C’est avec une très grande tristesse que nous apprenons la confirmation du naufrage de l’ARA (Armada de la República Argentina) San Juan (TR1700), l’un des trois sous-marins de la marine argentine. Ils étaient 44 sous-mariniers (cf. infra) – dont la première sous-marinière sud-américaine (Teniente de navío Eliana María Krawczyk) -, en mission de routine comme beaucoup d’autres sous-marins de par le monde.
Eu égard à l’ensemble des déclarations données, une hypothèse voudrait que le sous-marin ait été perdu corps et biens le 15 novembre. Sa position reste à déterminer et, en fonction de celle-ci, la visite de l’épave sera très probablement à la portée d’un très faible nombre de nations.
L’ARA San Juan communique pour la dernière fois mercredi 15 novembre à 7 h 30 (heure locale – 11 h 30 à Paris). Le signal est mauvais et sa localisation s’annonce très compliquée, augmentant d’autant la zone de recherche qui sera, paraît-il, de 500 000 km² soit pratiquement la superficie de la France métropolitaine. La procédure voudrait qu’en cas de perte des moyens de communication le bateau fasse surface, en temps de paix. Par ailleurs, l’ARA San Juan avait signalé lors de cette dernière communication une avarie de batterie. L’un des pires dangers pour un sous-marin. Il naviguait à proximité d’Ushuaïa alors qu’il prenait la route de son son port d’attache de Mar del Plata. La commandant espérait y parvenir le 19 ou le 20 novembre. L’ARA annonce dès le 15 novembre que la communication avec le bateau est perdue. Le 18, sept appels satellitaires vers des bases navales argentines sont interprétés comme une tentative de communication du sous-marin qui pourrait, alors, avoir fait surface. Par la suite, et alors que ces appels ne sont pas reconnus comment pouvant avoir été émis par l’équipage du San Juan, des bruits sont enregistrés et annoncés le 20. L’espoir est relancé mais aussitôt démenti le jour-même. Les réserves d’oxygènes et les capacités de décontamination de l’air sont annoncés pour avoir un effet utile pendant sept jours.
Alors que beaucoup imagine un sous-marin entre deux eaux ou posé sur le fonds dans une atmosphère devenant petit à petit toxique, le sort funeste du sous-marin se fait connaître. Aux environs du 22 novembre, il est officiellement annoncé qu’un « bruit » avait été enregistré trois heures après la perte de contact du 15 novembre, soit vers 10h30 (heure locale, 14h30 à Paris). Qu’un sous-marin militaire ait 30 ou 5 ans, il est conçu dans l’optique de produire le moins possible de bruits rayonnés depuis les équipements internes jusqu’aux pales de l’hélice. C’est pourquoi le triptyque pour chasser un tel bateau est le couple frégate-hélicoptères appuyé, éventuellement, par un avion de patrouille maritime avec sonars remorqué, trempé et de coque à l’appui. En l’espèce, le bruit enregistré l’a été par une station acoustique de la Comprehensive Nuclear-Test-Ban Treaty Organization. Quand un réseau de senseurs de veille servant à la détection d’essais nucléaires parvient à entendre un sous-marin c’est, presque toujours, car sa coque a implosé. C’est un sismographe qui avait enregistré le bruit des implosions des coques des Eurydice et Minerve en France. Au 23 novembre 2017, l’ARA viendrait de confirmer que le « bruit » du 15 novembre était en réalité une explosion et que le sous-marin est perdu corps et biens avec l’ensemble de son équipage.
Une des hypothèses voudrait que la marine argentine avait conscience de la perte du sous-marin comme figure très probable des informations dont elle disposait au 15 novembre quand la routine des rapports du San Juan, deux émissions par jour, s’est interrompue. Il s’agit de bien comprendre qu’il n’est pas possible, en particulier sur le plan humain, d’annoncer à toute une marine, tous les équipages, et derrière, à tout un pays, qu’un bateau est perdu, sans qu’il soit localisé et sans n’avoir rien tenté. Il est alors parfaitement logique que toute la marine soit mobilisée dans des efforts de recherche titanesques, faisant appel, selon les possibilités, à l’aide internationale, afin que tout soit mis au service du moindre espoir. L’annonce de la perte du San Juan intervient une journée entière après l’extinction théorique de la moindre réserve d’oxygène. Il n’était pas concevable de ne pas avoir mis en branle tout ce qu’il était possible de faire et laisser planer le doute qu’une mince occasion ait pu être abandonnée.
La localisation de l’épave s’annonce être l’un des enjeux. Deux cas se présentent : ou bien le bateau repose sur le plateau continental, ou bien sur le plancher océanique. Il y aurait près de 6000 mètres de différence entre les hypothèses. Dans la première, une capacité de sauvetage de sous-marins tel le NSRS de l’OTAN est capable de plonger jusqu’à 600 mètres, environ, tandis que dans le deuxième il y a relativement peu de nations au monde capable de plonger jusqu’à 6000 mètres et peut-être même plus, c’est-à-dire les États-Unis, la Russie, la Chine, le Japon et la France.
Qu’a-t-il bien pu se passer ? Le seul élément versé au dossier public est une avarie sur la batterie : il peut tout aussi bien s’agir d’un problème de charge qu’un incendie, dernier cas pouvant conduire, parfois, à une explosion. Il est surprenant que le San Juan n’ait pu faire surface. La consultation de la dernière communication permettra d’apprécier si un incendie était en cours, ou non, et si l’avarie, ou les avaries, peuvent expliquer pourquoi le bateau n’a pu rejoindre la surface alors que les ballasts peuvent être actionnés manuellement. Selon les éléments précités, il ne se déroulerait que trois heures entre une communication de mauvaise qualité et l’explosion enregistrée. Plutôt que l’âge du bateau, il s’agirait alors de questionner l’âge et l’état de la batterie.
L’ARA San Juan rejoint la trop longue liste de sous-marins disparus en temps de paix depuis 1945.