Excellent communicant et chantre de la nouvelle frontière propre à l’esprit américain [1], Elon Musk fit coup triple ce 6 février 2018 avec le lancement de la fusée Falcon Heavy [2] depuis Cap Canaveral (tout un symbole de la conquête spatiale) vers Mars.

 

Une réussite technique, une visibilité médiatique et des retombées économiques assurées : ce seront les fruits de cette démonstration mondiale.

Dans la coiffe de la fusée, pas de satellite mais une… Tesla cabriolet! Avec à son bord Starman, un mannequin en posture de conduite nonchalante. Attitude corroborée par un large No Panic! sur l’écran de bord.

Au-delà du rappel que SpaceX appartient au patron de Tesla, le procédé marketing fut fulgurant : la viralité des images aidée en cela par un sens de l’emballage qui manque à la NASA ou à l’ESA dont les réalisations et progrès sont remarquables mais peu publicisés.

Sur le plan technique, l’épisode de la Tesla ne doit pas occulter un élément majeur : le lancement de ce 6 mai 2018 eut pour principal objectif la démonstration en condition réelle de la faisabilité du projet SpaceX basé notamment sur la maîtrise de récupération des matériaux. Ainsi, deux boosters sur trois purent être récupérés, considéré comme un succès technique indéniable avec une marge de progression vers le 100% à moyen terme par la récupération du booster central et même les étages supérieurs (seul le premier étage est récupéré pour l’heure).

L’utilisation d’une Tesla est aussi la volonté – pour l’heure – de ne pas risquer d’endommager voire déplorer la perte d’un satellite ou d’une capsule habitée. En dépit du côté fantasque de l’opération, c’est la volonté d’une progression inexorable mais calculée qui est en oeuvre.

Les puissances mondiales ambitieuses dans le domaine spatial viennent de recevoir un coup de semonce technique, économique et médiatique : l’espace reste un objectif stratégique dont les États-Unis conservent la main-mise. Il apporte aussi un éclairage plus accentué auprès du grand public que les futures conquêtes seront tant publiques que privées désormais, avec des partenariats entre les deux secteurs.

Dans le secteur spatial ce sera aussi l’occasion pour les puissances émergentes (Chine, Inde), revenantes (Russie) et concurrentes (ESA) de prendre acte que la course aux étoiles est désormais relancée. Si d’aucuns pouvaient prendre Elon Musk pour un fou, force est de constater qu’il mène dorénavant les débats, que son cheminement est clair et que ses équipes d’ingénieurs sont capables de confectionner et de mettre au point les éléments stratégiques pour respecter le plan de route fixé.

Des échecs ont été rencontrés lors du projet, et d’autres parsèmeront le chemin à parcourir vers la suite du programme mais l’esprit de la nouvelle frontière est présent : l’échec n’est qu’un contre-temps vers le succès et si un acteur chute, il montre la voie de ce qu’il est possible de faire et comment éviter de mal le faire. Telle est la leçon qu’Elon Musk vient d’adresser à sa nation pour répondre à une nouvelle phase de la conquête spatiale… avec une bonne leçon d’astro-marketing.   PS : En entrant dans l’espace extra-atmosphérique, la Tesla Roadster est devenue l’automobile la plus rapide de l’Histoire en se déplaçant à quelques 11 km/s soit 39 600 km/h. PS bis : L’entretien de Johann-Dietrich Wörner, le directeur général de l’ESA au magazine français Le Point mérite toute votre attention notamment lorsqu’il évoque que SpaceX est l’arbre qui cache la forêt de la privatisation de la conquête de l’espace (Blue Origin, Virgin Galactic)… avec le renfort des technologies des agences spatiales publiques. Tout comme aux défis à relever par l’Europe en ce milieu stratégique : « Nous avons besoin de solutions disruptives européennes. Nous réfléchissons pour l’avenir à un moteur hybride capable de consommer du carburant ou de l’air et d’alterner entre les deux modes. » http://www.lepoint.fr/high-tech-internet/espace-si-j-avais-envoye-une-voiture-en-orbite-j-aurais-ete-vire-16-02-2018-2195470_47.php

[1] Yannick Harrel, Le concept américain de la nouvelle frontière, Diploweb, mai 2016, lien : https://www.diploweb.com/Le-concept-americain-de-nouvelle.html

[2] Avec ses vingt-sept moteurs Merlin, Falcon Heavy est la fusée la plus puissante du monde à l’heure actuelle (70 mètres et 1 400 tonnes pour 23 000 kN) mais pas de l’Histoire, dépassée en cela par le lanceur Saturn V (110 mètres et 3 000 tonnes pour 34 MN). Site officiel : http://www.spacex.com/falcon-heavy

Toutefois la Big Falcon Rocket – prévue pour mi-2020 – devrait dépasser le gigantisme de Saturn V pour l’envoi de matériel et d’astronautes sur la Lune ou Mars avec 127 mètres, 4 400 tonnes et 128 MN de poussée.

 

Cyberstratégie Est-Ouest

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