En son temps, Henri Salvador chantait que le travail c’était la santé. Depuis, nous avons été incités, pendant les crises sanitaires, à découvrir les joies vertus et bonheurs du télétravail. A entendre les conseils prodigués au tout début du confinement, cela semblait tout simple. Les professeurs étaient d’ailleurs incités le soir de l’annonce de l’imminence du confinement à préparer dare dare leurs cours pour qu’ils soient télé compatibles.
C’est dire comme c’était facile, car comme tous les managers sont bons excellents, ils ne peuvent mettre leurs subordonnés dans une situation délicate. Il suffisait d’un ordinateur, d’une connexion internet, d’un peu de bonne volonté et…hop ! Le tour était joué.
Dans les faits, était-il si bien joué que cela ? Au-delà des questions légales que le télétravail peut soulever, nous allons passer en revue quelques ingrédients pour que le télé travail fonctionne correctement.
Matériel et logiciels
Pour pratiquer le télé travail, encore faut-il tout d’abord un peu de matériel et de logiciels.
Concernant les logiciels, zoom a attiré l’attention sur lui. Rançon de la popularité µsoftienne, il était logique que beaucoup se ruent sur lui, puisqu’il est sympa, cool, convivial et, bien sûr, secure by design. A ce sujet, tout le monde n’a pas le même avis. Il y aurait des failles de sécurité dans zoom ! Rassurons-nous, µsoft veille au grain et propose même à ses utilisateurs de leur envoyer un rapport de vulnérabilité. Si d’aventure l’une d’elles existait, ce serait sûrement à l’insu du plein gré de µsoft, car nous apprenons sur leur site que « Nous prenons la sécurité au sérieux et nous sommes fiers de surpasser les normes industrielles pour satisfaire toutes vos communications d’organisation. » Attention, ils ne dépassent pas les normes industrielles, ils les surpassent ! C’est dire si ça doit être encore mieux blindé et bétonné que l’ensemble de la ligne Maginot. Mais certains (le fouet, le fouet) disent que la faille de sécurité était énorme !
Mais la visio conférence ne saurait résumer tous les besoins du travail à domicile. Comment peut-on télécharger des documents de son bureau vers chez soi (ou les envoyer de chez soi au bureau), sachant que le délai de préparation au télétravail n’a pas été très important, c’est le moins qu’on puisse dire.
Le logiciel ne faisant pas tout, il faut aussi du matériel. Et là, comme les entreprises ne peuvent légitimement fournir des PC sécurisés à tous leurs employés, nous voyons resurgir le BYOD ! Véritable passoire de la PSSI (lorsqu’elle existe), le BYOD devient une nécessité. Certes, mais cela peut fragiliser le système d’information de l’entreprise. Pour un rappel sur ce phénomène, vous pouvez lire ce vieux billet. 6 ans ! Comme pas grand chose n’a changé, cela montre vraiment l’échec de la sensibilisation.
Formation
Admettons que la question des matériels et des logiciels soit réglée. Se pose cependant la question de la formation à leur utilisation, car quand bien même les logiciels sont intuitifs, certains le sont plus que d’autres.
Et il peut être utile non seulement de tenir une visio conférence, mais aussi de partager des documents.
Un minimum de formation s’impose alors, pour que les opérations soient réalisées conformément à des procédures, afin de ne pas mettre en péril la sécurité du système d’information.
L’architecture du SI de l’entreprise
Oui, car promouvoir le télétravail, c’est bien, mais encore faut-il que l’architecture du système d’information le permette. Première question à se poser, les serveurs sont-ils correctement dimensionnés pour supporter les connexions de tout le monde au même moment ?
Des procédures pour accéder au SI de l’entreprise ont-elles été définies, sont-elles réalistes et sont-elles respectées ?
A ce sujet, la PSSI (que toutes les organisations ont rédigée, bien sûr, et qu’elles respectent à la lettre) a-t-elle prévu des cas de télétravail ? La sécurité du SI est-elle encore garantie avec le télétravail ? Quels sont les mécanismes d’authentification à distance ? Ont-ils été testés et éprouvés ? Et en cas de problème de sécurité, quelles sont les mesures qui doivent être prises, et par qui, comment, avec quel impact sur le télétravail ?
Et, dans ce dernier cas de figure, si le télétravail venait à devenir temporairement impossible, quelles mesures prendre en attendant ?
Le management
Le dernier point évoqué nous amène donc à la question du management avec le numérique. Car manager avec des télétravailleurs c’est, de fait, manager avec le numérique. Et là, nous ne pouvons que nous rendre compte que ce n’est pas gagné, malgré le fait que toutes les entreprises et administrations se numérisent.
Et pourtant, les entreprises auraient pu se préparer, car avant la pandémie, nous avons eu la méga-giga-peta-tera grève de la SNCF ! Rappelle-toi Barbara, les trains étaient en grève ce jour-là, et tout le monde découvrait que les Français n’attendaient que cela pour ne rien faire : des heures d’attente en gare, des pugilats pour monter dans les rares bus qui circulaient, bref, l’occasion rêvée de lancer le télétravail dans l’entreprise. Mais, au lieu de se poser la question du télétravail dans l’entreprise, j’ai ouï dire que certaines professions (libérales) l’accordaient à leurs associés, mais point à leurs salariés du bas de l’échelle. Ben oui, ces fainéants, on ne peut leur faire confiance ! Ce fut donc une occasion loupée… Et le « jour d’après » la grève, toutes les organisations ont réfléchi à la question du télétravail et l’ont mis en œuvre. Ou presque. Donc, pas de panique, le « jour d’après » la pandémie sera comme le jour d’avant, à ceci près qu’il y aura d’abord des beaux discours. Bon, rassurons-nous, ils ne changeront pas grand chose.
Il n’y a pas que le privé qui n’a pas tiré les leçons de la grève. Le public sait faire fort. Ainsi se pose la question des examens de l’école de la magistrature. Tous les auditeurs n’ont pu passer leur oral et sans oral, pas de classement, pas de classement, pas d’affectation. Facile me direz-vous, ils n’ont qu’à faire passer les oraux en visio conférence ! Oui mais, ce n’est pas si simple, car « L’idéal serait donc de pouvoir faire passer les vingt-sept oraux manquants par visioconférence. Mais ce n’est pas simple. Car les sept membres du jury sont confinés à travers le territoire, éparpillés selon leur lieu de résidence. »
Quand ça veut pas, ça veut pas.
Manager avec le numérique, que ce soit dans le public ou le privé posera souvent problème aux managers, car manager avec le numérique c’est :
- accepter de ne pas avoir ses collaborateurs sous les mains, donc renoncer à les convoquer « dans mon bureau ! » pour un oui ou pour un non ;
- définir précisément le travail attendu de chacun des collaborateurs ;
- définir une échéance qui soit réaliste et donc tenable ;
- faire confiance à ses collaborateurs ;
- accepter, s’ils ont terminé leur travail avant l’échéance fixée, de leur foutre la paix ;
- et surtout, faire son travail et non celui de ses subordonnés.