Les romans d’anticipation ou les dystopies ne manquent pas en langue française, avec une qualité somme toute assez variable, même si l’on peut citer ceux de Jean-Christophe Rufin (Globalia [1]), Michel Houellebecq (Soumission) ou encore Pierre Boule (La planète des singes). Je n’oublie pas bien entendu Jules Verne qui fut l’un des précurseurs en la matière.

Les nouvelles sont un genre plus condensé revenant à la mode, lesquelles permettent, si telle est la volonté de l’auteur bien entendu, de fonder une cosmogonie parcellisée. Les dernières nouvelles du futur appartient à ce genre où les histoires s’enchaînent (au nombre de quatorze) et offrent dès lors une succession de thématiques très contemporaines.Il faut rappeler que l’auteur, Patrice Franceschi, a toujours tenu à conserver sa plume et son encrier dans son sac à dos : officier parachutiste, président de la société des explorateurs français car ancien explorateur très actif depuis les années 1970, et enfin prix Goncourt 2015 de la nouvelle avec Première personne du singulier.

Et c’est ainsi fort logiquement que l’on navigue ainsi vigoureusement d’une nouvelle axée sur l’intelligence artificielle à une autre sur les dernières réserves naturelles sur Terre en passant par celle du crime de prise de risque. L’une d’entre elle réadapte aussi le scénario catastrophe du Grand Déluge biblique.

Mention spéciale à celle portant sur la guerre civile à Paris où les quartiers constituant celle-ci sont chacuns tenus par une communauté bien déterminée – sexuelle, religieuse, ethnique, politique – aux alliances fluctuantes mais territorialisées. Où comment le multiculturel, au sens large, vire au multiconflictuel en exacerbant les différences au mépris de l’intérêt général et du respect d’un socle de valeurs communes.

Deux institutions composent le fil rouge de cette suite de nouvelles. La première est l’omniprésente et omnipotente – mais pas omnisciente – Nations Unies Universelles. Une assemblée très diffuse, évoquée toujours très subrepticement en quelques récits, qui instaure un ordre et des normes visant à préserver l’Homme de lui même. Façonnant un homme nouveau, heureux de sa condition, sans aspérité, sans désir, sans idéaux, sans identité et sans avenir.

La seconde est l’omniscient – mais pas omniprésent ou omnipotent – Réseau Sénèque, nommé en hommage au dramaturge et philosophe de la Rome Antique [2]. Celui-ci vise à libérer les hommes nouveaux du carcan des technologies inhibitrices et inquisitrices sous couvert de progrès technologiques n’apportant que la paix. Cette paix étant obtenue en enferrant l’homme dans un moule aussi lisse que possible.

Ce recueil est plaisant, ne manque pas d’éléments prospectifs appuyé par des personnages attachants dont la réaction à l’environnement – technique et humain – contraste avec la fausse prévention des autorités et des technologies garantissant la stabilité de la société au prix d’une surveillance implacable.

S’il fallait résumer l’ouvrage :

Côté positif : un style nerveux, des nouvelles rapides à parcourir, des situations bien campées, des finals surprenants. Côté négatif : une qualité d’écriture pas toujours égale, des passages trop elliptiques, des facilités de contexte, des sujets déjà traités et approfondis par d’autres auteurs.

De bonnes lectures pour les fêtes de fin d’année…

 

[1] Globalia est un roman d’anticipation de 2004 dont la dichotomie entre métropoles et périphérie a été portée à son paroxysme, annonçant les grandes fractures socio-géographiques des années 2010 au sein des démocraties occidentales. [2] Sénèque (-4 av. JC. – 65 ap. JC.) était un auteur romain, précepteur personnel de l’empereur Néron. Il appartient à l’école stoïcienne, avec cette particularité qu’il fut capable de transiger avec les exigences du quotidien, rompant ainsi avec une austérité souvent répulsive du stoïcisme pour le commun.

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