Exceptionnel : le film proposé par Antonin Baudry l’est à plus d’un titre. Il n’est pas exempt de défauts et de choix audacieux dans le scénario et la conduite de l’intrigue. Ce qui n’empêche aucunement beaucoup de reconnaître qu’il est un très bon film et, fait rarissime, une bonne retranscription de la navigation à bord des sous-marins à propulsion navale nucléaire français. Belle récompense pour la Marine nationale qui continue à renouer avec le cinéma et n’a pas ménagé ses efforts pour ce film. Bien des problématiques opérationnelles sont retranscrites sur grand écran.  
  Attention : ne lisez pas ce qui suit si vous n’avez pas encore vu Le chant du loup. Foncez dans la salle obscure la plus proche de chez vous et ne lisez pas la suite… !

Le chant du loup mérite que soit expliqué le contexte dans lequel il a été produit puisqu’il est l’une des manifestations d’une réouverture du ministère des armées au septième art avec quelques prudences. Une présentation du réalisateur Antonin Baudry s’impose tant son parcours singulier et ses œuvres précédentes ne sont pas anodins vis-à-vis de ce projet. Le scénario dont il est l’auteur sacrifie un peu à la réalité mais aucunement aux thèmes abordés par les techno-triller sous-marins. Le jeu de la dissuasion est l’un des acteurs du film. La manière dont les opérations sous-marines sont portées à l’écran pourrait avoir quelques répercussions politiques entre ce que l’arme sous-marine peut faire aujourd’hui qu’elle fera plus difficilement demain et ce qu’elle ne peut pas faire. Quelques incohérences dans la représentation des différents bateaux sont à relever car c’est l’un des défauts communs à nombre de films de sous-marin. Mais quelle distribution des rôles et quel résultat !

Les films français représentant le fait militaire comme, par exemple, et à tout hasard, La 317e section (1965, adaptation à l’écran du roman éponyme publié en 1963 du même auteur) et Le Crabe-tambour (1977, adaptation là-aussi du roman du même nom (1976) du même réalisateur) de Pierre Schoendoerffer représentaient la complexité de la guerre. Depuis les années 1960, la figure du Poilu et, par extension, du militaire bénéficie progressivement puis presque exclusivement d’une représentation de « victime », obligée à combattre car conscrit, forcément poly-traumatisé et n’incarnant pas un héros. Une simplification du phénomène qu’est la guerre. Le chant du loup engage un renouveau de la représentation de la guerre autrement que par la victimisation.

  Après Le Crabe-tambour (1977), c’est le premier film bénéficiant d’un soutien franc et massif de la part de la Marine nationale avec Volontaire (2018) réalisée par Hélène Fillières. La série télévisée Le bureau des légendes confirmait depuis 2015 la nouvelle dynamique liant le septième art et les armées. Le cinquième art n’est pas en reste non plus. C’est l’aboutissement d’une reconstruction et stimulation du lien institutionnel depuis le début des années 2000 quand le Bureau de la Politique d’Accueil des Tournages (BPAT) remplace le Bureau de la Politique AudioVisuelle (BPAV). Jean-Yves Le Drian quand il était ministre de la Défense s’emparait du sujet en réformant une nouvelle fois l’organe par la création de la mission cinéma (2016).
Il y a donc une tentative de réappropriation des enjeux de la représentation des armées, de leur place dans la société, leur rôle singulier : donner et recevoir la mort pour accomplir la mission confiée par le Politique, notamment, dans l’expression la plus violente qu soit de la politique. « Il serait aussi possible de disserter longtemps sur la dénationalisation des références héroïques des Français » comme le propose Bénédicte Chéron (Le soldat méconnu – Les Français et leurs armées : état des lieux, 2018, Paris, Armand Colin, 2018, 192 pages), d’autant plus qu’elle remarque finement que plus les moyens techniques progressent et ouvre le monde des possibles dans la représentation de la guerre, moins les projets en la matière fleurissent.
Ce soutien de la Marine nationale s’exprime par les SNA et SNLE qui ont été beaucoup mis à contribution eu égard aux généreuses prises de vue extérieures à Toulon et surtout à Brest. Les sous-marins des deux types sont mêmes modélisés numériquement pour les scènes sous-marines avec une certaine fidélité. Certains s’amuseront certainement à comparer le cheminement de l’ALR (Antenne Linéaire Remorquée) le long de la coque du Titane vis-à-vis de ce qu’il est possible de trouver en sources ouvertes. L’installation est savamment cachée sur le Suffren.
Autre manifestation du soutien du ministère à la production du film, les dialogues et la mise en scène des Postes de Conduite Navigation Opération (PCNO) démontrent que l’ « équipage d’acteurs » a été formé au vocabulaire, à la gestuelle et aux situations courantes à bord dans la conduite des bateaux. Les décors intérieurs bénéficient à l’évidence, eu égard aux reportages tournés à bord, d’une grande liberté pour recopier l’existant. A tel point que le spectateur peut se demander si certaines scènes ne sont pas tournées à bord. Mêmes les installations à terre sont des décors à part entière dont la base sous-marine Roland Morillot et l’ancien U-bunker allemand (sans les deux « classiques » amarrés chacun dans une alvéole).
L’environnement familial est même brièvement évoqué à travers les choix faits par le capitaine de vaisseau Grandchamp et la relation développée par le premier maître Chanteraide avec Diane. Amourette qui participe au fil d’Ariane du film – l’ouïe et le son – tout en soulignant qu’un marin, a fortiori un sous-marinier, est toujours attendu à terre.
Quelques limites existent quant à la restitution de l’ambiance à bord d’un sous-marin à propulsion navale nucléaire. Ce n’est Le jour ne se lève pas pour nous de Robert Merle (1986) en raison d’un scénario nerveux alors que toutes les opérations militaires comportent des phases d’attente, parfois très longue. La navigation à bord se résume au PCNO bien que des éléments fassent références aux autres tranches de vie et du bateau. Le Poste de Conduite Propulsion (PCP) bien que cité n’est pas représenté alors que l’une des spécificités des SNA et SNLE est bien l’emploi de l’atome pour la propulsion du bateau. Aussi, il est remarquable que les auteurs n’aient pas représenté une femme embarquée à bord de l’Effroyable alors que c’est le cas sur les SNLE français depuis 2018.
Toutefois, le soutien de la marine française au film d’Antonin Baudry est très prudent. « Marine nationale » est pratiquement effacée des Tenues de Protection de Base (TPB) portées par les acteurs jouant les sous-mariniers. Les bateaux sont rebaptisés : le Sous-marin Nucléaire d’Attaque (SNA) de la classe Rubis est ainsi appelé Le Titane : étonnant eu égard aux traditions en la matière d’avoir donné le nom d’un métal ; le Sous-marin Nucléaire Lanceur d’Engins (SNLE) de classe Le Triomphant est rebaptisé L’Effroyable, un nom qu’aurait pu porter un vaisseau de ligne français et très à propos avec la composante océanique de la dissuasion cette fois-ic.
Il y a donc une prudente mise à distance entre le soutien apporté et la fiction, ce qui pourrait s’expliquer comme la volonté de ne pas créer des irritants avec d’autres pays : l’Iran et la Russie. Volonté excessive ? Finalement, qu’est-ce qui interpellera le plus l’acteur étranger : le SNA au large de la Syrie récupérant des hommes des forces spéciales ou bien le patch « Barrents » sur la TPB du capitaine de frégate d’Orsi ?
Le réalisateur Antonin Baudry est un diplomate avant d’être un réalisateur alors qu’il est ingénieur des Ponts et Chaussées de formation. Son expérience de conseiller et de diplomate des années 2004 – 2006, il l’a relaté dans la bande-dessinée Quai d’Orsay (2010 (tome 1) – 2013 (tome 2) porté à l’écran par Bernard Tavernier (2013) tandis qu’il co-écrit le scénario avec le réalisateur et Christophe Blain.
C’est fort de ce capital humain que le réalisateur nous propose son histoire en trois actes autour du destin d’un analyste acoustique – ou « oreille d’or » – à la poursuite d’un sous-marin fantôme croisé en Syrie alors que le Titane récupérait des commandos que la Marine nationale peine à identifier lors d’un retour d’expérience. La dégradation du contexte international entre l’Union européenne dont la Finlande voit les forces de la Fédération de Russie envahir le sud du pays et la Russie alors que les États-Unis se sont décidés de se tenir éloignés de leurs obligations découlant de l’article 5 du traité de l’Atlantique Nord conduit la France à hausser le ton et donc envoyerf explicitement un deuxième SNLE en patrouille dans l’océan Atlantique. Un missile balistique intercontinental est tiré depuis un sous-marin naviguant en mer de Béring. L’Effroyable qui s’est dilué reçoit alors l’ordre de procéder à l’ultime avertissement, en représailles. Mais le missile R-30 présenté comme russe ne porte pas de charges nucléaires et avait été en réalité lancé depuis un ancien sous-marin soviétique prétendu désarmé et démantelé qui a en réalité été acheté par un groupe djihadiste par l’entremise d’une chaîne de société écran. Dès lors, une mission désespérée est ordonnée par l’Elysée : arrêter l’Effroyable par tout moyen pour qu’il ne lance pas un missile nucléaire sur la Russie afin de ne pas déclencher la guerre nucléaire voulue par les djihadistes.
L’enjeu central du film est donc la mise en œuvre de la dissuasion nucléaire à travers une opération de déception très audacieuse.
Trop ? L’idée de capturer un sous-marin tel que un SNA ou un SNLE n’est pas nouvelle puisque des auteurs de techno-triller sous-marin ont pu relater des aventures où un groupe de Navy SEALS enlève un SNA au port ou bien un SNLE français est capturé par un commando de terroristes algériens. Émettre l’idée qu’un groupe armé non-étatique puisse se procurer un ancien SNLE – l’une des machines les plus surveillées au monde quelque soit son état par les principales puissances -, le reconstruire, l’entretenir et le faire naviguer avec des caractéristiques opérationnelles capables de mener la dragée haute vis-à-vis d’un SNA français rencontre tellement de défis que l’hypothèse paraît, au mieux, totalement improbable : surtout avec la récupération d’un SLBM R-30 Boulava. Le parti pris d’USS Alabama (Crimson Tide, 1995) de Tony Scott du bref contrôle d’une partie des forces stratégiques russes dans un pays en pleine guerre civile dans les années 1990 paraissait plus crédible et dans les limites du raisonnable.
Antonin Baudry a peut être trop sacrifié aux problématiques actuelles avec cet élément du scénario. Mais ce dernier a le grand mérite d’oser s’aventurer sur les opérations menées en Syrie par les puissances extérieures, la France surveillant dans le film ce que la Russie fait en Syrie, comme représentation des tensions politico-militaires entre Paris et Moscou. L’hypothétique invasion d’une partie du territoire finlandais aurait très bien pu être l’occupation du passage de Suwalki entre Kaliningrad et la Russie. Loin des problématiques d’une « guerre hybride », l’invasion de la Finlande est franche et menée par divisions entières, ce qui pourrait amener Paris à considérer que le seuil nucléaire est franchi. Le président de la République, M. François Hollande, ne déclarait-il pas à Istres le 19 février 2015 « qui pourrait donc croire qu’une agression, qui mettrait en cause la survie de l’Europe, n’aurait aucune conséquence ? »
La doctrine française de la dissuasion nucléaire est plutôt respectée. Le mécanisme de la dissuasion nucléaire se vérifie dans le film puisque c’est une démarche rationnelle sur le plan stratégique – amener deux puissances nucléaires intervenant dans certaines crises aux Proche et Moyen-Orient – qui amène à provoquer un incident nucléaire. Il y a même matière à se demander si ce n’est qu’une coïncidence que le Titane soit pourchassée par une frégate iranienne alors que surgit des profondeurs sous-marines et de l’histoire le Tremous III : ne serait-ce pas là une illustration dans la fiction de l’hypothèse soulevée par le président de la République Jacques Chirac en 2006 quand il déclarait à l’Ile Longue, justement, « notre monde est également marqué par l’apparition d’affirmations de puissance qui reposent sur la possession d’armes nucléaires, biologiques ou chimiques. D’où la tentation de certains Etats de se doter de la puissance nucléaire […] les dirigeants d’Etats qui auraient recours à des moyens terroristes contre nous, tout comme ceux qui envisageraient d’utiliser, d’une manière ou d’une autre, des armes de destruction massive, doivent comprendre qu’ils s’exposent à une réponse ferme et adaptée de notre part. Et cette réponse peut être conventionnelle. Elle peut aussi être d’une autre nature. » Encore et toujours la question du seuil nucléaire dans un scénario qui n’est pas si improbable vis-à-vis des questionnements qu’il emploie et soulève.
La dissuasion nucléaire est-elle mise en échec dans le film ? Oui et non. Oui, de manière certaine puisque dans la première hypothèse de la fiction la France est menacée d’une frappe nucléaire dans un cas extrême de « sanctuarisation agressive » (Jean-Louis Gergorin, RDN). Et non puisqu’il s’agissait d’une opération de déception mené par un groupe djihadiste non-identifié pour simuler une frappe nucléaire russe. L’hypothèse d’une telle réussite d’une opération de déception si complexe quand bien même elle recevrait l’aide d’un Etat, paraît très mince. Et le film, construit autour de l’ouïe et du son occulte la large palette des moyens de renseignement des Etats dotés de l’arme nucléaire. Le scénario s’appuie sur l’incident en Syrie autour du Titane afin d’expliquer une dégradation terrible des relations et donc communications entre Paris et Moscou, ce qui paraît peu réaliste.
L’ « invulnérabilité » du SNLE en tant que plateforme la plus crédible qui n’ait jamais été pour la capacité de frappe en second est bousculée. Une fois encore, le parti pris du film peut apparaître comme audacieux de mettre en scène un SNA s’attaquer à un SNLE car réputé invulnérable. Mais la contextualisation du combat entre les deux bateaux montrent bien que le SNA peut retrouver le SNLE – ce qui a toujours été démontré depuis le conflit Est-Ouest bien que n’étant pas un « sport de masse » – car il « sait » où il se trouvera dans un contexte extraordinaire. Le SNA vient seulement de s’éloigner du SNLE et fait le pari que ce dernier s’approchera de deux « points magiques » afin de recaler la précision du système d’arme dissuasion. C’est donc dans une zone restreinte avec un analyste acoustique ayant récemment travaillé sur la signature de l’Effroyable que le Titane peut le retrouver. Une hypothèse plus mince que du papier à cigarette vis-à-vis de la mise en œuvre continue de la composante océanique de la dissuasion à la mer.
Même la question de la défense anti-missile balistique en tant que substitut à la dissuasion nucléaire est évoquée avec une tentative d’interception du SLBM R-30 lancé par le Tremous III par un… missile Exocet. C’était trop en demandé, surtout que le tir d’un Aster Block 2 tiré par le Forbin ou le Chevalier Paul ou d’un Exoguard développé en secret et lancé depuis  le site essais de missiles de la DGA dans les Landes aurait été plus crédible que le « super magic Exocet ». En tous les cas, l’image du poste de commandement sous le château de Brest avec cette matérialisation sur grand écran de l’ICBM et l’échec de l’interception alors que le point d’impact est à Compiègne (beau clin d’œil à l’histoire) amènera peut être décideurs et électeurs à réfléchir quant à la pertinence de cette défense anti-missile balistique en tant que substitut à la dissuasion.
C’est donc que le spectre des opérations menées par les sous-marins français est bien représenté depuis les missions dévolues aux sous-marins d’attaque jusqu’aux patrouilles des SNLE. Antonin Baudry pour les besoins du scénario est même très généreux puisque nos SNA sont présents en Méditerranée, en Atlantique Nord jusque dans la mer de Barrents et dans la mer de Béring la même semaine : même s’il y a crise, c’est une disponibilité remarquable qui ne manquera pas de faire réfléchir quant au format de la FOST vis-à-vis de l’évolution de ceux des adversaires.
Les problématiques opérationnelles sont bien mises en exergue avec la possibilité de déposer et récupérer des forces spéciales en toute discrétion depuis un sous-marin d’attaque. L’engagement de l’hélicoptère iranien permet de qualifier le capitaine de vaisseau Grandchamp (CDT Titane) comme le commandant de sous-marin le plus bath du monde. Cela permet de souligner qu’un sous-marin est démuni face à un aéronef de PATMAR ou un hélicoptère ASM et qu’un missile anti-aérien serait à même de permettre de dérober après élimination du gêneur. Mais ce combat bien improbable aurait pu être remplacé par une bien plus réaliste action dans un environnement où pullulent bien des sous-marins étrangers dans les eaux syriennes.
Finalement, quelques scènes pourraient être qualifiées de choquantes et donner un autre écho à la « marine de combat » inscrite en lettres d’or dans le plan Mercator de l’Amiral Prazuck. Il n’est pas simple d’évoquer la mort à bord des sous-marins, par exemple dans la liste des accidents passés. Bien des erreurs dans la navigation sous-marine ou un manque de réussite à lutter contre certaines avaries se paient très chères. Le chant du loup représente deux sous-marins français se combattant à mort dans ce qui pourrait une première avec toutes les vicissitudes du combat : les coups portés, reçus, l’impératif de poursuivre la lutte, le combat contre les avaries et les sinistres, le combat au milieu de ceux qui ne se relèvent plus. Le Titane coulé, son équipage décime au grand complet, offre un spectacle saisissant et troublant puisque la scène se déroule dans un espace qui semblait inaccessible aux pertes dans une partie de l’imaginaire collectif. Un SNA en moins, c’est environ 17% de la flotte de perdue.
L’un des défauts courants des films de sous-marins est la représentation peu fidèle des bateaux évoqués. Le chant du loup débute mal avec une frégate iranienne qui est visuellement ce qui semble être la frégate proposée par le constructeur naval chinois CSSC pour les futures frégates Type 054B (le bateau montré dans le film est de dimensions plus réduites que les Littoral Combat Ship (LCS) de classe Independance) et qui n’a pas été retenu par la marine chinoise. Le système de combat du Titane représente cette même frégate avec la silhouette d’une FREMM qui n’est rien de moins que la Normandie.
Les sous-marins, par contre, paraissaient fidèlement représentés : cela a été dit, la Marine nationale s’est manifestement beaucoup investie pour permettre des prises de vues généreuses de SNA et SNLE, les studios employés ont beaucoup travaillé numériquement la navigation sous-marine du Titane et de l’Effroyable avec un souci du détail. Mais pourquoi avoir montré dans les scènes de combat un Titane, SNA français, avec une coque à deux tons de peinture (noire et rouge) séparés par une ligne de démarcation blanche, c’est-à-dire pratiquement peinte comme un sous-marin soviétique ou certains américains ?
Les sous-marins deviennent des acteurs à part entière du film Le chant du loup : c’est bien dommage que le principal, c’est-à-dire l’élément perturbateur, incarnant l’opération de déception, soit aperçu sous le dioptre comme un Delta IV (SNLE) tandis que les archives du CIRA (Centre d’Interprétation et de Reconnaissance Acoustique) montrent un Charlie III, à moins que ce ne soit un type Akula (le massif semble volumineux) : ce qui n’est plus un SNLE et possède une coque trop peu haute pour recevoir un R-30.
Au final, le scénario malgré quelques parti-pris plus qu’audacieux, ne dessert pas son sujet qui est la mise en œuvre de la dissuasion au prisme d’une partie de sa complexité. La distribution des rôles a eu la main heureuse puisque Mathieu Kassovitz est criant de vérité en ALFOST, Omar Sy (capitaine de frégate D’Orsi) joue plutôt bien à contre-emploi alors que Reda Kateb (capitaine de vaisseau Grandchamp) incarne un commandant de SNA et SNLE d’un très grand sang-froid. Le premier maître Chanteraide joué par François Civil est un homme ordinaire confronté à des faits extraordinaires, broyé par la pression des évènements mais qui parviendra à aller au terme de la mission. L’ensemble des autres acteurs jouant les équipages des Titane et Effroyable méritent une mention toute particulière pour avoir réussi à rendre si réaliste et vivant la conduite de ces bateaux.

Malgré ses quelques défauts, l’ensemble constitue une certaine première pour le cinéma français qui n’a pratiquement jamais abordé ce genre depuis Casabianca de Georges Péclet (1951). Ce techno-thriller sous-marin, plutôt que simple film dramatique, n’offre pas une victimisation de la guerre sous-marine mais bien l’accomplissement quotidien des missions. Toutes les facettes sont abordées depuis l’héroïsme jusqu’à la peur de recevoir et donner la mort. Le réalisateur parvient même à restituer l’extraordinaire mission « suprême » de l’équipage d’un SNLE : la frappe nucléaire. Le scénario s’il est audacieux conserve le mérite d’être courageux en évoquant la complexité du monde, la complexité des opérations dans le cadre des défis contemporains les plus actuels. Les auteurs n’ont pas eu la faiblesse de se réfugier dans les erreurs du passés coincées entre 1914 et 1962 avec l’éternel et même registre. C’est cette complexité et la volonté tenace d’essayer de représenter le plus fidèlement possible la navigation sous-marine des bateaux français avec une juste sobriété, loin des exagérations décuplées à grand renfort d’artifices ou des dramatisations les plus lourdes qui soit, qui font que Le chant du loup est l’un des meilleurs films de sous-marins, un des meilleurs films français, voire un très bon film tout simplement.

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By admin

2 thoughts on “"Le chant du loup" d'Antonin Baudry”
  1. Bonjour
    Il semble que vous connaissez bien votre sujet. Pourriez-vous nous indiquer quel est le type d’hélicoptère ASM abattu dans ce film?
    Merci

  2. On ne trouve nul part de quelle manière l’hélicoptère iranien a été réalisé pour le film. Il ressemble à un EC665 auquel une jolie structure aux formes furtives a été rajoutée. Mais on entrouve rien sur le sujet.

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