« Tension extrême » est un excellent polar français que j’ai pu dévorer d’une traite et dont les différentes péripéties mettent en scène avec un réalisme criant des cyber-menaces. Sans dévoiler l’intrigue, le roman commence par le décès quasi simultané de deux frères entrepreneurs porteurs d’un pacemaker et se poursuit par une enquête trépidante par la police de Nantes sur ces meurtres.

Le principal atout de ce roman, outre son dynamisme d’écriture, est de vulgariser les différentes composantes des risques du numérique, et de souligner les possibles conséquences dramatiques dans la vie quotidienne.

Bien évidemment romancé, ce polar demeure tout à fait crédible grâce à une documentation fouillée de l’auteur autant sur les aspects techniques des risques cyber que sur l’ensemble de l’écosystème cyber en France, notamment en faisant intervenir dans l’action littéraire les personnels de l’Agence nationale de la sécurité des systèmes d’information (ANSSI) et de la Direction générale de la sécurité intérieure (DGSI) pour réparer le réseau de la police judiciaire (PJ).

Par avance, je sais que, pour les experts du domaine, cet article ne fera qu’enfoncer des portes ouvertes mais le fait est que malgré les sensibilisations à répétition, le niveau global de maturité en sécurité des systèmes d’information de la population s’élève peu. Seule l’adaptation des supports classiques de formation peut fonctionner tels le MOOC de l’ANSSI qui rend chacun acteur de sa formation ou un roman policier mêlant suspense et usage malveillant des nouvelles technologies.

En bref, ce roman vaut autant sinon plus que le rapport d’activité annuel de l’ANSSI qui vient prolonger en défendant la cause du cyber devant un public non initié.

Le talent de l’auteur réside dans le fait qu’il ne se cantonne pas à décrire la survenue d’une cyberattaque initiée par un rançongiciel dans les locaux de la police de Nantes mais développe le large spectre des différentes catégories des risques cyber et les synthétise en moins de 400 pages.

En effet, il est question à la fois de cybercriminalité, criminalité tout à fait classique dont la seule spécificité est de se réaliser à l’aide des réseaux informatiques et plus précisément sur le darkweb avec des finalités d’espionnage économique. Mais également d’utilisation d’intelligence artificielle dont les fonctionnalités sont loin d’être fantasmées par l’un des protagonistes. En effet, l’auteur alerte sur les avancées vérifiées de l’autonomie des systèmes dotés d’intelligence artificielle.

Ce sujet, un peu en déshérence depuis la publication du rapport Vilani sur l’intelligence artificielle le 28 mars 2018 et la promesse du président de la République d’y investir 1,5 milliards d’euros sur 5 ans, appelle une prise en considération plus importante.

Le roman met également en exergue les risques du cyberharcèlement, phénomène qui peut concerner principalement les adolescents mais pas seulement. Le ministère de l’éducation nationale a d’ailleurs publié une fiche réflexe pour réagir face à cette nouvelle menace.

La lutte contre ce risque doit indéniablement passer par une éducation des jeunes sur l’indispensable protection numérique de ces données à caractère personnel : prise de conscience sur la gratuité de services numériques et sur l’existence d’un quotidien connecté, gestion des paramètres de confidentialité, etc. Il n’est pas question d’arrêter de vivre avec son temps mais simplement de connaître les risques et d’adopter une vigilance sensée.

Enfin, le roman décrit la gestion d’une crise cyber à la fois par des sachants et des non techniciens en présentant des réflexes d’hygiène informatique faisant écho au motto que le cyber ne doit pas être captif des experts techniques.

En conclusion, ce roman mériterait d’être lu autant pas des collégiens que par de nombreux dirigeants d’entités publiques et privées afin de prendre, enfin, au sérieux l’ensemble des risques liés au numérique. Le roman le démontre, il ne s’agit plus de science fiction !

Cet ouvrage a été récompensé par le prix du Quai des Orfèvres 2018. Ce prix, fondé en 1946, est décerné sur manuscrit anonyme par un jury présidé par le directeur de la police judiciaire et proclamé par le préfet de police et couronne, chaque année, le meilleur roman policier inédit.

« Tension extrême » mériterait légitimement de postuler au Prix du Livre Cyber qui sera décerné lors du Forum International de la Cybersécurité (FIC) à Lille en janvier 2019 et pourrait sans nul doute le remporter.

Bonne lecture à tous !

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