Ce 14 Juillet 2019, l’Espace devrait occuper une place prépondérante en parallèle des traditionnelles cérémonies militaires. Emmanuel Macron doit s’exprimer sur le sujet et présenter la « doctrine spatiale » nationale. Car en effet, le contexte international fait plus que jamais de l’espace stratégique souverain, une priorité nationale. Et plus encore, un enjeu européen.

Ci-dessus: décollage d’Ariane 5 à Kourou, en juin 2019, pour la mission VA-248. D’ici un an, Ariane 6 effectuera son premier lancement – CNES
Le Président de la République Emmanuel Macron doit axer une partie de son discours aux Armées le 13 juillet sur la stratégie spatiale du pays. Un discours qui présentera les grandes lignes de notre nouvelle « doctrine spatiale », une doctrine ayant vocation à comprendre un important volet européen.
Toute la difficulté dans la rédaction de ce billet résidera donc pour nous dans le besoin de présenter des enjeux à la fois militaires… et civils, à la fois français… et européens.
L’espace, comme le cyber-espace, sont devenus en quelques années des priorités des grandes puissances militaires. Si dans le second domaine, la France opère une discrète mais néanmoins sérieuse montée en puissance depuis le mandat de Jean-Yves le Drian à Brienne (2012-2017), le spatial, où la France est un challenger reconnu (dans l’ensemble des domaines), a très vite été identifié depuis l’élection d’Emmanuel Macron comme un secteur clé à renforcer, un rapport ayant été commandé et élaboré en 2018, avant d’être remis à la ministre Florence Parly.
Initialement prévue pour être dévoilée fin 2018, la stratégie, ou « doctrine » spatiale a donc l’occasion avec les cérémonies du 14 juillet de s’offrir une tribune exceptionnelle. Un week-end important pour les ambitions souveraines de la France, alors que le 12 juillet est mis à l’eau le SNA Suffren.
Si l’espace est depuis longtemps une clé pour les opérations militaires (du renseignement image à la dissuasion nucléaire), c’est bien entendu le contexte international qui guide désormais la stratégie française. Si les USA demeurent ultra-dominants, la Russie reste crédible, et la Chine, avec ses dizaines de lancements à vocation militaire annuels, conteste déjà le leader américain. D’autres Etats, comme Israël, l’Inde (qui a tiré en mars en missile anti-satellite, avec des conséquences mal contrôlées…) ou le Japon affiche des ambitions prometteuses.
Dressons un état des lieux des domaines où la France va, et pourrait progresser.
Les satellites au cœur de la bataille
 
A la fois centres névralgiques (comparons la « toile » satellitaire à des réseaux de neurones, parfois différenciés, parfois entrecroisés) de multiples opérations, civiles comme militaires, vitales pour notre société ultra-numérisée et mondialisée, et aussi véritables poumons du marché, les satellites sont aujourd’hui plus que jamais l’enjeu majeur.
De leur nombre, de leurs capacités, et de leur niveau technologique dépendent bien des solutions dites « souveraines ». L’exemple le plus connu est bien entendu le GPS américain, dont aujourd’hui, toute grande puissance spatiale, Europe comprise avec son Galileo, cherche à se détacher par souci d’indépendance.
C’est ainsi qu’en matière militaire, la « revue stratégique » tout comme la LPM 2019-25 (loi de programmation miliaire) prévoient que le libre accès et l’utilisation de l’espace exo-atmosphérique sont des conditions de notre autonomie stratégique. Un investissement de 3,6 milliards d’euros pour le renouvellement des capacités spatiales françaises doit consolider « nos capacités nationales de surveillance de l’espace exo-atmosphérique (Space Surveillance and Tracking, SST) et de connaissance de la situation spatiale (Space Situational Awareness, SSA), notamment par le renforcement du Commandement Interarmées de l’Espace et du Commandement de la Défense Aérienne et des Opérations Aériennes ».
 
Ainsi, on se rappelle en décembre dernier du lancement du satellite CSO-1. Fabriqué par Airbus Defence & Spaceet Thales Alenia Space, CSO-1 (pour composante spatiale optique) vient suppléer Helios II au service des capacités d’imagerie à destination du renseignement militaire. C’est surtout la première pièce du renouvellement de l’ensemble des capacités spatiales de défense pour la prochaine décennie.
A moyen terme, ce sont 3 satellites CSO, 3 satellites CERES (capacité d’écoute et de renseignement électromagnétique spatiale) et 2 satellites SYRACUSE IV (système de radiocommunication satellitaire) qui seront mis en orbite dans le cadre du renouvellement des capacités françaises.
Dans son désormais célèbre discours de Toulouse en septembre 2018, la ministre des Armées Florence Parly avait cité la nécessite de se doter de moyens défensifs ET offensifs dans le but de protéger notre réseau de satellites à vocation stratégique.
Car si la France est plutôt bonne élève en matière de SST (Space Surveillance and Tracking), notamment grâce à son système GRAVES (Grand Réseau Adapté à la VEille Spatiale) développé par l’ONERA pour la DGA et capable de détecter les satellites (ou autres objets, y compris des débris) orbitant au-dessus de la France métropolitaine à une altitude inférieure à 1 000 kilomètres (orbite basse), ou encore les outils de GeoTracking fournis par Airbus, elle ne dispose d’aucun moyen de défense « concret ». Or, lorsqu’un satellite étranger, russe par exemple, vient « renifler » l’un des nôtres, la seule solution revient à couper toute activité, en attendant patiemment que l’intrus s’éloigne…
C’est pourquoi des organismes comme l’ONERA pensent donc à des solutions plus « dissuasives », et autres que le missile, un choix qui rebute en raison de la dispersion de débris qu’il provoque sur des orbites qui toucheront tout le monde. C’est le cas justement du projet de laser annoncé par l’ONERA le 7 juin dernier, une arme laser antisatellites capable de rendre inopérants des cibles situés entre 400 et 700km d’altitude. De les griller sans les détruire. Reste la limite inhérente à l’utilisation des lasers, la météo !
D’autres solutions, plus radicales, viseraient à doter chaque satellite militaire de moyen d’autodéfense, ou de disposer d’une navette dronisée capable d’intervenir, tel le X-37B américain (nous y revenons plus bas). Enfin bien sûr, il y a le cyber.
Ariane 6 et les nouvelles générations de lanceurs  
Passons maintenant à l’échelle continentale. Côté européen, si nombre de capacités militaires sont partagées avec des pays alliés, comme l’Allemagne ou l’Italie, l’Europe doit permettre de garantir, avant toute chose, la pérennité de nos lanceurs, ce qui passe par le volet commercial et la passation de marché dans le lancement de satellites. A ce jour, le compte n’y est pas, et des voix de plus en plus nombreuses s’élèvent en faveur d’un « Buy European Act ». Vous retrouverez ici une problématique bien connue du monde de l’armement…
Ce qui nous amène donc aux lanceurs Ariane, et Vega.
Si les coopérations internationales de l’agence spatiale française, le CNES, et de l’agence européenne, l’ESA, sont une force inestimable (notamment avec la Russie, et surtout la Chine, que la NASA américaine délaisse), le fait qu’un satellite français de l’importance de CSO-1 ait été lancé depuis Kourou… sur Soyouz russe a hérissé les poils de nombreux observateurs. Effectivement, il est difficilement compréhensible de dénoncer en septembre l’espionnage d’un satellite franco-italien par un satellite russe, pour 3 mois plus tard lancer une des composantes principales d’observation orbitale via un lanceur russe.
Si la problématique et ces logiques de coopérations sont évidemment plus complexes qu’il n’y paraît, la nécessité de disposer d’un panel complet de lanceurs européens est réelle. Du nano satellite électrique de quelques dizaines de kilos au satellite lourd de plusieurs tonnes, l’Europe doit pouvoir grâce à Ariane et Vega, tirer tous les types de charge, et ce fréquemment, et à moindre coût.
Vue d’artiste d’Ariane 6.4 – Ariane Group
Jusqu’à maintenant, c’est la formidable Ariane 5 qui fait le prestige de l’Europe. Lanceur ultra fiable, Ariane 5 est néanmoins devenu trop cher (+/= 100 millions €) pour un marché désormais très concurrentiel depuis l’avènement de Space X et consorts.
A partir de 2020, c’est Ariane 6 qui débutera sa carrière, avec deux configurations (Ariane 6-2 et Ariane 6-4, selon le nombre de boosters) et un coût de lancement largement réduit (70 millions d’euros ?) grâce à des process industriels optimisés.
Vega, qui vient de connaitre ce 11 juillet 2019 son premier échec en 15 lancements, est capable de tirer de petits satellites pour un coût estimé à 30 ou 40 millions d’euros.
L’optimisation des coûts et l’avènement d’Ariane 6, conçu pour évoluer très rapidement même après son entrée en service, doit sauver le marché européen, mais il nécessite actuellement des sacrifices. C’est ici la suppression de 2300 postes chez Ariane Group d’ici 2023. Il est alors fondamental que l’Europe propose dans les mois qui viennent une feuille de route industrielle, afin de redonner un élan à l’ensemble du secteur.
Les travaux sur les lanceurs réutilisables seront eux fondamentaux, et les industriels européens, qui n’y croyaient pas il y a encore 4 ou 5 ans, sont désormais à la manœuvre sur ce créneau.
Se pose enfin la question des sites de lancement, dont le panel pourrait bien s’élargir avec la profusion de nouveaux lanceurs, en particulier privés. Dans le contexte du « New Space », il s’agira éventuellement de proposer des solutions nouvelles et plus variées.
Kourou, en Guyane française, héritière de Hammaguir dans le Sahara Algérien, offre une solution évidente de par sa proximité avec l’équateur. Les contraintes cependant, se situant elles dans l’éloignement du continent européen, et dans son climat tropical qui rend le travail sur place difficile.
Fin 2018, un appel à projet a été lancé par le gouvernement portugais lors du Congrès international de l’astronautique pour la construction à horizon 2021 d’une base de lancement destinée au petits lanceurs sur l’île de Santa Maria, dans l’archipel des Açores. La nouvelle fut accueillie très froidement par Arianespace,  qui y voit une concurrence à Kourou, tandis que l’ESA a préféré tempérer les remous causés par cette annonce, en rappelant qu’il ne s’agissait que d’un projet. Ailleurs en Europe, le Royaume-Uni s’intéresse à un site en Ecosse, et l’Espagne pense aux Canaries.
Saisir les opportunités du New Space
Ce qui nous amène au New Space, qui peut se définir comme le nouvel écosystème économique du monde spatial, un écosystème tiré par des acteurs non-traditionnels du secteur, et dont le mérite principal est d’avoir véritablement su donner un nouvel élan à la conquête spatiale (« conquête », ou « exploration », cela dépendra de la doctrine, voire de la sensibilité).
Par nature, le spatial nécessite, afin de garder des capacités souveraines, de pouvoir compter sur un écosystème technologique particulièrement complet. Par exemple, outre les domaines déjà cités, et pour entrer dans des considérations plus techniques, nous penserons la capacité à fabriquer des cellules solaires et batteries toujours plus performantes, capables d’encaisser les radiations. Ou bien les amplificateurs à tubes utilisés pour amplifier les signaux radiofréquences et dont Thales est un spécialiste mondial, les gyroscopes, ou encore les détecteurs infrarouges.
Mais avec le New Space, les champs s’élargissent considérablement. Et c’est bien là une chance pour l’Europe, qui dispose de multiples atouts, privés mais aussi publics, en matière de R&D dans les hautes technologies, ses équipements se retrouvant déjà sur un nombre considérable de missions dans partout dans le système solaire.
Pourtant, l’Europe patine. Habituée à des logiques programmatiques lourdes, son temps de réaction face aux acteurs du New Space, en premier lieu américains, a été beaucoup trop long, avant qu’un vent de panique, puis une remise en ordre de marche, ne viennent successivement réordonner le secteur.
A la France, comme à ses voisins européens de structurer cette économie, notamment via des mécanismes de financements adaptés, et avec l’aide des grands groupes industriels comme Ariane. Et de profiter ensuite des formidables opportunités qui se présentent. Nous citerons les multiples technologies duales, dans la santé notamment, et, plus encore que le très médiatique tourisme spatial, une pratique à vocation stratégique s’il en est: l’exploitation des ressources de l’espace.
Concept d’exploitation des minerais d’un astéroïde, par DSI, devenu Bradford Space Inc.
Barack Obama a ouvert la voie à cette exploitation en légiférant dès 2015 (nous l’évoquions alors sur le blog !). En Europe, c’est, dans un soucis de diversification de son économie, le Luxembourg qui a misé sur ce marché en légiférant en juillet 2017, s’appuyant sur des expertises internationales, dont celles de la Banque Européenne d’Investissements et de l’ESA. Les pays du Golfe ont annoncé qu’ils feraient de même.
3 ans à peine après la mission Philae de l’ESA, avec la réussite actuelle de sa mission Ayabusa-2, le Japon démontre lui aussi sa capacité à orbiter à se poser sur un corps céleste pour recueillir des échantillons (mais également sa capacité à l’impacter avec un tir de précision ! Un message pour son voisin chinois ?).
Pour clôturer cette partie sur le New Space, nous pourrons enfin nous appuyer sur le tout récent document d’orientation de l’Agence de l’Innovation de Défense, publié ce 11 juillet, qui donne pour mission à l’Agence et au Ministère des Armées de s’appuyer sur l’expertise du CNES et de soutenir l’émergence d’une filière nationale duale du « New Space » sur les enjeux de miniaturisation et de réduction des coûts, cela dans le but de soutenir les capacités stratégiques et leur renouvellement.
De grands projets pour de grandes ambitions  
Revenons-en au contexte international. L’espace est pour les puissances majeures, comme émergentes, tout autant une nécessité stratégique qu’un objet de prestige. La Lune fit l’objet d’une course durant la Guerre Froide, et redevient attirante pour la décennie qui se présente. Avant Mars, un jour.
Moribond il y a encore 10 ans, quand la NASA peine à justifier l’existence de ses programmes, le secteur spatial s’apprête à connaitre un nouvel âge d’or, sur fond de rivalités internationales et de prouesses scientifiques.
Bien entendu, plus que des robots, des drones… il faut envoyer des hommes et des femmes dans l’espace. La France a connu le formidable engouement autour de la mission de Thomas Pesquet en 2016 et 2017, qui lui, repartira bientôt.
En attendant, tentons d’imaginer les quelques grandes orientations qui pourront émerger de la nouvelle doctrine spatiale française:  
  • La France doit-elle se doter d’une « Space Force » ?
Donald Trump avait surpris son monde, une fois n’est pas coutume (!), en annonçant la création d’une « Space Force », un commandement spécial chargé de l’espace au Pentagone. Est-ce bien pertinent ? Et pourrait on prendre ce chemin ? En France, le « Commandement interarmées de l’espace », ou CIE, s’appuie sur quatre bureaux (politique spatiale et coopérations, préparation de l’avenir, emploi et coordination et maîtrise de l’environnement spatial) ainsi que sur 6 sections (observation, écoute, surveillance de l’espace, alerte, télécommunications et navigation-positionnement-datation) et un centre d’opérations espace.
C’est la grosse côte parmi les annonces : dans l’Armée de l’air, on se plait déjà à imaginer prendre la direction des affaires, comme le citait récemment le CEMAA: « L’espace est pour l’aviateur la prolongation évidente du milieu aérien ». Et institution s’imagine déjà prendre le nom d’ « Armée de l’Air et de l’Espace » !
Il existe bel et bien une bataille doctrinale sur le sujet, que l’on retrouve aux USA. Alors que l’US Air Force gère déjà des programmes comme la navette (drone) X-37B, et par nature la surveillance du ciel, l’affirmation selon laquelle l’espace est le prolongement du ciel est désormais largement remise en cause, au profit d’une vision selon laquelle ce milieu doit développer ses propres concepts stratégiques, ces derniers ne devant en aucun cas être biaisés par les doctrines et concepts des forces armées traditionnelles… Tout comme la puissance aérienne a dû prendre son indépendance, elle qui n’était qu’un prolongement des forces terrestres ou maritimes.
Le mystérieux X-37B américain, photographié en orbite par un astronome amateur en 2019
En janvier, dans un rapport remis à la Commission de la Défense et des forces armées de l’Assemblée Nationale, les députés Olivier Becht et Stéphane Trompille proposaient la création d’une « Force spatiale » sous l’autorité directe du Chef d’état-major des Armées ainsi que d’une « Haute Autorité de Défense Spatiale » placée directement sous l’autorité du Premier Ministre en lien direct avec le ministre des Armées.
Une telle annonce ne serait donc pas si surprenante à Paris. Il s’agira également de conforter le CNES dans son rôle dual.
  • Une navette française ou européenne ?
Un autre sujet brûlant est celui des véhicules manoeuvrants, dont l’intérêt stratégique va de soi. Fin 2018, Eric Trappier, PDG de Dassault Aviation déclarait: « Qui contrôle l’espace, contrôlera ce qu’il y a en dessous. Il faudra être dans l’espace avec très certainement des avions spatiaux à un horizon de 15 à 20 ans (…) Si on vole dans l’espace, Dassault Aviation peut y être et doit y être ».
Effectivement, Dassault se montre plutôt proactif sur cette question, avec encore quelques pistes lâchées par son PDG Eric Trappier lors du Paris Air Forum, le 15 juin dernier:« On commence à maîtriser l’espace pas seulement en y allant et en en revenant, mais aussi en s’y promenant. Cela peut intéresser les avionneurs de combat et en particulier Dassault de pousser un peu plus la frontière. (…) Il faut accentuer et accélérer la volonté de coopération européenne dans ce domaine ».
L’idée est certes séduisante, mais étant donné le coût, à ce jour non dévoilé, d’un tel programme, que seuls les USA avec leurs X37-B, et la Chine avec Shenlong, semblent pouvoir mener, la coopération à échelle européenne s’avère obligatoire.
Le Space Rider, future navette non-habitée de l’ESA, est notamment développée par Thales
Faute de solution nationale low cost, même si Dassault justement, a travaillé sur des projets de navettes autonomes, il existe bel et bien une piste crédible: le Space Rider. Thales Alenia Space et la compagnie italienne ELV (European Launch Vehicle) se sont vus confier en novembre 2017 un contrat de 36,7 millions d’euros dans le cadre du programme Space Rider, qui fait directement suite au démonstrateur IXV, qui a volé en 2015. Envoyé par le lanceur Vega-C depuis Kourou, Space Rider pourra dans quelques années, après un premier vol en 2021, emporter des charges utiles de 800 kg pour des missions diverses. Réutilisable, il sera surtout muni d’un bras robotisé.A vocation civile, d’abord au sein de l’ESA, mais plus tard chez Arianespace, on peut facilement imaginer un emploi plus stratégique pour le Space Rider. Dans un entretien chez Aviation Week en juin, Eric Trappier, qui porte également la casquette de Président du GIFAS, citait justement le programme: « Je peux voir où les Chinois veulent aller – un avion spatial. Je peux voir les États-Unis réagir. Il y a beaucoup de créativité aux États-Unis. Nous devons suivre cet exemple sans nous contenter de copier. L’Europe doit pouvoir se rallier et conserver son autonomie dans l’espace. De plus, l’espace militarise. Nous ne pouvons pas être laissés pour compte. Un autre problème est l’accès aux données de l’observation de la Terre. Donc, le Space Rider est une petite contribution à quelque chose de plus grand. Les Chinois progressent rapidement dans l’aérodynamique et l’hypervelocité. Nous pouvons (Dassault Aviation) apporter certaines capacités dans le programme Space Rider, ce qui serait la réponse de l’Europe ».Mais là encore, un tel projet rencontrera des divergences politiques et doctrinales. Il s’agira de passer outre. Une impulsion dans ce domaine est donc attendue, et certains industriels semblent convaincus. Reste à savoir si nous avons les moyens, et la volonté, d’inscrire cela dans un cadre purement national et stratégique, ou dans un cadre européen plus large et dual.
  • La résilience de notre réseau satellitaire
Plus qu’une politique de puissance, la France vise l’indépendance. Dans un tel cadre, les capacités défensives sont fondamentales, et les capacités offensives servent la dissuasion. La priorité est alors de pouvoir disposer de capacités crédibles, car non seulement performantes, mais aussi et surtout extrêmement résilientes.
Si certaines puissances ont tenu a démontrer leur capacité à cibler et détruire un satellite en développant des missiles dédiés, la menace la plus directe aujourd’hui est la cyber-menace.
Or, on trouve quelques solutions dans le rapport parlementaire d’Olivier Becht et Stéphane Trompille: pouvoir disposer de constellations de satellites, et/ou de moyens de lancement rapides de fusées emportant un satellite à partir « de drones spéciaux de type ALTAIR développé par l’Onera ou de type Pegasus de Dassault », et ce afin de combler les pertes en cas d’agression, soit par la masse, soit par des lancements en urgence.
Une autre solution prônée par le rapport parlementaire, déjà presque « sur étagère, s’incarne dans le recours aux pseudo-satellites comme le Stratobus de Thales Alenia Space ou le Zephyr d’Airbus Defense & Space.
Le Stratobus de TAS débutera sa carrière commerciale en 2022. Il pourrait jouer un rôle fondamental sur certains théâtres.
Ces « pseudo satellites de haute altitude », ou HAPS, sont en phase finale de développement et devrait pouvoir se faire une place, notamment dans les armées européennes. Problème et limite, ces appareils ne sont pas adaptés au contexte de guerre de haute intensité.
Le drone solaire Zephyr d’Airbus, intéresse notamment l’armée britannique
 
Quid du satellite à communication quantique ? Disposant d’un chiffrage « quantique » supposé indéchiffrable, la Chine semble en avance dans ce domaine. Elle qui a tiré un satellite de ce type en août 2016, espère disposer d’un réseau quantique aux environs de 2030. Ses investissements en la matière se comptent en dizaines de milliards, ce qui rend cette technologie inaccessible pour des puissances moyennes… jusqu’à preuve du contraire, la France n’étant pas inactive dans ce domaine.
 
  • Le droit !
Si l’ont en croît les diverses déclarations entendues cette année, principalement depuis le discours de Florence Parly à Toulouse, la France, dans un désir d’indépendance et de souveraineté, s’inscrit dans une posture basée sur son droit de légitime défense : « Nous allons continuer à avoir une stratégie défensive  mais nous ne nous interdisons pas d’avoir une stratégie plus offensive » (Florence Parly).
Mais en parallèle de toute action, toute doctrine, toute stratégie, la France peut tenter de jouer un rôle, qui historiquement lui plaît, celui de leader sur le plan diplomatique, dans un domaine où tout reste à faire, ou plutôt à refaire… puisque depuis le Traité sur l’espace de 1967, le corpus tient sur des principes que l’on qualifiera désormais d’idéalistes.
Car cette militarisation de l’espace qui ne dit pas son nom, fruit d’une partie d’échec avec au centre le contrôle des réseaux et l’exploitation des ressources, ne peut pas, ne doit pas se dérouler dans dans une sorte de no man’s land juridique. La France, qui se veut toujours respectueuse du droit international et qui prône la diplomatie avant tout, doit non seulement proposer des initiatives pour un nouveau droit spatial international, mais peut de façon plus simple, d’ores et déjà commencer à initier des mesures nouvelles au plan national comme européen. Le secteur du New Space est sur ce point en première ligne.
 
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