le calendrier sera de facto déterminant.
 
Terrorisme, renseignement, Etat d’urgence…. le nouveau locataire de l’Elysée hérite d’une situation sécuritaire dégradée. C’est évidemment le premier et plus grand défi qui l’attend. La menace terroriste au plan mondial perdurera durant les cinq prochaines années, c’est une certitude. Emmanuel Macron entend revoir la coordination du renseignement entre les services, avec notamment une task force anti-terroriste à l’Elysée. La prévention contre la radicalisation, via de petites structures, sera privilégiée (voir l’exemple bordelais du CAPRI ?). Il rappelle enfin que le régime de l’Etat d’Urgence sera maintenu, ou non, selon l’appréciation des services de sécurité.
 
Bien entendu, tout cela, c’est encore de la théorie. On ne sait que trop bien que dans ces domaines, les événements dictent très souvent la politique. Dans un monde parfait, ce serait l’inverse ! Au nouveau chef des armées de prendre la mesure de la fonction ultimement stratégique à laquelle il accède.
Thomas Schumacher, Pax Aquitania
]]>

By admin

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *