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De la Catalogne à l'Alsace, gestion de crises territoriales - EchoЯadar

En cette semaine de fin septembre, deux évènements ont été relayés par les médias : l’un de portée internationale, l’autre de portée régionale mais tous deux puisant dans le même phénomène.

 

Le premier a trait à l’organisation du référendum en Catalogne le 1er octobre 2017, et le second est lié à la démission fracassante du président de la  région du Grand Est le 28 septembre 2017.

Si la situation en Catalogne fut âprement commentée, c’est en raison de la tension croissante qu’a suscité la décision par les responsables catalans de tenir cette consultation déclarée illégale par Madrid. D’où une multitude de pressions par l’exécutif, relayé par le pouvoir judiciaire et les actions policières, afin de perturber voire annuler la tenue de ce référendum.

L’erreur des autorités madrilènes fut en réalité multiple et a diffusé un poison qu’il sera long de dissiper dans le temps :

  • La modification partielle du statut de 2006 par le tribunal constitutionnel de 2010, considéré comme le fait déclencheur et animée par d’âpres batailles internes
  • L’envoi de forces de police chargées le cas échéant de venir récupérer les urnes, diffusant une image désastreuse de la réaction du pouvoir central
  • L’insistance de Madrid sur cette question, provoquant une saturation médiatique
  • L’arrestation de plusieurs personnalités du mouvement, faisant automatiquement d’eux des martyrs politiques

L’on objectera que le gouvernement madrilène est élu démocratiquement et de fait est légalement compétent pour intervenir, fut-ce par la force. La généralité de Catalogne (la région) est toute autant légale, seule la subordination à l’État central opérant la différence mais elle dispose de ses propres forces de police (Mossos d’Esquadra), un pouvoir régalien. Toutefois comme les processus démocratiques sont désormais évidés de leur substance par des taux d’abstention croissants, accentuées localement ou nationalement par des mécanismes qui empêche toute réelle représentativité, cet appel à la légalité ne saurait avoir cours à peine d’égalité des prétentions sur cette base : nous sommes en pleine situation d’aporie.

En Europe coexistent des partis indépendantistes dont l’indépendance est le but recherché, sans possibilité de transiger sur cet élément fondamental, tandis que d’autres formations politiques le visent comme un objectif ultime mais non primordial, plus tentées par l’exposition des idées et l’obtention de garanties. Ainsi malgré de longues années de vicissitude en Belgique, les cadres du principal parti flamand, le Nieuw-Vlaamse Alliantie, savent qu’ils ont plus intérêt à grignoter concession sur concession plutôt que déclarer unilatéralement leur indépendance en mettant en danger la stabilité économique de leur région. Même si un revirement de tendance, vers la radicalité, ne peut être exclu en fonction de dynamiques internes et externes.

Ce projet relève aussi d’un équilibre plus prosaïquement politique puisque un tel parti dont les aspirations sont lointaines et modérées sait qu’une fois l’indépendance obtenue sa viabilité et existence seront vouées à décliner pour, à plus ou moins long terme, disparaître. L’exemple britannique du UKIP est symptomatique : ce parti favorable à l’indépendance du pays (au regards des obligations du pays vis à vis de l’Union Européenne) se condamna à l’effacement dès lors que le référendum de 2016 accomplit ses voeux : les législatives de juin 2017 furent à cet égard catastrophiques pour le mouvement. S’il se fait fort désormais de se recentrer sur d’autres thématiques (libertés publiques, économie, santé, énergie etc.), l’achèvement de son but premier lui enlève désormais toute résonnance médiatico-politique au profit des formations dites classiques.

Rappelons que David Cameron avait à l’origine initié le référendum pour contraindre ses partenaires européens et la commission à prendre davantage en considération la spécificité de son pays, pariant sur une victoire du non (celui du Bremain) pour mieux asseoir ses revendications. Effet gigogne du résultat du Brexit, des velléités d’indépendance de la capitale Londres ont commencé à être évoquées au plus haut sommet, avec des répercussions en d’autres agglomérations d’importance de par le monde, comme Paris, traduisant un hiatus grandissant entre centres urbains et périphéries.En revanche pour les partis indépendantistes à la tendance plus dure, tels les Écossais (Parti National Écossais) ou les Catalans, l’objectif politique demeure en dépit des concessions économiques et politiques offertes par le pouvoir central. Mais même au sein d’un parti déterminé, la modération peut s’affirmer : il ne fallut pas grand chose pour que l’Irlande reste dans le Commonwealth après 1921, la guerre civile menée et remportée par la minorité hostile au traité invalida cet état d’autonomie élargie au sein du Royaume-Uni.

Il est indéniable que la tentation centrifuge s’exerce de plus en plus fortement sur les pays à tendance centralisatrice (Espagne, France, Angleterre, Italie). La dissolution des vieux États-nations par le haut (primauté du droit de l’Union Européenne) et par le bas (réaffirmation des régions) est en gestation depuis plusieurs années, et il faut bien reconnaître que l’Allemagne est un des rares pays à ne rien craindre de ce point de vue en raison de sa structure fédérale et de sa bonne santé économique globale.

Un point spécifique agit aussi comme accélérateur de l’Histoire : l’horloge migratoire et démographique.  En Catalogne, comme au Québec, l’afflux d’individus nés hors du territoire et uniquement mus par des considérations économiques (comprendre peu au fait ou méprisant les réflexions sur l’identité) amènent les locaux à avancer à marche forcée sur leur desideratum d’indépendance par crainte d’être paralysés par une masse qui sera politiquement neutre voire hostile à leur projet.

Enfin, lorsqu’au sortir du chaos du référendum tenu le 1er octobre, le président de région Carles Puigdemont propose la tenue d’une médiation internationale, ce dernier franchi derechef la ligne rouge puisque ce serait reconnaître de jure l’existence de deux entités étatiques souveraines.

Quel est malgré tout le rapport avec la choucroute? L’Alsace en d’autres termes.

C’est la démission fracassante de Philippe Richert, ancien président de région d’Alsace puis fraîchement élu à la tête de la région Grand Est le 30 septembre 2017.

Officiellement en raison de la coupe de 450 millions d’euros par l’État aux régions, lesquelles ont manifesté médiatiquement leur profond désaccord lors de la conférence des territoires le 28 septembre 2017 à Orléans peu après le discours du Premier Ministre. Officieusement, ce serait la fronde répétée des élus locaux d’Alsace refusant de se laisser dissoudre dans un vaste ensemble sans logique territoriale et administrative.

Car le regroupement des régions par le projet de loi portant sur la Nouvelle Organisation Territoriale de la République (NOTRe) se fit de façon verticale, sans consultation des représentations et encore moins des administrés. Le processus décisionnel se fonda explicitement en niant les différences qui aboutirent à la création et aux mutations des régions. Comme si l’Alsace, la Lorraine et la Champagne-Ardennes étaient des territoires interchangeables.  Rappelons ce faisant que contrairement à une croyance, la Lorraine fut intégrée bien plus tardivement à la France (alors régime monarchique) que l’Alsace : en 1766 pour la première contre 1648 (voire 1697 avec le traité de Ryswick) pour la seconde.

Lorsque l’ancien président de la grande région décida de jeter l’éponge, il a consacré la résilience des forces locales sur les tentatives de recentralisation par un pouvoir centripète. Cela invite à réfléchir sur les raisons de l’existence de ce phénomène de raidissement des pouvoirs centraux comme de leurs subdivisions territoriales. En outre, le recours à la forme suprême de justice administrative qu’est l’emploi de la soldatesque à des fins de rétablissement de l’ordre n’est plus accepté par la population, de même que le fait du prince.

Le plus vieil État-nation d’Europe se doit d’observer avec la plus grande attention l’évolution géopolitique de ses voisins, et se demander jusqu’où l’incurie d’un gouvernement peut entraîner la dislocation de tout un pays sur une période pouvant s’étaler sur plusieurs décennies? Ce qui adviendra de la Nouvelle-Calédonie en l’an 2018 servira de première réponse.

Pourquoi cela doit-il retenir l’attention de l’analyste en géopolitique?

Réponse : parce que le mouvement actuel, dans sa globalité, ne prend pas forcément de l’ampleur, en revanche il est globalement continu et ne souffre guère de reflux. Il profite notamment de l’essor du populisme avec lequel il peut se combiner pour amener les aspirations premières à occuper l’espace public, voire à l’emporter dans les urnes ou en dehors. De ces affrontements, le vainqueur sera toujours celui qui sortira victorieux de la dialectique des volontés car ces crises sont une épreuve sur le long terme et doivent amener à reconsidérer certaines relations, définitions et actions.

En complément, une lecture enrichissante sur le sort de l’enclave espagnole de Llivia en France : Mémoires de la Catalogne

https://legrandcontinent.eu/2017/09/30/memoires-de-la-catalogne/
 

MAJ : Depuis la parution initiale de ce billet, deux éléments complémentaires doivent être apportés.

Le premier est la réaction de Madrid à la déclaration d’indépendance proclamée puis aussitôt suspendue par le président Carles Puigdemont le 10 octobre : loin de jouer l’appaisement et la négociation, l’application de l’article 155 de la Constitution est brandie par Mariano Rajoy pour suspendre de leur fonction toutes les autorités de Catalogne, d’où reprise en main judicaire, policière et politique de la situation par le pouvoir madrilène. Fort de ses 90% d’adhésion (et en dépit d’un taux de participation de 42%), Puigdemont a habilement placé le pouvoir espagnol dans un réel dilemme : soit accorder à la région une autonomie encore plus élargie, c’est à dire quasi-synonyme d’indépendance, soit répondre par un coup de force qui fera basculer les hésitants en Catalogne du côté des séparatistes.
Le 22 octobre, deux référendums se sont déroulés en Italie du Nord, zone travaillée par le séparatisme latent. La question portait sur une autonomie élargie vis à vis du pouvoir central : le oui l’a emporté à 98% en Vénétie et 95% en Lombardie. Le souhait de ces deux régions italiennes est d’obtenir un droit à l’autonomie. S’il n’est aucunement question pour l’heure d’indépendance, l’objectif pour ces territoires est de disposer de ses propres ressources et de les gérer au mieux dans l’intérêt de leurs administrés sur les plans de la fiscalité, de la santé et des infrastructures. Portés par ces résultats très nets, les présidents de région respectifs ont formulé l’ouverture d’une négociation avec Rome pour déterminer quel sera le périmètre de cette autonomie et son ampleur.

Cette défiance de plus en plus nette vis à vis des États centraux proviendrait-il de leur incapacité à répondre à la polycrise que connait l’Europe depuis près d’une décennie? Le président de la Commission de l’Union Européenne Jean-Claude Juncker avait fait part en janvier 2016 de son profond scepticisme sur leur capacité à gérer les défis contemporains, dédouanant certes un peu rapidement sa propre institution de ses responsabilités.

Crédit Photo Yosh Ginsu sur Unsplash
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